Biathlon : Caroline Colombo se confie à Nordic Magazine
Ce vendredi après-midi, après quelques séances de ski de fond sur la neige de snowfarming de Bessans (Savoie), la biathlète Caroline Colombo, 28 ans, a quitté le dernier stage de préparation de l’équipe de France B. Toujours gênée par les symptômes d’une vilaine neuropathie qu’elle traîne depuis la fin de l’été 2023, la Meuthiarde aux deux podiums collectifs en coupe du monde a effectivement pris sa voiture pour passer de nouveaux examens médicaux.
C’est sur le chemin que Caroline Colombo a pris le temps de répondre aux questions de Nordic Magazine pour donner de ses nouvelles après six mois de préparation. Entretien.
- En mai dernier, vous indiquiez dans nos colonnes avoir pu reprendre l’entraînement même si la neuropathie, qui s’estompait, était toujours là : comme cela s’est-il passé pour vous depuis ?
La neuropathie est toujours là. J’ai pu m’entraîner correctement, mais par intermittence à cause des symptômes. Leur gestion est quotidienne et doit se faire au jour le jour. Cela a été un petit peu compliqué, mais j’ai quand même pu bien m’entraîner, plus que ce que je pensais cet été. A l’automne, en revanche, il y a eu des soucis, conséquences de tout ça et du bel été… C’est pour cela que je n’ai pas pu courir à Prémanon au premier Summer Tour.
- Après cela, que s’est-il passé pour vous ?
Ensuite, c’était beaucoup mieux en octobre et j’ai pu faire un super stage à Antholz avec une belle charge de travail. Je suis arrivée sur le Summer Tour d’Arçon fatiguée. Depuis ce moment-là, j’ai eu un manque de récupération parce que mon corps est différent et je ne le connais pas encore parfaitement. Je suis plus dans la réaction parce que la forme lâche d’un coup… C’est compliqué à gérer.
- Au printemps, vous disiez également vouloir retrouver un rythme normal d’entraînement en faisant du travail plus qualitatif que quantitatif : malgré la neuropathie, avez-vous pu mettre cela en place comme imaginé ?
Comme je ne pouvais plus mettre qualité et quantité, j’ai effectivement privilégié la qualité, ce qui était une bonne chose. Après, c’était par intermittence et il a fallu avoir une gestion presque permanente. Je ne suis pas aussi bien entraîné que les années précédentes, c’est sûr, mais j’ai peut-être moins besoin de quantité à 28 ans que quand j’étais jeune. Le plus important, mais aussi contraignant, est d’arriver à gérer les symptômes.
- Les symptômes de votre maladie évoluent-ils ?
C’est toujours pareil : une brûlure dans les jambes et une fatigue un petit peu permanente qui va avec. C’est compliqué d’avoir les jambes qui brûlent sans rien faire quand on est sportive de haut niveau…
- Cela fait maintenant plus d’une an que vous êtes atteinte par cette neuropathie, une pathologie bien difficile à guérir…
C’est installé… Les nerfs, c’est très très très long et ça se compte en année pour une guérison complète. Après, on ne sait pas vraiment parce qu’il n’y a absolument aucun recul. Je suis obligée d’aller à l’étranger pour avoir des rapports médicaux parce qu’il n’y a pas de neuropathies dans le sport de haut niveau. Tous ceux qui en ont eu ont dû arrêter leur carrière. Je n’ai donc pas de référence. C’est quelque chose de vraiment compliqué à gérer. J’ai l’impression d’être dans un désert médical et de ne pas avoir de réponses à mes questions, c’est sûrement ça qui est le plus compliqué à vivre. Si j’étais une personne lambda, ce ne serait pas compliqué, ça me piquerait juste les jambes en montant les escaliers et ce ne serait pas agréable la nuit… Je pourrais vivre avec, mais c’est le côté athlète qui me met en difficulté et accentue les symptômes.
