Biathlon : changement de pays pour Coralie Langel
Il y a maintenant près d’un mois, la biathlète jurassienne Coralie Langel, 23 ans, a annoncé avoir décidé de changer de nationalité sportive, troquant la combinaison française pour celle de la Suisse, le pays de son grand-père paternel.
Après avoir participé à ses premiers championnats de Suisse fin mars puis l’annonce de son intégration dans les cadres de Swiss-Ski, la native de Pontarlier (Doubs) se confie longuement à Nordic Magazine. Entretien.
- Pourquoi avez-vous pris la décision de prendre la nationalité sportive suisse ?
Cela faisait déjà un petit moment que ça me trottait dans la tête, mais avec ma famille, je m’étais dit qu’il fallait que je reste concentrée sur la France, en faisant l’hiver sans me perdre là-dedans. En janvier, après mes deux victoires obtenues sur deux week-ends de suite à Prémanon et aux Contamines-Montjoie, je n’ai pas été sélectionnée pour l’IBU Cup et j’étais un peu triste. A ce moment-là, je n’avais plus vraiment de cap à suivre dans ma saison, car les sélections me paraissaient de moins en moins compréhensibles. Je ne suis pas du tout en guerre contre la France, mais simplement déçue par certaines décisions. C’est mon ressenti d’athlète, peut-être pas toujours objectif.

- Ce moment-là a-t-il été le déclencheur ?
Je me suis posé les bonnes questions pour savoir si j’avais encore envie ou non. La densité en France est énorme, et je sentais que je n’avais plus vraiment de place. Pour être honnête, je n’aurais pas continué en France, et je me suis dit que j’avais un plan B avec cette opportunité d’aller en Suisse grâce à ma double nationalité. J’ai donc entamé les démarches en ce sens. Parallèlement, sur le plan sportif, j’ai décidé de changer de circuit en participant à une coupe de Suisse à Prémanon. J’avais besoin de valider cette idée de changement de nationalité en allant sur cet événement. Il n’y avait pas beaucoup de monde, mais faire quelques rencontres avec certains coachs, c’était cool !
« Les filles ont été adorables en me mettant des paillettes sur les joues et en m’invitant sur la photo de groupe »Coralie Langel à Nordic Magazine
- Comment votre changement de nationalité s’est-il ensuite concrétisé ?
J’ai parlé avec Valentin Drezet, qui est au Ski Valais, et il m’a accompagnée dans ce projet. Tout s’est ensuite enchaîné assez naturellement. J’ai eu des échanges avec Selina Gasparin [en charge de la relève à Swiss-Ski, NDLR], les coachs de l’équipe suisse et le comité du Valais, qui m’a bien soutenue. Il restait ensuite à ce que l’IBU accepte ma demande, car le règlement a été un peu durci [il faut maintenant ne pas avoir concouru à l’international dans les trois années précédant le changement de pays, NDLR].

- Finalement, vous faites votre première compétition lors des championnats de Suisse de Goms en toute fin de saison. Comment cela s’est-il passé ?
La première course, un sprint, a été un petit cauchemar avec mon premier 0/5 [rires] ! Mais j’ai su rebondir et j’ai terminé deuxième de la mass-start. Globalement, c’était une super fête, les filles ont été adorables en me mettant des paillettes sur les joues et en m’invitant sur la photo de groupe. J’ai vraiment senti qu’il y avait de la bienveillance et une belle énergie. Ça m’a tout de suite mise dans le bain !
« Je le vois vraiment comme une nouvelle aventure parce que ce n’est pas une suite que tout le monde a la chance d’avoir »Coralie Langel à Nordic Magazine
- Votre intégration dans le groupe s’est donc bien passée…
Je ne crois pas qu’ils me connaissaient vraiment, mais ils avaient déjà entendu parler de moi, puisque je suis celle qui va intégrer leur équipe ! J’ai eu un accueil trop cool et ultra chouette. Parfois, je ne comprenais pas trop ce qu’ils disaient, mais Lea Meier, qui parle couramment le français, l’anglais et l’allemand, m’a beaucoup aidée pendant la journée du dimanche. J’étais étonnée de voir à quel point ils étaient sympas, à venir me voir et à discuter avec moi.

