BIATHLON – Ancienne membre de l’équipe de France de biathlon, Claire Breton fait désormais équipe avec Simon Fourcade pour encadrer le groupe junior de l’équipe de France. Pour Nordic Magazine, elle livre son projet et ses premières semaines derrière la jumelle des Bleuets.
Claire Breton : « Durant ma carrière, j’ai beaucoup appris sur moi »
- Membre de l’équipe de France, sélectionnée dix fois en coupe du monde, quel regard portez-vous aujourd’hui sur votre carrière de biathlète ?
Dans un premier temps, j’ai tendance à dire que ma carrière n’a pas été celle que j’aurais souhaitée. Mais je sais aussi que j’ai su faire face à beaucoup d’imprévus, j’ai cru en moi, je me suis accrochée, j’ai fait preuve de beaucoup de résilience, de patience pour continuer. Au final, je suis assez fière de ce que j’ai pu faire parce qu’avec ce que j’ai traversé, j’ai conscience d’avoir beaucoup appris sur moi, sur le sport de haut niveau . Ça m’a amené un regard très intéressant notamment pour accompagner les jeunes aujourd’hui.
- Comment s’est décidé votre fin de carrière et votre reconversion en tant qu’entraîneur ?
Ma fin de carrière s’est faite en plusieurs points. J’avais 29 ans en 2014 et j’aspirais vraiment à vivre de ma discipline et je sentais que c’était en dents de scie, c’était dur de devenir quelqu’un par le sport de haut niveau.
J’avais cet appel-là, de vouloir me reconvertir, c’était un vrai besoin d’être dans la vie active. En 2014, je loupe la sélection pour les Jeux de Sochi pour pas grand-chose, et j’ai eu l’opportunité d’entraîner le Team Grenoble avec un groupe de biathlètes et de fondeurs qui aspiraient tous à raccrocher les sélections internationales. Donc c’était déjà du haut niveau. Pour moi, ça me parlait beaucoup. Et puis j’avais déjà eu des expériences d’entraîneur avec Thierry [Dusserre, ndlr.] au Comité du Dauphiné et au club, donc je savais que je voulais faire ça. Mais, par contre, je voulais rester sur le haut niveau, et malgré toutes les bonnes choses faites dans les clubs, c’était un peu trop éloigné de la notion de performance.
Ensuite, c’est allé très vite. Un an après, en 2015, j’ai reçu la proposition d’intégrer le groupe fond avec François Faivre. Et c’est grâce au team, qui déjà m’avait bien soutenu dans ma carrière et qui m’a fait confiance tout de suite pour le poste d’entraîneur. Un an après, je devenais entraîneur national en ski de fond. Sans le team, j’aurais sûrement été un peu plus tardivement dans le haut-niveau en tant qu’entraîneur.
« Au fond de moi, cette proposition, je l’ai toujours souhaitée »
- Et, ce printemps, vous avez donc pris en charge le tir pour le groupe junior du biathlon. Comment se sont passées les discussions ?
J’étais comme tout le monde en pleine période de confinement, assez orientée sur les futurs projets du Comité en ski de fond, puisque depuis l’an dernier j’étais avec l’équipe des fondeurs du Comité du Dauphiné. Je savais que, comme tous les printemps, au niveau national, il y aurait des choses qui bougeraient, mais je ne me projetais pas. Mais honnêtement, au fond de moi, cette proposition je l’ai toujours souhaitée.
J’ai eu une expérience assez longue de 5 ans avec le ski de fond et on a parfois tendance à s’enfermer dans ce que l’on fait. J’ai eu un appel de Stéphane Bouthiaux qui m’a expliqué le projet, les intentions, les ambitions qu’ils avaient en faisant appel à moi sur ce poste-là. Et franchement je n’ai pas hésité très longtemps, ça a été une super nouvelle et une très belle journée pour moi, j’étais vraiment enchantée. La seule chose qui a été dure c’est de quitter le Comité parce que même en un an, on s’attache vite à des jeunes qui se donnent et qui croient en toi.
- La place des femmes dans le coaching est encore assez marginale, comment l’analysez-vous ?
C’est vrai que nous sommes peu nombreuses, mais il faut nuancer . Sur le niveau régional il y a des femmes et certaines durent, d’autres sont plus jeunes comme Rachel Demangeat, Florianne Parisse . Elles sont dans les Comités régionaux, elles œuvrent pour la relève. Et on ne peut pas dire qu’il n’y a pas de place pour les femmes, même si on sait qu’on est dans un monde de concurrence, de haut niveau et qu’il faut faire sa place. Je n’ai pas l’impression qu’il y ait un manque de confiance, c’est aussi à nous de montrer qu’on peut apporter des choses. Je n’ai pas tendance à faire beaucoup de différences entre hommes et femmes, je suis là où je suis parce que j’ai pris des opportunités et je n’ai jamais eu de barrières parce que j’étais une femme.
« J’ai la sensation de n’avoir jamais quitté le biathlon »
- Quel contact avez-vous gardé avec le biathlon depuis l’arrêt de votre carrière ou vous aviez côtoyé notamment Anaïs Bescond, Marie Dorin-Habert ou Marie-Laure Brunet ?
En fait, je n’ai jamais quitté le biathlon, même quand j’étais en déplacement avec le groupe fond. Tout ce que j’ai pu suivre je l’ai fait. C’était fréquent que j’enregistre des avants-courses, des courses. Et j’ai beaucoup de proximité avec Marie Dorin-Habert, donc on échange beaucoup sur le sujet, sur les jeunes qui arrivent, donc j’ai la sensation de n’avoir jamais quitté le biathlon.
