SKI DE FOND – Alban Gobert, manager du haute-Savoie nordic team, fait le point sur son équipe très en vue sur les deux premières longues distances de l’hiver. Il se réjouit de ce bon début de saison et lance des pistes de réflexion sur la place des teams dans la discipline ski de fond et pointe sans langue de bois les points sur lesquels travailler en lien avec la FFS.
Alban Gobert, avec trois victoires et huit podiums en deux courses sur le marathon de Bessans et la Foulée blanche, quel bilan dressez-vous de l’entame de saison du Haute-Savoie Nordic Team sur le circuit des longues distances ?
Nous ne pouvons qu’être satisfaits de ces résultats d’ensemble. Certains de nos athlètes visent la victoire au départ de chaque course, il y a donc une certaine attente à leur égard. D’autres découvrent tout juste ces circuits, ils sont dans une phase d’apprentissage, et doivent d’abord engranger de l’expérience sur ces courses où il faut savoir tenir les kilomètres à une vitesse de déplacement élevée, savoir encaisser les a coups, savoir se placer dans un peloton aux moments clés… La stratégie de course et d’équipe joue également un rôle prépondérant dans le résultat final. Après un tout début de saison en demie teinte pour certains d’entre eux, ces bons résultats sont importants pour leur permettre de se rassurer et prendre de la confiance pour la suite. Emilien Buisson a fait un gros travail avec eux depuis qu’il a pris le poste d’entraîneur du Team. Nous avons un très bon groupe, sérieux et motivé, et le travail porte ses fruits petit à petit. Nous profitons de ces moments, mais gardons la tête froide et restons concentrés car la saison est longue, et nous avons encore de beaux objectifs en perspective.
Aurélie Dabudyk avec (déjà !) le maillot rouge de leader de la worldloppet cup sur les épaules, voilà qui donne des idées pour la suite non ?
Aurélie fait partie de ces athlètes qui visent la victoire au départ de chaque course. Aurélie a d’énormes qualités physiques et de compétitrice, et en plus de ça elle commence à avoir une certaine expérience de ces courses. Gagner le classement générale de la FIS Worloppet Cup est son objectif principal de la saison, et nous sommes là pour l’aider à remplir cet objectif. Aurélie est une athlète complète qui progresse encore, et qui n’a pas fini de vous surprendre. Nous avons un bon groupe de filles, motivées, sérieuses et complémentaires qui sont toutes capables de faire de très belles choses. C’est surtout ça qui donne des idées pour la suite.
Tous les athlètes participent à la vie et au fonctionnement de l’équipe
Ce dimanche sur la Foulée, le plateau était très relevé mais ce sont finalement et logiquement des athlètes coupe du monde qui ont brillé. Comment intégrez-vous dans le collectif des athlètes équipe de France (Jean-Marc Gaillard et Ivan Perrillat-Boiteux par exemple) auprès des plus jeunes comme Antoine Agnellet, très bon 2e à Bessans ?
L’intégration se fait naturellement : bizutages, corvées en tous genre, épreuves d’intégration … (rires). Plus sérieusement, tous les athlètes participent à la vie et au fonctionnement de l’équipe, c’est leur équipe ! En plus, pour la plupart ils se connaissent depuis de longues années, ils vivent pour la même passion et ont, au final, les mêmes rêves. Il n’y a pas de différence de traitement entre athlètes « FFS » et athlètes permanents ou entre « vieux » et jeunes. Tous savent qu’ils ont à apprendre les uns des autres et tous savent aussi que les moins forts d’aujourd’hui seront peut-être les plus forts de demain, et vice versa. Il y a beaucoup de respect entre tous et il règne dans le groupe une ambiance « bon enfant ». C’est important car le ski de fond à haut niveau est un sport bien assez dur pour qu’on lui rajoute des tensions ou pressions supplémentaires. Je crois sincèrement en tous nos athlètes, Emilien et François aussi, et je pense qu’ils le savent. A partir de là, ils donnent tous le meilleur d’eux même et cherchent en permanence à progresser.
Quel rôle joue le team à leurs côtés et vice-versa ?
Le Team ne joue pas exactement le même rôle pour tous les athlètes car nous avons différents profils au sein de l’équipe. Nous intervenons bien sûr sur le sportif, au sens large du terme, principalement pour les athlètes hors des groupes fédéraux car il est important pour leur réussite qu’ils n’aient qu’un seul référent sportif. Pour les athlètes en équipe de France, le référent sportif c’est leur entraîneur fédéral. Nous on est là en soutien le reste du temps et sommes notamment leur structure support pour toutes les courses « longues distances ». Par contre pour tous, nous intervenons sur les autres aspects de la vie d’un sportif de haut niveau : communication, aide à la recherche et la gestion de partenariats individuels, formation et orientations professionnelles etc. Je mets un point d’honneur à développer ces points là dans un futur proche car nos athlètes ne sont pas des « pros » sur ces aspects « extras sportifs » et peu de choses sont faites pour les aider à le devenir. L’avenir de notre discipline passe aussi par ça.
Gel Rossignol et HSNT doivent avancer ensemble
Sur cette seconde épreuve du calendrier des longues distances en France, la « bataille » a fait rage entre vos troupes et celles du Team Gel Intérim Rossignol. Benoit Chauvet, vainqueur à Bessans, nous parlait de « saine émulation », il semble que cette concurrence aille encore plus loin non ?
