« A la veille du lancement de la saison, je me sens Ready to go ! ». La Jurassienne Anaïs Bescond ne fera pas partie du quatuor qui, ce dimanche, s’alignera dans la première course de l’année, un relais mixte. Elle revêtira son premier dossard jeudi prochain pour l’individuel. Portrait.
Rien ne prédestinait cette jeune femme originaire du Calvados, dont la famille est venue s’installer à Morbier, dans le Jura, à embrasser la carrière d’athlète de haut niveau dans un sport totalement inconnu en Normandie : le biathlon. En fait, deux grands champions l’ont aiguillée vers les sommets de sa discipline. Un homme et une femme. Patrice Bailly-Salins, le premier Jurassien champion du monde de biathlon en 1995, et Florence Baverel, championne olympique de sprint en 2006. « C’est en assistant, dans ma commune, à la fête réservée à Patrice Bailly-Salins lors de son retour triomphal des mondiaux d’Anterselva avec l’or décroché sur le sprint et une médaille d’argent avec le relais, que je me suis dit “plus tard, je ferai du biathlon”. Ça m’a fait rêver », raconte la jeune femme de 24 ans.
L’idée germe donc dans la tête de cette montagnarde d’adoption qui fait déjà preuve d’une certaine force de caractère et s’inscrit précocement au club de tir local. Pas banal pour une fille ! En parallèle, elle chausse régulièrement les skis sur les pistes du Glacier, à deux pas de chez elle.
« J’étais bonne fondeuse mais j’ai toujours continué le tir et au moment de choisir, j’ai opté pour le biathlon », se souvient Anaïs, qui avoue tout sourire « avoir une mémoire de poisson rouge » (sic).
Une nouvelle équipe de France”
Bien lui en a pris puisque, dès lors, c’est l’ascension des échelons du biathlon français. D’abord via le groupe régional du Massif jurassien, puis dans les rangs de l’équipe de France, avec pas moins de cinq podiums décrochés sur les championnats du monde juniors de 2005, 2006 et 2007. « Mais tout ça, c’est loin », souffle Anaïs Bescond, qui a besoin de se projeter vers l’avenir pour progresser. Patrice Bailly-Salins, qui forme aujourd’hui la jeunesse aux côtés notamment de Ferreol Canard à Prémanon, estime, lui, qu’après « une transition difficile entre junior et senior, elle fait aujourd’hui partie d’une équipe de France prometteuse. Pour moi, elle sera dans le groupe des six ou sept athlètes pour les Jeux olympiques de Sotchi. »
Son CV sportif lui a, en tout cas, permis de prendre ses quartiers d’hiver au sein de l’équipe senior aux côtés des Marie-Laure Brunet, Marie Dorin-Habert, Pauline Macabiès ou encore Sophie Boilley.
Son intégration dans l’équipe s’est faite au moment d’un profond renouvellement du team bleu-blanc-rouge avec les départs de Florence Baverel, Sandrine Bailly, puis Sylvie Becaert.
Il en fallait sans doute plus pour déstabiliser la Jurassienne… C’est sans complexe qu’elle et ses copines du relais se payent le luxe, l’hiver dernier, et à l’occasion d’une de leur première course ensemble, de décrocher un podium en coupe du monde avant de concrétiser avec une médaille d’argent aux championnats du monde de Khanty Mansiysk. Tout un symbole ! Celui d’une génération dorée bourrée de talent, d’un diamant brut qui ne demande qu’à être méticuleusement taillé pour briller au plus haut niveau de la compétition mondiale.
« Un sacré tempérament »
« Avec les filles, on s’est toutes construites ensemble. À l’entraînement, on s’observe les unes les autres pour gratter des trucs, corriger un petit détail, progresser dans tel ou tel domaine, c’est forcément enrichissant », appuie celle, qui dans le groupe France, semble jouer un rôle capital.
« “Nanasse”, c’est une maman. C’est même notre pilier de l’équipe, on se raccroche souvent à elle », confirme ainsi Marie Dorin-Habert. La jeune mariée de l’été partage souvent sa chambrée avec la Jurassienne et forcément, tout au long de l’année, ça crée quelques liens. « Elle a un statut important, un peu comme chacune d’entre nous dans le groupe où on s’entend bien. Anaïs joue le rôle de médiateur. Sa force ? Elle est directe, si quelque chose ne va pas on le sait tout de suite : elle nous envoie bouler ! Elle a un sacré tempérament, c’est une battante. Et quand ça ne va pas, elle nous remet bien dedans avec des mots secs », poursuit celle qui a dominé les courses de la préparation estivale.
Elle n’est pas la seule à apprécier le caractère « très jurassien » d’Anaïs : Marie-Laure Brunet, la chef de file du biathlon tricolore, a aussi son avis sur la question : « Anaïs est une fille que j’apprécie. C’est très agréable de l’avoir dans un groupe. Elle est très sérieuse, aime bien plaisanter aussi et c’est quelqu’un qui a un gros caractère : c’est vraiment sa force. Quand elle sert toutes les vis, faut faire attention », développe la biathlète d’Autrans, tout en saluant la qualité de l’imitation du cri de la marmotte par la licenciée de Morbier-Bellefontaine !
« Elle peut vite être une leader humainement, c’est quelqu’un de posé, de très sympa, de très intelligent, qui n’a pas sa langue dans sa poche quand elle a besoin de dire quelque chose à un collègue », ajoute Jean-Paul Giachino, l’entraîneur du tir chez les dames. D’un point de vue purement sportif, le coach estime qu’en gagnant en régularité au tir, « et avec le potentiel physique qui est le sien, elle doit pouvoir finir dans les 15-20 meilleures du classement général de la coupe du monde. »
Même appréciation d’Alexandre Rousselet, jeune retraité de l’équipe de France de fond et aujourd’hui directeur adjoint de l’équipe de France de ski militaire – dont le caporal-chef Bescond fait partie.
Déjà une référence”
Aujourd’hui, Anaïs Bescond inspire à son tour la jeunesse : « Elle est l’élite du Massif jurassien et c’est donc pour moi une référence, un exemple. Elle m’impressionne beaucoup en ski, aussi bien techniquement que physiquement, et si elle arrive à mettre les balles au fond régulièrement ça peut faire très très mal ! », espère Juliette Lazzarotto, championne de France junior l’hiver dernier et sociétaire de haut-Jura ski.
En attendant Sotchi en 2014, Anaïs Bescond sait qu’il faudra être solide : « Le biathlon est de plus dur d’année en année. Avant, j’y allais la fleur au fusil mais désormais, il faut compter avec la pression – que je mets parfois bien trop toute seule ! -, penser aux petits détails qui font parfois une grosse différence… et résister aux jeunes qui arrivent ».
> Ce portrait est paru dans Nordic Magazine n°1 (décembre 2011)