BIATHLON – Johannes Thingnes Boe, le numéro un mondial norvégien du biathlon mondial, pas satisfait par son rendement au tir, a décidé de changer de carabine. Pour ce faire, il a tout simplement fait appel à Clément Jacquelin, le frère d’Emilien et dirigeant d’Athletics 3D, une entreprise fabricant des pièces ergonomiques pour les carabines de biathlon.
Biathlon : Clément Jacquelin est derrière la nouvelle carabine de Johannes Thingnes Boe
Ces dernières semaines, Clément Jacquelin, le frère-de-qui-vous-savez, a vécu à mille à l’heure. Comme au printemps lors du premier confinement lorsqu’il avait mis ses imprimantes 3D en configuration usines à masques, l’ancien biathlète, fondateur d’Athletics 3D, s’est embarqué dans un projet fou : confectionner la nouvelle carabine de Johannes Thingnes Boe, peu satisfait par son rendement au tir depuis le début de la saison. « Comme je l’équipais déjà sur quelques petites pièces sur sa carabine, on se parle pas mal et il m’a écrit quand il était Oberhof en me disant qu’il voulait changer de carabine », explique le jeune entrepreneur isérois à Nordic Magazine.
Intriguée par cette demande peu banale en pleine saison et, surtout, à quelques semaines des championnats du monde de Pokljuka (Slovénie/10-21 février), Clément Jacquelin questionne le Norvégien sur sa démarche et pourquoi il l’a contacté lui en particulier. « Il m’a dit que c’était parce qu’il n’était pas serein sur son debout et qu’il aimerait avoir la même configuration qu’Emilien parce qu’il avait de bons retours sur mon travail. » Après avoir défini une configuration de carabine avec Boe, Jacquelin voulait « que ce soit lui qui fasse ses choix, selon ce qu’il ressentait de l’intérieur, du cœur. Je sais très bien qu’un athlète, quand il choisit quelque chose venant du cœur, il est plus en capacité de l’accepter, surtout dans un temps aussi court ». L’échéance était effectivement placée pour les Mondiaux.
Un travail en trio
Clément Jacquelin, à l’aide de ses imprimantes 3D et après les corrections envoyées par Boe à la suite des courses d’Antholz (Italie), a donc conçu la plaque d’épaule avec deux becquets souples, la pièce du debout « qui ressemble à celle d’Emilien mais qui est un peu plus aérée parce qu’on a fait des améliorations design entre-temps », un élément pour les chargeurs et la pièce de culassage qu’il avait déjà auparavant. Pour le bois, en revanche, ce sont ses deux carabiniers norvégiens qui ont travaillé. Il faut dire qu’avec un délais de deux semaines, le temps était compté.
« Je voulais qu’il reste avec le bois de son crossier pour ne pas modifier la réaction d’arme. Il s’est donc fait une base similaire à Emilien en Norvège et un autre crossier, avec qui il travaille depuis longtemps, est intervenu sur les finitions des pièces de bois », renseigne Clément Jacquelin dont le petit frère Emilien était au courant des manœuvres norvégiennes. « Ça faisait quelques semaines qu’il me parlait de ma carabine, de détails techniques. On échangeait beaucoup au niveau du tir, c’était très chouette de partager ça avec Johannes parce qu’il n’y avait aucune animosité, zéro duel franco-norvégien, se rappelle le champion du monde de la poursuite depuis Pokljuka (Slovénie). C’est un partage enrichissant pour nous deux. »
« Je suis plus satisfait de la démarche que de l’éventuel résultat »
« Je vois de ça dynamise aussi Emilien, reprend le dirigeant d’Athletics 3D. Dès Antholz, Johannes a pris la plaque d’épaule avec des becquets souples pour la mettre sur sa carabine. Dans le dernier tour du relais, quand Emilien est juste derrière, je me suis dit qu’il devant reconnaître les becquets de Johannes », rigole-t-il. Actuellement, le dossard jaune de la coupe du monde possède différentes versions des pièces fabriquées par Clément Jacquelin dans le Vercors. « L’idée, c’est que c’est à lui de faire ses choix. On a senti qu’il fallait lui enlever les questions qu’il avait dans la tête. S’il arrive aux Mondiaux avec cela, c’est déjà mort », professe celui qui fêtera ses 31 ans samedi, lendemain du sprint et veille de la poursuite.
Clément Jacquelin, de cette aventure hors du commun, retient aussi, et surtout, ce lien tissé entre la France et la Norvège pour construire la carabine du numéro un mondial : « Je trouve ça franchement chouette. Ce que j’adore, c’est qu’on est sortis du cadre sans l’éclater et, surtout, que Johannes est acteur de son projet. C’est une belle histoire d’associer des savoir-faire français et norvégiens dans un même produit en mettant l’utilisateur au centre. C’est Johannes, par ses mots, qui a aidé à définir le projet et le chemin pour le mettre en place de manière rapide et efficace. Je suis plus satisfait de la démarche que de l’éventuel résultat. » Pourtant, ce sont bien les performances au tir de Johannes Thingnes Boe qui seront guettés de très près par tous les suiveurs de la caravane du biathlon dès ce mercredi sur le pas de tir du Triglav Stadium de Pokljuka (Slovénie).
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Photos : Focus Outdoor et Alain Lamour.