« Saine émulation », Benoit à raison. Je l’ai déjà dit et le répète, la création du Team Gel Rossignol est une très bonne chose pour nous et pour le milieu. On s’apprécie et se respecte, et nous devons absolument avancer ensemble. Ensuite il faut distinguer les teams, leur fonctionnement et leur environnement, de la compétition. En course nous sommes concurrents et nous ne nous ferons pas de cadeaux. Eux comme nous sommes là pour une chose : la gagne. Hors il n’y a qu’un seul vainqueur par course.
Pour ce qui est du reste, et je pense notamment à l’aspect communication et médiatisation, c’est aussi à vous, les médias, de faire attention à ne pas privilégier les uns ou les autres pour des raisons d’image, de notoriété ou pour des enjeux économiques, car notre milieu n’est pas prêt pour ça. Je pense aussi aux autres Teams, le Team Grenoble ou le nouveau Team Crédit Agricole Franche Comté par exemple, qui comptent aussi de bons éléments et qui sont très importants à notre milieu.
![Alban Gobert, à droite : "Les athlètes qui vivent du ski se comptent sur les doigts des deux mains"](https://i0.wp.com/www.nordicmag.info/wp-content/uploads/2015/10/HSNT-4.jpg?resize=620%2C414&quality=89&ssl=1)
Alban Gobert, à droite : « Les athlètes qui vivent du ski se comptent sur les doigts des deux mains »
A l’étranger, les modèles de teams, hors équipes fédérales, fleurissent. En France, HSNT et Gel ont ouvert la voie sur des structures toutefois différentes. L’avenir du ski de fond passe par là ?
Ahhhhhh ça… vaste sujet… je ne suis pas devin, et bien malin celui qui saura me dire de quoi sera fait le ski de fond demain, même si chacun a sa vision et ses envies, bien souvent orientées par le poste qu’il occupe ou la structure dans laquelle il se trouve. Pour ma part, je préfère ne pas comparer la France à ce qui se fait à l’étranger, car il y aura toujours quelqu’un pour dire que « là bas » c’est différent de chez nous, et ce n’est pas toujours faux.
Je regarde juste autour de moi et essaye d’être objectif. Je constate que les athlètes qui vivent du ski de fond en France se comptent sur les dix doigts de la main et les contrats qui leur permettent de vivre jusqu’ici n’ont pas l’air de se multiplier, au contraire… Je constate qu’à part ces athlètes là, les autres ne peuvent pas vivre de leur sport, et que par conséquent, le ski de fond français perd et se prive chaque année d’athlètes talentueux pour différentes raisons mais aussi parce qu’arrivés à l’âge de 23, 24 ans ils sont confrontés à une réalité : vivre sans argent ou sans les parents pour assurer financièrement derrière, ce n’est pas possible.
C’est plutôt très dommage quand on sait que la maturité sportive de notre sport est atteinte vers 30 ans. Je constate que la Fédération à elle seule ne peut pas satisfaire tout le monde. Je m’aperçois également que les teams régionaux, même s’ils ont permis à certains athlètes de raccrocher le bon wagon fédéral (je pense par exemple à Ivan, Mathias, Baptiste, et d’autres pour notre cas), sont aujourd’hui affaiblis, -sur le plan financier et à cause d’un manque de relève-, et leurs athlètes sont toujours confrontés à la même réalité économique avec un mince espoir de pouvoir un jour bénéficier d’un de ces rares contrats douanes ou armée. En parallèle, je constate que, depuis quelques années, des circuits et des courses attirent de plus en plus de monde (public ou concurrents), sont de plus en plus médiatisés et appréciés du grand public, collent à des valeurs actuelle de société, et sont d’excellentes vitrines pour des partenaires privés.
Je me pose aussi une question. Aujourd’hui, quels espoirs et quel avenir offrons-nous à un athlète qui n’est pas sélectionné dès la catégorie jeune ou junior dans un groupe fédéral ? Les athlètes connaissent la réponse et elle fait peur, d’autant plus quand on sait que certaines décisions prises pénalisent l’action des teams, comme par exemple l’interdiction pour eux de se déplacer sur les coupes OPA Alpen Cup avec des athlètes non sélectionnés par la fédération, comme c’était le cas auparavant.
Alors je ne sais pas si l’avenir du ski de fond passe par là, mais je crois sincèrement que c’est une piste et pour ma part j’y crois. Je suis très content que de très bons athlètes, parmi les meilleurs français, comme Bastien Poirrier, Adrien Mougel, Benoit Chauvet puissent « vivre » de leur sport et je mets tout en œuvre pour que les nôtres puissent aussi en vivre très rapidement. Si nous y parvenons ce sont de nouvelles portes qui s’ouvrent et un peu d’espoir pour tous les athlètes français, hors cadre fédéral, qui trouveront de nouvelles raisons de s’entrainer 600, 700 heures ou plus par an. Ensuite c’est un cercle vertueux qui se met en place : plus il y aura de séniors, plus y aura de niveau et de densité, plus il y aura de réservoir pour les teams et la Fédération Française de Ski, et plus il y aura de relève. Ça ne se fera pas du jour au lendemain. On verra.
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