SKI DE FOND – En 2020, un nouveau Tour de Ski pourrait concerner la Scandinavie… et l’Ecosse. Mais que représente le ski de fond en Grande-Bretagne ? Nordic Magazine a mené l’enquête.
Le 19 décembre 2015, à Toblach (Italie), un sujet britannique est monté pour la première fois sur le podium lors d’une coupe de monde de sprint. Cet exploit n’a rien à envier à l’épopée de l’équipe jamaïcaine de bobsleigh aux Jeux olympiques d’hiver de 1988, a comparé le quotidien de Glasgow, Herald Scotland.
Andrew Young – puisqu’il s’agit de lui – a une histoire aussi atypique que sa présence à la troisième place d’une épreuve internationale. Né dans une petite ville d’Écosse, rien ne paraissait le destiner au ski de fond. Jusqu’à une blessure à la cheville à l’âge de 16 ans, il pratiquait le rugby au pays du XV du chardon. Il a aussi été qualifié pour les championnats écossais de natation. « Mais il y avait un club de ski dans ma ville natale et mes parents, ainsi que ma grande sœur, en faisaient partie. C’était donc naturel pour moi de les accompagner », confie-t-il à Nordic Magazine. Naturel, mais peu aisé puisque la neige n’abonde pas outre-Manche. Andrew Young le reconnaît lui-même : il est impossible, en habitant en Grande-Bretagne, de devenir fondeur de haut niveau. Un avis que partage son coéquipier du British Nordic Ski Team, James Clugnet, qui vit en France : « Les petites routes, les montagnes et les plaines sauvages en Écosse se prêtent très bien à la préparation estivale. Les infrastructures pour le sport de compétition sont à la pointe et le suivi des athlètes est excellent. Mais à partir d’un certain niveau, il devient essentiel de passer du temps à l’étranger pour s’entraîner dans de meilleures conditions hivernales. » « Il faut être sûr d’avoir de la neige si l’on veut faire partie des meilleurs, confirme Andrew Musgrave, alors il faut déménager ». L’Anglais, qui a représenté son pays aux Jeux olympiques d’hiver de Vancouver réside, comme Andrew Young, en Norvège. Il a aussi habité en Alaska.
La norvège pour s’entraîner
Il y a six ans, le fondeur de Huntly, qui a aussi participé aux JO de Vancouver et à ceux de Sochi, a donc déménagé en Scandinavie. À Lillehammer où il a posé ses valises, « il y a des pistes de rollerski et, en hiver, plus de 1 000 km de traces ». La densité de fondeurs installés là-bas permet de rompre avec la solitude : « il y a tellement de monde que, même quand on ne prévoit pas d’aller skier accompagné, on tombe sur quelqu’un sur les pistes et on ne s’entraîne jamais seul », apprécie le jeune homme. C’est d’ailleurs à Lillehammer qu’a élu domicile l’équipe privée Synnfjell, dont il fait partie. Cette année, ils ont un nouveau coach : Jostein Vinjerui. « J’ai travaillé avec lui pour devenir plus rapide sur les sprints. On a fait de bonnes séances cet été pour améliorer ma vitesse », raconte l’Écossais.
Un entraînement sans répit qui a donc porté ses fruits. Son objectif originel n’était que d’atteindre les demi-finales en coupe du monde cette saison. Déjà, Andrew Young avait été transporté de joie après sa 9e place à Davos. Alors, un podium ! « A Toblach, mon but était d’aller en quarts de finale. Je ne me sentais pas aussi bien qu’à Davos, mais Toblach s’est avéré parfait pour moi, confie le fondeur. J’avais une super glisse. » Les techniciens norvégiens n’y sont pas pour rien (lire par ailleurs).
Grand plongeon
« Quand je suis arrivé en finale, j’ai pensé que, peut-être, je pouvais gagner et, à mi-course, j’étais devant. Mais la fatigue a été trop importante sur la fin et je n’ai pu obtenir que la troisième place. Je n’y croyais pas vraiment : un Écossais sur le podium, pensez donc ! J’étais aussi surpris que tout le monde, mais j’étais très heureux », sourit ce fondeur amateur de beurre de cacahuète et accro d’Internet. La saison prochaine, il espère arriver en finale aux Mondiaux de Lahti. Ce serait, à n’en pas douter, encore un coup d’éclat.
Andrew Young en a déjà plein sa besace, si l’on en croit Andrew Musgrave, qui ne manque pas d’anecdotes quand il s’agit d’évoquer son compatriote : « Quand il avait 16 ans, la rivière où nous nous entraînions en Écosse avait débordé. La police fermait la route pour être sûre que personne ne serait emporté par le courant. « Youngie » [son surnom, N.D.L.R.] a alors décidé que ce serait amusant de transformer le nouveau torrent en lieu de rafting pour les enfants et de descendre la rivière en bateau. La police l’a vu et lui a dit que ce n’était pas une bonne idée, mais Andrew ne les a pas écoutés. Il a sauté dans l’eau et a disparu. Je ne l’ai plus vu pendant un long moment et je commençais à croire qu’il s’était noyé, quand il est réapparu, courant sur la route, complètement trempé, après avoir chaviré plus bas dans la rivière ».
À l’avenir, l’Écossais Young dont ses concurrents savent désormais qu’il peut les distancer, aura encore besoin de tout son courage — et de son côté « sacré larron », comme le décrit encore James Clugnet — pour montrer que, même en venant des îles britanniques, on peut faire partie des meilleurs fondeurs du monde.
Photo : Vianney Thibaut et Stanko Gruden/Agence Zoom
> Cet article est paru dans Nordic Magazine n°18