- Quelle vision avez-vous du tir en biathlon, et quelle approche allez-vous apporter à l’équipe ?
J’ai une approche du tir par le travail. On a commencé la préparation avec le groupe juniors et le discours avec Simon (Fourcade, ndlr) il est clair : il faut passer du temps avec sa carabine. Tous les athlètes français aujourd’hui ont les structures, le matériel, les encadrements pour bien faire mais tout le monde ne l’aborde pas de la même manière. Celui qui sera plus bosseur, plus curieux que les autres, celui qui est capable d’arriver en séance et de se dire « moi j’ai envie de mettre ça en place aujourd’hui, de tester ça, je vais me mettre tel objectif » , celui-là aura un avantage sur les autres.
Nous cherchons à les éduquer sur l’approche d’être un biathlète au quotidien, pour passer des caps et que la formation se passe bien. Même s’ils sont juniors, ils doivent s’approprier leur carabine, aimer en prendre soin, la nettoyer, pour que cela devienne un outil du quotidien d’athlète de haut-niveau.
- Comment s’est passée cette prise en main durant le confinement ?
La crise sanitaire a retardé notre stage, notre prise en main. Et l’annonce de mon arrivée a aussi été tardive. Par contre, il y a beaucoup d’échanges avec Simon sur ce qu’il mettait en place début mai, sur la vision de cette année. Et puis nous avons fait plusieurs visio-conférences avec le reste du staff. Donc on a bien travaillé, on a avancé sur plein de projets. Moi ça m’a permis de me positionner dans le staff, et puis progressivement avec les athlètes. J’ai beaucoup travaillé sur la programmation avec Simon. J’ai pu bosser un peu avec certains qui étaient sur place, dans le Vercors, avant le premier stage à Prémanon.
- Racontez-nous ce premier stage effectué avec tout le groupe à Prémanon. Qu’en avez-vous pensé ?
Cela s’est très bien passé, le confinement et les règles sanitaires ont juste mis une ambiance un peu moins collective parce qu’il fallait respecter les distances, on était seul par chambre, pour manger aussi . Donc il manquait un peu cette émulation de groupe, mais la semaine de stage s’est très bien passée. Cette semaine a été très bénéfique, on a appris à se connaître, on a pu faire des petits bilans individuels. Pour nous, on a pu poser un cadre. Et puis nous étions avec le groupe B de Julien Robert et Baptiste Desthieux, avec Franck Badiou qui nous a apporté ses connaissances de tireur, qui était là avec son atelier. Donc c’était un super premier contact, on a fait de très belles séances.
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« Le groupe juniors ? C’est une super équipe »
- Est-ce que les contraintes sanitaires impactent votre programmation d’entraînements et de stages ?
On a mis en place un projet qui fait que nous ne sommes pas trop gênés et qui simplifient les choses. Jusqu’à fin août, les athlètes Juniors et le groupe B ont le choix entre le Centre national d’entraînement de Prémanon ou le Vercors. Tous les matins, du lundi au vendredi, il y a un encadrement pour le physique, avec Simon, et moi pour le tir, pour ceux qui sont dans le Vercors. Et Julien et Baptiste font la même chose à Prémanon.
Donc on les voit tous les jours. En fait, on a contourné le problème par ce projet, ce qui est à mon avis une bonne chose parce qu’on met en place un suivi quotidien. Et en plus nous avons Louis Deschamps qui fait des interventions de temps en temps sur le Vercors et sur Prémanon et Franck va faire pareil. Donc on a un super encadrement sur le groupe juniors et B. Et ça simplifie les choses.
- Vous êtes-donc au tout début de l’histoire avec ce groupe juniors, comment le trouvez-vous et le confinement a-t-il un impact ?
Je trouve qu’ils ont une très bonne approche, ils sont très impliqués, bosseurs et ont déjà une bonne construction d’athlète de haut niveau. Ils ont le goût de travailler, de nous écouter et de nous faire confiance.
C’est une super équipe, ils ont vraiment une bonne dynamique. Ils sont passionnés et c’est très agréable d’être à leurs côtés. Le confinement a eu deux facettes : à la fois ils sortent d’une période assez longue qui leur donné le temps de réfléchir à ce qu’ils voulaient faire. Mais, dans le même temps, ça les a laissé un peu divaguer vers des choses qu’ils n’auraient pas fait en temps normal, notamment au niveau du tir. Mais comme tous les skieurs ont s’en sort plutôt bien, certes la saison a été écourtée mais la pleine période de crise est tombé pendant notre break, donc au final on a été peu impacté.
Le groupe Juniors de biathlon :
- Thaïs Barthélémy – Ski Nordique Oisans (Sport de Neige du Dauphiné)
- Paula Botet – La Bressaude (Massif des Vosges)
- Laura Boucaud – Autrans (Sports de Neige du Dauphiné)
- Lou Anne Chevat – Autrans (Sports de Neige du Dauphiné)
- Camille Coupé – La Féclaz (Savoie)
- Thomas Briffaz – Le Grand Bornand (Mont-Blanc)
- Louis Girod – Villard Sur Boëge (Mont-Blanc)
- Damien Levet – Le Grand Bornand (Mont-Blanc)
- Oscar Lombardot – Entente Sportive Saugette (Massif Jurassien)
- Eric Perrot – Peisey-Vallandry (Savoie)
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Photos : Nordic Magazine, Archives et Instagram Camille Coupé.