SKI DE FOND – Référence mondiale du ski de fond version longues distances populaires, Benoît Chauvet se définit comme un skieur-écrivain. Rencontre avec le fondeur atypique de Megève.
Benoît Chauvet, brillant fondeur
« La vie est trop courte pour qu’elle soit petite », aime-t-il à dire. Benoît Chauvet mène la sienne intensément. Passionnément. Simplement. « Je vis dans l’instant présent, j’ai envie de vibrer. Chaque jour, on peut trouver des choses extraordinaires. Mon bonheur, c’est de savoir apprécier la valeur des choses qui n’ont pas de valeur », souffle le fondeur haut-savoyard. Il les goûte d’autant plus pleinement que son parcours sportif lui a appris à les apprécier.
Breton d’origine, né à Vannes voici 34 ans, Benoît Chauvet a rejoint la région Rhône-Alpes à l’âge de trois ans et a grandi au pied du massif des Brasses – « une enfance merveilleuse » – avant de rejoindre Megève en 2000 avec sa grande fratrie (trois garçons et trois filles chez les Chauvet). Le jeune homme prend goût au ski de fond et gravit les échelons fédéraux. En 2001, il connaît le bonheur d’une médaille internationale aux Mondiaux juniors sur le 30 klomètres libre. De quoi lui ouvrir les portes de l’équipe de France aux côtés des Alexandre Rousselet, Emmanuel Jonnier ou Vincent Vittoz. La génération qui a fait émerger le ski nordique en France.
Après, de cette décennie sous les couleurs tricolores, « je n’en garde pas des souvenirs inoubliables, dit-il aujourd’hui sans amertume, si ce n’est une belle amitié avec Jean-Marc Gaillard. Je me mettais trop de pression, je faisais face à un blocage psychologique que je n’ai jamais réussi à dépasser. » Si bien que l’aventure bleu-blanc-rouge s’arrête à l’hiver 2010.
« C’était déjà quelqu’un qui n’était pas forcément dans le »moule », il avait envie de faire un peu à sa sauce. Ce caractère indépendant le rend très attachant. Il était très prometteur, c’était même le poulain de Roberto Gal, après Vincent Vittoz. Sur beaucoup de chronos de sélection, il impressionnait son monde, mais n’a jamais pu confirmer sur la coupe du monde sans vraiment comprendre pourquoi », se souvient Jean-Marc Gaillard.
Révélation pour les longues distances
Sans contrat, Chauvet se demande même durant l’été s’il ne va pas tout bonnement arrêter le ski de haut niveau. L’hiver suivant est une révélation pour le trentenaire. Trois victoires de prestige sur le marathon de Bessans, la Foulée blanche et La Transjurassienne viennent confirmer ses bonnes dispositions pour les longues distances populaires. « Sans stress, je prends dix fois plus de plaisir que sur les coupes du monde », souligne l’intéressé.
« Benoît a fait des choix importants dans sa carrière sportive en privilégiant notamment sa famille, c’est tout à son honneur. C’est vraiment chouette qu’il ait pu rebondir avec ce circuit longues distances où il a trouvé son truc. Ces compétitions sont faites pour lui : il est musculairement endurant et résistant. Et je crois surtout qu’il aborde les épreuves de façon plus zen. Aujourd’hui, tout le potentiel entrevu dans ses années équipe de France est dévoilé sur ce circuit international », salue Gaillard.
Le palmarès confirme ce plaisir retrouvé sur les spatules. Deuxième du circuit international des longues distances, la FIS Marathon Cup, trois hivers de suite (en 2013, 2014 et 2015), Benoît Chauvet a intégré l’hiver dernier la première équipe professionnelle de ski de fond, dont il est un peu à l’origine : le Team Gel Intérim – Rossignol aux côtés d’Adrien Mougel ou Bastien Poirrier notamment.
« Si ce team a pu être créé, c’est grâce à l’énorme travail réalisé par Benoît et Stéphane Mouton depuis de nombreuses années, salue Didier Roy. Et honnêtement, les gars qui sont dans cette équipe leur doivent une fière chandelle. » Les années financièrement difficiles derrière lui, Chauvet peut se concentrer à fond sur ce qu’il fait le mieux : skier longtemps et vite. « Benoît est l’un des deux leaders de notre équipe avec Toni Livers, note Stéphane Mouton, le manager du team et grand ami du fondeur.
