Au terme d’une course extrêmement rapide, Alexander Legkov s’impose au sprint. Le fondeur russe devance ses deux compatriotes Maxim Vylegzhanin et Ilia Chernousov. Le premier Français s’appelle Robin Duvillard et se classe 6e.
On s’attendait à voir un Français briller sur la piste de Laura à l’occasion de ce 50 km libre clôturant la quinzaine olympique du ski de fond. On attendait un fondeur à la combinaison blanche avec ses petites bandes bleu et rouge, mais pas celui-là. Alors que tous les regards scrutaient l’horizon en quête de Jean-Marc Gaillard ou de Maurice Manificat, pas dans le coup aujourd’hui, c’est la frimousse de Robin Duvillard qui est apparue, en premier, dans la dernière ligne droite. Au sprint, le skieur de Villard-de-Lans se battait pour arracher une superbe place d’honneur, une 6e place inattendue. Heureux, il serrait le poing, levait le doigt comme pour dire « : « oui, je l’ai fait », tout en esquissant un joli sourire. Le trentenaire venait d’imiter Aurore Jean, également 6e la veille lors du 30 km libre dames. « J’ai vécu un 50 km de rêve. J’ai tout sacrifié pour cette course, j’espérais mieux. Cette 6e place, je la prends volontiers mais ça fait mal de se faire lâcher comme ça dans la dernière bosse », réagissait-il à chaud conscient d’avoir échoué de peu dans sa quête d’un podium.
En effet, tout s’était joué quelques centaines de mètres en amont, dans cette dernière et interminable montée, ce juge de paix où les plus forts construisent leur succès. Un peu juste par rapport à la concurrence, aux Legkov, Vylegzhanin et autres Sundby, Duvillard a limité les dégâts mais laisser s’évanouir ses espoirs de médaille en individuel. A 30 ans, il doit se contenter du titre honorifique de meilleur français du jour. « Un grand coup de chapeau à Robin », saluait Jean-Marc Gaillard, lui-même 6e lors du skiathlon inaugural. Une maigre consolation au terme d’une course où Duvillard s’est montré très à son avantage.
Dans l’ombre
Loin d’être favori à l’entame de ce 50 km libre, Robin Duvillard ne nourrit aucun complexe. Bénéficiant d’une bonne glisse et d’excellentes jambes, il se cale aux avant-postes, jamais bien loin de la tête tout en veillant à ne pas trop se montrer. Intelligemment, il joue de son expérience pour prendre les sillages de références mondiales comme le Suisse Dario Cologna. Une tactique payante dans une course d’attente menée sur un train élevé. Aussi, quand les choses sérieuses commencent, l’Isérois est en mesure de répondre à l’accélération des favoris et donc d’accrocher le bon wagon.
Idéalement placé l’amorce de la dernière difficulté où il est encore 5e, il ne peut rien faire face au démarrage brutal de Legkov. « J’ai fait une belle course. Je me sens trop bien tout le long, je pensais pouvoir jouer la médaille à la fin mais dans la dernière bosse… », soupire-t-il alors qu’avec sa 6e place, il égale sa meilleure performance en carrière après le 30 km libre de Davos en décembre dernier.
Derrière lui, le deuxième Français est une autre surprise en la personne d’Ivan Perrillat-Boiteux. Dernier relayeur magique de l’équipe bronzée, le fondeur du Grand-Bornand s’est hissé à une bonne 13e position à seulement 38’’ du vainqueur. « Je suis super content. J’ai réussi à m’accrocher tout le long mais à la fin je n’ai pas pu suivre. J’ai manqué d’un peu de fraîcheur », regrette-t-il. Des regrets que ne partage pas Jean-Marc Gaillard. Leader par les résultats jusqu’ici à Sochi, le vétéran de l’équipe de France a connu quelques soucis dans la dernière partie de course. « J’ai senti à partir du 35-40 que les jambes commençaient à serrer et dans la dernière montée, j’ai eu de grosses crampes », expliquait-il fataliste après avoir terminé à une anonyme 36e place.
Le titre de pire tricolore revenait toutefois à Maurice Manificat. Certainement encore affecté par le virus qui l’a poussé à renoncer au sprint par équipe, ce dernier a connu un dimanche compliqué. « Je n’y étais pas du tout. A l’échauffement, j’ai senti que j’allais souffrir, que les jambes n’étaient pas là », constatait-il. Une dernière course en clair-obscur pour le clan tricolore qui clôt une quinzaine exceptionnelle marquée par le bronze conquis par les 4 hommes du jour.
Legkov et la Russie pour l’histoire
A l’avant, ce 50 km allait servir de théâtre à un nouveau moment d’histoire avec pour acteur principal, Alexander Legkov. Malheureux sur le skiathlon où il égare un bâton à moins de 2 km de l’arrivée, le troisième du classement général de la coupe du monde avait à cœur de briller en individuel. Devant les siens et pour cette épreuve de légende, le Russe a fait preuve d’une magnifique clairvoyance comme lors de ce passage au 30e kilomètre où il accélère légèrement avant le stade pour pouvoir changer de skis en toute tranquillité et ressortir avec 10’’ d’avance sur ses principaux rivaux, obligés de combler l’écart.
Malin, il est aussi le plus fort sur les skis. Au km 37, c’est lui qui prend les choses en main dans le groupe de poursuivants et met fin à la belle échappée du Finlandais Hekkinen, parti 5 bornes plus tôt. Le regroupement opéré, Legkov décide alors de se cacher quelque peu et laisse les commandes au Suédois Soedergen. On ne reverra le Russe qu’à l’approche de la dernière difficulté. Au pied de celle-ci, il se déporte sur la droite du tracé et fournit son effort. Un effort violent, brutal et d’une puissance terrible auquel seuls trois hommes parviennent à résister : le n°1 mondial norvégien Martin Johnsrud Sundby et ses deux compatriotes Maxim Vyleghzanin et Ilia Chernousov.
Double champion olympique (skiathlon et 15 km), Dario Cologna n’a pu se mêler à la bataille après que son ski gauche se soit brisé. Comme Marit Bjoergen la veille, Legkov donne tout dans cette montée et bascule en tête. Il est trop tard pour les autres. A 30 ans, l’enfant de Krasnoarmeisk décroche son premier titre olympique et sa seconde médaille dans ces Jeux olympiques (argent du relais, ndlr).
La fête se devait d’être grandiose pour cette dernière du ski de fond à Sochi. Aussi, derrière, le sprint tournait en faveur des Russes Vylegzhanin et Chernousov qui déposaient Sundby. Au lendemain du triplé des Norvégiennes, les hôtes répondaient de la plus belle des manières en réalisant un exploit inédit sur 50 km depuis le triplé suédois (Wiklund-Wikström-Englund) en 1936 lors des JO organisés à Garmisch-Partenkirschen, le 4e de l’histoire de la distance (La Norvège l’avait réalisé en 1924 et la Suède déjà en 1928, ndlr). Une fin de compétition en apothéose pour le pays organisateur et sa foule en liesse.
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