- Par quels mots qualifiez-vous ce changement de nationalité sportive ?
[Elle réfléchit] Je le vois vraiment comme une nouvelle aventure, parce que ce n’est pas une suite que tout le monde a la chance d’avoir. Moi, j’ai cette chance, et je le vois vraiment comme une opportunité trop belle, qui me stimule énormément. J’ai plein d’envies et de nouveaux objectifs. J’ai hâte de bosser avec les filles, d’apprendre à leurs côtés et de continuer à progresser !
« Je vais devoir travailler intelligemment parce que ça fait un petit moment que je ne suis pas montée à l’international »Coralie Langel à Nordic Magazine
- Vous êtes dans le cadre B de Swiss-Ski pour la saison d’entraînement 2025/2026. Dans quel groupe allez-vous passer la préparation ?
Je suis effectivement cadre B, ce qui est trop cool ! Après les championnats de Suisse, j’ai fait une visio avec les coachs de l’équipe A, qui m’ont annoncé que je ferai la préparation avec eux, dans un groupe mixte de cinq garçons et cinq filles, dont des gros noms comme Lena Haecki-Gross et Amy Baserga. Ça va être super de bosser avec elles ! Après, je vais devoir travailler intelligemment parce que ça fait un petit moment que je ne suis pas montée à l’international. Il y a trois ans, j’ai eu un pépin [du surentraînement, NDLR], et on est plutôt partis sur de la reconstruction avec Fred [Jean, son coach personnel depuis deux saisons, NDLR], plutôt que de faire des heures et des heures. Je suis armée pour être assez sereine sur ce point, grâce à tout ce que j’ai appris ces deux dernières années. Il va juste falloir bien le communiquer aux entraîneurs pour que tout se passe bien !

- Si vous êtes directement intégrée dans le groupe d’entraînement A, c’est aussi que les entraîneurs nationaux suisses vous font confiance..
Complètement ! Ils m’estiment beaucoup, et ça me fait un peu rire [elle rigole]. C’est chouette, et, en fait, ça me donne un petit peu confiance en moi. Forcément, cela me fait plaisir de voir qu’ils sont à fond derrière moi et qu’ils veulent vraiment m’accompagner dans ce projet.
« C’est triste, mais j’ai pris cette décision d’un point de vue personnel »Coralie Langel à Nordic Magazine
- Comment va se passer votre organisation estivale ? Allez-vous déménager en Suisse ?
En général, l’organisation suisse est la suivante : une semaine de stage à l’étranger avec l’équipe, suivie d’une semaine en camp d’entraînement à Lenzerheide, puis d’une semaine de repos et d’une autre de travail à la maison. J’aurai donc une chambre à Lenzerheide et je ferai les navettes pour aller et repartir du Jura [elle habite à Foncine-le-Haut, NDLR].

- Quitter la France a-t-elle été une décision difficile à prendre ?
C’était le plus dur. C’est tout bête, mais La Marseillaise… Je ne vivrai jamais cet hymne sur un podium de biathlon, parce que ce ne sera pas ça ! Dans les valeurs et la célébration de la performance, je me posais des questions. Purée, je quitte la Fédération française de ski ! C’est triste, mais j’ai pris cette décision d’un point de vue personnel. J’ai pris cette décision pour moi, en pensant à moi. Je fais du sport et des résultats pour moi.
« C’est une fille qui m’inspire »Coralie Langel à Nordic Magazine au sujet du parcours de Maya Cloetens
- Quels sont vos objectifs pour vos premiers mois sous les couleurs de la Suisse ?
Le but va être d’y aller crescendo, sans brûler les étapes. L’idée sera bien sûr de commencer en IBU Cup dès le début de la saison. Ensuite, on verra où ça me mènera en fonction des résultats. Je n’ai pas envie d’aller en coupe du Monde juste pour dire que j’y suis montée. Dans un premier temps, je veux performer en IBU Cup pour reprendre de la confiance sur le circuit international. Après, c’est aussi une année olympique qui se profile. Je ne cache pas que si je peux avoir une place, même en tant que remplaçante, j’y irai avec grand plaisir pour vivre l’expérience.