« C’est surtout un gars hors du commun, une personnalité différente. Il vit vraiment à fond ses passions : la musique, l’écriture, la famille, le ski… et a beaucoup de valeurs. C’est aussi ce qui le rend charmant et attachant », confie celui qui est son technicien depuis toujours sur les longues distances.
Benoît Chauvet l’écrivain
Stakhanoviste de l’entraînement, l’emblématique coureur Rossignol trouve de l’énergie dans sa famille, la solitude et l’écriture. « J’ai besoin d’avoir des moments pour réfléchir, laisser le cerveau partir… L’entraînement en solitaire est idéal pour cela. Pour mettre en musique des idées pour mes livres. »
L’aventure littéraire de Benoît Chauvet a commencé il y a belle lurette. À 17 ans déjà, il rêve d’écrire un bouquin. « Mais en relisant mes notes d’alors, j’ai trouvé ça d’un nul ! », s’amuse-t-il aujourd’hui. Son projet se concrétisera toutefois en 2012 avec le très réussi Et sinon, vous faites quoi dans la vie ?, un recueil de news publiées sur le site des frères Chauvet, qu’il a réalisé et vécu « comme une aventure » aux côtés de sa compagne Isabelle : « On a tout fait nous-mêmes et aujourd’hui, le stock est écoulé ! » Un joli succès pour une première.
Deux ans plus tard, c’est avec sa sœur Clara qu’il réalise un tour de France en skis à roulettes, à découvrir dans La P’tite boucle, un tour de France insolite paru aux Éditions du Belvédère. Au-delà de raconter une belle aventure, Benoît a eu envie de « partager cette histoire avec Clara, avec [leurs] accompagnateurs, avec les gens qui [les] ont hébergés. »
« Notre aventure avec des skis à roulettes signait des retrouvailles avec la France et ses Français. Au final, c’était notre pèlerinage à nous, chargé de rencontres toutes plus improbables les unes que les autres », écrit l’auteur. L’année précédente, c’est avec Lucie, une autre de ses sœurs qu’il avait vadrouillé sur plus de 5 000 kilomètres en tandem !
« Benoît a toujours aimé les aventures, les défis à partager », note Isabelle. La dernière en date ? « Cet été avec un séjour en itinérance à vélo sur les routes de la Bretagne natale de Benoît avec Éléa, quatre mois, dans la charrette ! » « Le partage est un mot qui résume complètement Benoît. Depuis toujours d’ailleurs. Il a emmené très tôt ses frères et sœurs en randonnées ; il organise régulièrement des pique-niques ou des week-ends bricolage ! C’est un grand frère modèle, très à l’écoute », salue Clara, la petite sœur de huit ans sa cadette : « Benoît est quelqu’un de très gentil, peut-être trop [rires]. Très ouvert sur les autres, il est très à l’écoute et a une façon de s’exprimer et de dire les choses qui rappelle son côté écrivain. Il sait ce qu’il veut et sait comment faire pour y arriver, mais toujours à sa manière. »
Car Benoît Chauvet, c’est aussi une obstination qui impressionne son entourage. « Il vit avec des rêves au fond de lui et va ensuite les chercher », salue Stéphane Mouton. « Depuis que je le connais, il persévère dans tout ce qu’il entreprend, ajoute Jean-Marc Gaillard. Il n’a jamais rien lâché pour sortir ses bouquins, a toujours galéré, mais jamais abandonné. C’est ce qui fait sa force. » « On n’est pas double vainqueur de La Transjurassienne par hasard », reconnaît Didier Roy, monté deux fois sur le podium de la plus grande course de France.
Dans son chalet d’Aviernoz (Haute-Savoie) qui accueillera au printemps le deuxième enfant du couple, Benoît Chauvet couche sur le papier des dizaines et des dizaines de lignes. Quatorze manuscrits sont plus ou moins terminés depuis 2006 ! La prochaine publication ? Une longue nouvelle, attendue pour Noël. D’ici la fin de l’année, le skieur-écrivain aimerait monter « une structure éditoriale indépendante via un financement participatif. Je n’écris pas pour moi, mais pour partager un moment, une émotion, une histoire avec le lecteur. » Le partage, encore une fois..
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Portrait publié dans Nordic Magazine #17
Photos : Nordic Magazine.