Biathlon : Coralie Langel sort d’un hiver compliqué
Au printemps dernier, la Jurassienne Coralie Langel intégrait pour la première fois l’équipe de France de biathlon. Incluse dans le groupe fédéral d’entraînement B, la biathlète licenciée au Ski Club Mont Noir côtoyait alors tous les jours Sophie Chauveau, Gilonne Guigonnat, Jeanne Richard, Camille Bened, Oscar Lombardot ou Camille Coupé sous la houlette de Simon Fourcade, Claire Breton, Julien Robert, Jean-Pierre Amat et Baptiste Desthieux.
Seulement, Coralie Langel a vécu un automne et un hiver en enfer. Victime de migraines ophtalmiques puis en méforme, elle a ensuite, selon ses mots, « complètement explosé » mentalement. Pour Nordic Magazine, elle revient sur cette épreuve dont elle veut ressortir plus forte. Entretien.
- Membre des groupes fédéraux de l’équipe de France, vous sortez d’une saison difficile, sans sélection au niveau international : comment l’expliquez-vous ?
C’était effectivement une saison vraiment compliquée. La préparation estivale a vraiment été bonne avec toute l’équipe, je me sentais bien sur toutes les séances et il n’y a pas eu de problème de fatigue. Arrivée fin août/début septembre, j’ai fait une migraine ophtalmique, mais je ne me suis pas inquiétée parce que c’est le cas depuis que je suis toute petite et je le maîtrise plutôt bien. Seulement, elles se sont accumulées à l’automne. C’était un premier signe de fatigue.
- Comment cela a-t-il ensuite évolué ?
Arrivée au premier Summer Tour [en septembre à Prémanon, NDLR], la situation n’avait pas changé et les coachs m’ont dit de prendre du repos. Je me sentais fatiguée, mais c’était plutôt normal pour la période donc je n’étais pas trop inquiète. J’ai continué à m’entraîner pour pouvoir performer à mon meilleur niveau en début de saison. En novembre, sur les premières sélections [à Bessans], je n’avais pas de jus. On pensait alors que c’était dû à un manque d’intensité. Je me suis donc remise au travail en réduisant l’aérobie et en augmentant l’intensité alors que, parallèlement, j’avais toujours des migraines ophtalmiques. Je suis allée voir une hypnotiseuse qui m’a vraiment fait du bien et qui est parvenue à m’enlever ces migraines. Par contre, je me sentais bien fatiguée mentalement. L’accumulation de migraines à l’automne m’avait vidé de toute mon énergie et les contre-performances n’ont rien arrangé dans ma tête.
- Quand est-ce que vous avez compris que votre saison était fichue et qu’il fallait stopper les frais ?
Plus la saison avançait et moins je me faisais plaisir mentalement. Ce n’était pas mon biathlon, je faisais les courses sans plaisir. A Bessans, début décembre, sur les sélections pour les Junior Cup, je fais troisième sur la première course, cela partait plutôt bien, mais j’étais en larmes. Je ne savais pas pourquoi. J’étais tellement fatiguée de tout. J’avais bien skié et tiré, c’était positif, ma meilleure course de la saison, mais je n’étais pas contente. Le dimanche, je perds mon appui joue pendant la course et je fais un 5/10. La sélection s’envole et je me dis que ce n’est pas terminé, qu’il y a encore de belles choses à aller chercher. Ensuite, en janvier à Bessans et à Peisey-Nancroix, je n’avais même plus envie de me battre… Je ne voulais pas trop l’accepter, mais j’ai payé pendant la saison cette fatigue mentale.
- Votre arrivée en équipe de France, avec une préparation plus fournie qu’au comité, en est-elle la cause ?
L’entrée dans le groupe équipe de France a été très lourde. Je ne pensais pas que la différence de charges physiques et mentales entre le comité et la FFS m’aurait autant impactée. Je suis quelqu’un qui travaille énormément, qui veut aller jusqu’au moindre détail. Je suis déterminée à bien travailler et faire les choses. Je suis un petit peu en colère et attristée parce que j’avais été prévenue que la première année en équipe de France il fallait faire attention et je suis complètement tombée dans le panneau. Cependant, je n’ai pas de regrets sur mon travail parce que je suis fière et contente de ce que j’ai fait.
- Quand avez-vous compris qu’il fallait stopper les frais ?
Après la coupe de France de Peisey, en janvier, j’étais vraiment mal et, un jour, je me suis dit qu’il fallait que j’aille voir Marie-Laure [Brunet], avec qui je travaille en préparation mentale. Quand je suis arrivée vers elle, je me suis effondrée et elle m’a clairement dit qu’il ne fallait pas que je reste comme cela et que j’aille me faire aider par des professionnels. Je ne voulais pas admettre que j’allais mal, et cela a été difficile. Quand on travaille dur toute l’année pour réussir et qu’on vous dit que vous faites un début de dépression, ce n’est pas facile à entendre. J’étais en colère et attristée. Finalement, avec un peu de recul et ma volonté de vouloir avancer, j’ai accepté l’aide pour pouvoir remonter la pente au plus vite. J’ai appris beaucoup de choses sur moi-même, ma façon de fonctionner. Les coachs et ma famille ont été très soutenants et compréhensifs durant tout le processus. Aujourd’hui, je sais ce qui a marché et ce qu’il m’a manqué. Cela va être ma force. Je ne regrette rien.
- Où en êtes-vous actuellement ?
Je n’ai pas envie de m’arrêter là. Cette épreuve peut me faire faire un pas en avant dans mon apprentissage de sportive de haut niveau. Ce ne sera pas le seul échec et j’ai envie de refaire une saison. Cela a été dur, mais j’ai juste besoin de me reconstruire. Ces dernières semaines, depuis que j’ai arrêté la saison en février, j’ai réussi à reprendre beaucoup d’énergie. J’étais attristée, mais pas parce que je ne faisais pas de résultats, mais parce que je me sentais mal. On peut parler d’un début de dépression. J’étais juste au bout du rouleau. C’était plus large que le seul biathlon. C’est dur de parler d’échec, mais c’est le jeu du biathlon, chaque athlète à un moment difficile dans sa carrière. Physiquement, donc, je me sens mieux et j’ai repris le goût à aller courir, à faire des choses. Mentalement, je me sens également beaucoup mieux, j’ai remis les idées en place. Je sais ce que je veux et ce dont j’ai envie. Cette expérience a été une bonne leçon de vie et je vais m’en servir comme tremplin.
- Enfin, les belles performances signées tout l’hiver par vos coéquipières de l’été doivent vous donner du baume au cœur…
Je suis super contente pour elles et d’avoir travaillé avec elles et vu comment elles fonctionnaient. Elles font le travail comme il faut et chacune apporte quelque chose. Pendant ma mauvaise période, elles ont été top avec moi, notamment en m’appelant quand elles étaient à l’international. Je ne suis vraiment pas dans la jalousie par rapport à leurs performances.
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