La stratégie de la bosse d’Alexandre Rousselet
Sur le bord de la piste, Alexandre Rousselet, l’entraîneur des distanceurs de l’équipe de France de ski de fond, a vécu le relais des Mondiaux d’Oberstdorf (Allemagne) « avec pas mal de pression ».
Comme aux Jeux olympiques de 2014 et 2018, aux Mondiaux de Falun et Seefeld, la France allait-elle tenir son rang de troisième nation mondiale ? Sur le papier, six hommes pouvaient prendre le départ. Le Pontissalien en avait choisi quatre. « J’avais besoin de deux grimpeurs », explique-t-il.
« J’étais confiant par rapport à Hugo [Lapalus], je savais qu’il tiendrait la baraque. Et il a rempli son rôle », analyse le coach au moment de se rendre à la remise des médailles. « Maurice [Manificat] m’a un peu inquiété sur le milieu du parcours, il laissait des trous », poursuit-il. « J’ai géré mon petit écart, je sentais qu’il ne fallait pas que je fasse n’importe quoi parce que, parfois, combler cinq mètres, cela peut être fatal », témoigne pour sa part le Haut-Savoyard.
« Clément [Parisse] est l’un des meilleurs relayeurs au monde en skate, il a fait la différence », poursuit Alexandre Rousselet qui, un temps, a hésité à le placer en dernière position, face à Klæbo et Bolshunov dont la France savait que ceux-ci joueraient devant. Avant de se raviser et de choisir le jeune Jules Lapierre.
Avec pour mission d »appuyer sur le champignon dans la dernière montée, celle qui conduit tout droit vers la ligne d’arrivée. « Je lui avais demandé d’attaquer au pied de la bosse. Mais Clément m’a dit qu’elle était bien trop longue, qu’il valait mieux attendre un peu. »
La fin, je n’étais pas rassuré, ça revenait.Alexandre Rousselet, entraîneur distance de l’équipe de France de ski de fond
Va donc pour le premier lacet. Le Chartrousin a suivi la consigne à la lettre. Au sommet, avant de s’engager dans la descente, le Français avait dix secondes d’avance sur ses poursuivants. « La fin, je n’étais pas rassuré, ça revenait », avoue le Franc-Comtois.
L’athlète lui aussi était en mode stress. « J’avais peur de me faire doubler, de voir quelqu’un qui passe à droite ou à gauche [rires]. J’ai pas regardé derrière et, là, je vois les gars qui ont levé les bras : c’était le bonheur ultime ! Faire ça avec l’équipe qu’on a, c’est incroyable ! », raconte-t-il plus tard.
Après, Alexandre Rousselet se rappelle d’une « explosion de joie », d’un « sentiment de fierté » pour ses « gars ».
On est bien ensemble. On sait qu’on peut compter sur tout le monde.Alexandre Rousselet, entraîneur distance de l’équipe de France de ski de fond
Même s’il ne le dit pas, cette médaille de bronze vient valider tout le travail qu’il a effectué depuis le printemps. Dès le début, s’inscrivant dans une grande tradition qui, en quelque sorte, a débuté avec la victoire du relais tricolore La Clusaz en 2004, il a travaillé l’esprit d’équipe. « On est bien ensemble », résume-t-il. « On sait qu’on peut compter sur tout le monde », ajoute-t-il.
Que le collectif soit composé de vétérans et de jeunes fondeurs n’est pas pour rien dans la transmission de cette culture qui réussit si bien aux Bleus.
La France n’a peut-être pas d’athlètes capables de rivaliser avec Klæbo et Bolshunov, mais elle est redoutable dès qu’elle avance groupée.
Durant l’été, Alexandre Rousselet a par ailleurs appris à ses troupes l’inconfort, notamment lors d’un périple dans les Alpes. Avec le coronavirus, la saison ne pouvait qu’apporter son lot de contrariétés. Il convenait de préparer les mentalités à ces soubresauts pour mieux les digérer.
En Bavière, il reste maintenant deux courses à l’équipe de France. Delphine Claudel disputera le 30 km classique, et trois hommes – dont on connaîtra les noms samedi en fin d’après-midi – prendront le départ, dimanche, du 50 km.