- On imagine que c’est compliqué mentalement…
Sportivement, c’est sûrement l’année la plus dure de ma vie. J’ai l’impression que ma fracture ouverte de la cheville, c’était quelque chose de banal par rapport à ce que je vis aujourd’hui. Cette année, je suis très bien accompagnée par Baptiste Desthieux. Il a une bienveillance envers moi qui est cool. C’est quelque chose de sain, il m’aide à prendre soin de ma santé, de ma tête avant de prendre soin de ma performance sportive. C’est rare pour un entraîneur, je suis contente de l’avoir. Ce ne sont pas les meilleurs instants de ma vie sportive, mais j’ai d’autres piliers dans ma vie et j’essaye aussi de m’appuyer là-dessus.
- Comment vous sentez-vous actuellement ?
J’espère que les rendez-vous médicaux que je vais passer vont me permettre de courir cette année… Être à mon meilleur niveau, c’est ça qui m’importe ! Je n’ai pas envie de commencer la saison en n’étant qu’à 70 ou 80 % de mes capacités, j’ai vraiment envie d’entamer l’hiver en étant proche de mon maximum pour pouvoir m’exprimer pleinement sans être dans la machine à laver des courses sans avoir la possibilité de me réentraîner et de me repréparer.
- Allez-vous vous présenter, la semaine prochaine, au départ des courses de sélection pour l’IBU Cup ?
Je ne sais pas, c’est encore à discuter… Je vais voir comment ça se passe sur le début de semaine prochaine [à mon retour des examens médicaux]. Actuellement, j’ai un traitement qui m’aide à diminuer les symptômes, mais il me fatigue énormément et me fait prendre du poids. Ce sont clairement les deux choses compliquées quand on est sportive de haut niveau. Pour le moment, je me sens à 60, 70 %, soit très loin de mon haut potentiel. Je sais que ça peut revenir très vite parce que, quand je suis bien, sans symptômes et avec de la fraîcheur, ça avance très bien… Lors du stage à Antholz avec Justine [Braisaz-Bouchet], c’était vraiment bon ! Je sais que je peux avoir un très bon niveau quand les symptômes s’en vont.
- Si vous voyez que la situation n’évolue pas dans le bon sens dans les prochaines semaines, les prochains mois, persisterez-vous longtemps ?
Tant que je respecte mon corps et que j’ai la possibilité de continuer, je le fais parce que je crois vraiment en ma chance. J’ai fait une belle saison il y a deux ans et je sens que j’ai encore une marge de progression. J’ai eu une belle épine dans le pied avec cette neuropathie qui m’empêche de m’exprimer pleinement et d’avoir pu continuer ma progression. Après, bien sûr, la fin de carrière existe… J’y pense, mais j’essaye de ne pas trop y réfléchir parce que j’ai encore la flamme pour le moment. Au bout d’un moment, si je m’acharne un peu trop, je sens que la flamme peut s’éteindre. Si c’est le cas, ce ne sera pas grave, je serais prête à passer à autre chose. Mais ce n’est pas le cas pour le moment.
- Depuis un an, vous vivez des moments très difficiles que peu de personnes ne peuvent comprendre : comment gérez-vous cela ?
On a mis quatre à cinq mois à diagnostiquer cela et, pendant tout ce temps, on m’a pris pour une folle à me dire que c’était dans ma tête, que tous les symptômes étaient psychologiques… Cette période a été la plus compliquée de ma vie. Quand tu dis que tu as les jambes qui brûlent et qu’on te dit que c’est dans ta tête, c’est vraiment très compliqué à vivre. Je suis contente d’avoir un nom sur ce qui m’arrive parce que je n’aurais pas pu continuer comme ça. Je ne suis pas réputée pour être une chochotte dans le milieu et ça a vraiment été la plus dure épreuve que j’ai pu subir quand on m’a dit que c’était dans ma tête. En tout cas, il y a un nom là-dessus, il y a des choses qui me permettent de comprendre ce que j’ai et le monde qui travaille avec moi le comprend aussi.
- Vous semblez émue au moment de revenir sur cette période…
Pas forcément, ça va bien maintenant, j’ai juste une petite voix [rires] ! Je vis avec ça, j’ai suffisamment de recul et de maturité pour comprendre ce qu’il m’arrive et évoluer sainement avec mon mental dans ma discipline. Je sens que je n’ai pas tout exprimé dans le biathlon. C’est pour ça que je donne tout continuer et réussir encore une ou deux années en plus.
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