- Par ailleurs, vous vous retrouvez ce printemps dans la même situation que Maya Cloetens il y a 3 ans. Voir où elle en est maintenant vous donne-t-il un bon exemple à suivre ?
Je n’ai pas beaucoup parlé avec elle, mais c’est une fille qui m’inspire. Quand j’ai vu ce qu’elle a pu faire aux championnats du monde [huitième du sprint, NDLR] et ses résultats tout au long de la saison en coupe du Monde, j’ai trouvé ça très chouette. Je pense que ça m’a montré que je pouvais le faire. Il ne peut y avoir que de belles choses qui m’arrivent. Cela a été inspirant !
« Je ne peux que les remercier parce que si je prends cette décision de partir en Suisse, c’est en grande partie grâce à eux »Coralie Langel à Nordic Magazine au sujet de Frédéric Jean
- Votre collaboration avec Frédéric Jean et Arnaud Langel s’arrête donc après deux années. Que retenez-vous de ces moments-là ?
J’étais vraiment au fond, et Fred [Jean] m’a redonné de la motivation et, surtout, le plaisir que j’avais perdu. Je ne peux que les remercier, parce que si je prends cette décision de partir en Suisse, c’est en grande partie grâce à eux et au travail de reconstruction qu’on a pu mener ensemble.
A lire aussi
- « Je ne suis pas prête à mettre le clignotant pour le moment » : à Nordic Magazine, les confidences de Coralie Langel, vainqueure de la coupe de France après s’être entraînée tout l’été en solitaire
- Coralie Langel prend la nationalité sportive suisse
- Goms : Sebastian Stalder et Lena Haecki-Gross champions de Suisse de la mass-start, l’argent pour Coralie Langel, le bronze pour Arnaud Du Pasquier
- La composition des cadres de Swiss-Ski pour la saison 2025/2026… avec la biathlète Coralie Langel en cadre B
Les cinq dernières infos
- Combiné nordique : le TAS confirme la sanction infligée à Mario Seidl pour dopage
- Grégory Thouverey, le chef des skieurs, a posé ses casseroles à Annecy
- Biathlon | Noémie Remonnay se confie à Nordic Magazine sur sa retraite sportive : « Je savais que ce serait ma dernière saison, quoi qu’il arrive »
- Biathlon : entraîneur de l’équipe féminine italienne, Alex Inderst n’exclut pas des impasses en cours de saison pour Lisa Vittozzi
- Ski nordique : élu président de l’Association suédoise de ski en octobre dernier, Anders Furbeck démissionne déjà
Articles similaires

1 Commentaire(s)
Leave a Reply
Annuler la réponse
Leave a Reply
Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.
RICHARD BIANCONI
22/04/2025 à 8 h 21 min
Bien sur l’immigration sportive pour les filles françaises est une bonne chose pour elles ; la concurrence est trop grande chez nos filles ; si elles veulent vivre dans le biathlon, il leur est plus facile aussi de performer car le stress est moins grand. Elle n’avait pas sa place meme en IBU Cup, alors qu’en devenant suissesse, elle n’a aucun problème ; les six françaises qui seront en IBU Cup peuvent gagner et pourraient participer à la coupe du monde en étant d’une autre nationalité. Je crois que plusieurs françaises arreteront le biathlon avant 25 ans faute d’etre retenue à l’international.
Qu’attend la FFS pour donner ses sélections France A et B, ainsi que l’excellence 2030, je suppose que les filles ont besoin de savoir qui va les entrainer et de savoir si elles sont dans le pole France.
Marchard Raphaël
23/04/2025 à 8 h 04 min
Bienvenue en Suisse, je suis également bi national Suisse et Français.
Je te souhaite d’être heureuse tout simplement
Francis Drake
23/04/2025 à 9 h 42 min
Dans ce cas on parle « d’émigration » et non d’immigration.
Quand au stress moins grand, c’est loin d’être une évidence. En tant que frontalier de naissance, je peux affirmer que nos cousins helvètes sont très exigeants et c’est d’ailleurs ce qui les caractérisent, l’exigence et la précision.
L’équipe de Suisse est en plein développement avec des résultats en progression. Certes il y a moins de densité qu’en EDF mais c’est un choix très courageux de la part de Coralie !
Bonne chance et plein de réussite à elle
Pingback: Biathlon : “Je n’avais plus vraiment de place”, “déçue par certaines décisions”… Cette biathlète française va ravager de citoyenneté sportive - lepolitique.net