Biathlon : la coupe du monde de Ruhpolding vue par Yvon Mougel
Tout au long de l’hiver, un biathlète français à la retraite débriefera pour Nordic Magazine les différentes étapes de la coupe du monde, mais aussi les Mondiaux d’Oberhof (Allemagne). C’est au tour du Vosgien Yvon Mougel, premier médaillé mondial du biathlon français, en février 1981 à Lahti (Finlande), de se lancer pour revenir sur la coupe du monde de Ruhpolding (Allemagne).
Le fait de la semaine : l’individuel, format originel du biathlon, est toujours au calendrier
« J’ai bien aimé cette étape de Ruhpolding parce qu’il y avait le 20 kilomètres [15 kilomètres pour les féminines, NDLR]. On l’oublie aujourd’hui, mais c’est la course originelle du biathlon, qui a depuis évolué vers une plus de spectacle [avec les formats en confrontation]. L’origine du biathlon, c’est quand même cette course où le biathlète se retrouve seul face à lui-même pour trouver un équilibre entre la gestion du tir et de l’effort physique. Je me rends compte qu’entre ce qu’il se passe pour le biathlète maintenant et à mon époque, il n’y a pas tellement eu d’évolution. La seule notable, c’est la rédaction du temps de course parce que dans les années 1980, on faisait ce 20 kilomètres en style classique en environ 1h10 ! Le tir a donc pris de l’importance parce que l’erreur reste pénalisée d’une minute. »
« C’est une course qui est intéressante parce qu’elle est très ouverte et laisse, donc, la possibilité à un panel plus large d’athlètes de briller. On ne subit pas la pénalité immédiatement, même si avec les écrans géants et les renseignements sur la piste, les athlètes sont vite au courant de leur place dans la hiérarchie, à la différence d’avant. Cela me fait donc plaisir de voir ce format encore en coupe du monde parce que c’est la racine même du biathlon. Je serai un petit peu triste de voir un jour l’individuel disparaître. »
Le constat de la semaine : la dernière balle est toujours aussi difficile à rentrer
« Quand on regarde du biathlon, on a une analyse directe de la course quand elle se déroule. En revanche, le biathlète n’a pas toutes ces informations et je vois qu’ils se laissent tous piéger par le résultat et l’environnement alors que la force du biathlète est de pouvoir s’isoler complètement, d’être dans un bulle étanche, pour ne penser qu’à l’action et pas à la conséquence. C’est quelque chose qui n’a pas évolué depuis mon époque. J’ai fait beaucoup de premiers relais dans ma carrière et j’ai vécu ce que les athlètes d’aujourd’hui disent vivre sur les mass-starts. Le biathlon fait qu’il faut faire une course quasi parfaite pour gagner et, quand on est limite en tir, on tente et, quand on tente, il y a plus de chances que cela rate. »
Le moment marquant de la semaine : le relais manqué de Sophie Chauveau
« C’était sa première fois en coupe du monde sur un relais. Je ne sais pas s’il fallait la mettre en troisième position, mais elle est lancée en tête de la course, avec Marte Olsbu Roeiseland… Ce n’est pas facile ! Elle serait arrivée sur le pas de tir 20 secondes avant ou après, cela se serait peut-être passé différemment. Sophie [Chauveau], elle était sur la défensive et était donc dans une position d’infériorité par rapport à ce que l’on doit faire. C’était sa première fois, et je comprends tout à fait. Cela lui servira pour la suite. »
« Le lien entre la technique et le mental est très important en biathlon, les gens ne se rendent pas compte la force que cela demande d’oublier le contexte pour être totalement focus sur le tir. »
Les Français de la semaine : Eric Perrot et Lou Jeanmonnot
« Je connais bien son père [Franck Perrot, NDLR] parce que je l’avais coaché ! Ce qu’il a fait, c’est bien. Aujourd’hui, les jeunes, quand cela ne va pas, ils peuvent revenir en arrière pour repartir de plus belle comme il l’a fait en ce début d’année. J’ai aussi retenu les performances de Lou Jeanmonnot. Elle fait podium sur l’individuel puis un bon relais avant de rentrer un petit peu dans le rang sur la mass-start. Mais après deux courses avec des sans-fautes, c’est assez logique. Pour moi, c’est une force qui va continuer à monter ! Je sens Lou [Jeanmonnot] assez mûre et détachée. Elle semble être solide. »
Le débat de la semaine : Quentin Fillon-Maillet aurait-il dû faire une pause ?
« On voit Johannes Thingnes Boe actuellement très fort. En matière de gestion de carrière, il a su prendre du recul l’année dernière en faisant l’impasse sur la coupe du monde. Il a laissé le début de saison pour se préparer pour les JO où il a gagné plusieurs fois avant de débrayer sur la fin d’hiver pour refaire du jus. Il est arrivé complètement frais sur le début de cette année contrairement à Quentin Fillon-Maillet. Je me demande s’il n’aurait pas dû réfléchir comme Johannes, même si je ne me fais pas de souci pour lui. Il a de l’expérience, mais a cependant un devoir de résultat, à la différence mon époque. C’est une spirale infernale qui s’enclenche quand on ne réussit pas. Ce n’est pas facile à gérer pour les athlètes même si, parfois, cela peut être une source de motivation. »
La star de la semaine : Julia Simon
« Julia [Simon], elle est en route. Elle a tenté des choses dans les années passées et, à force de se prendre des coups sur la tête, elle est sereine et brille. Peut-être que le fait de changer de coach a été le déclic, en plus de son tir devenu très bon. Elle m’impressionne vraiment sur sa régularité. Elle est bien partie, mais, c’est comme au tir, il ne faut pas qu’elle se focalise sur le résultat, mais sur chacune des courses. Sinon, elle va être en mode défensive et sera moins performante. »
La question de la semaine : Julia Simon a-t-elle déjà gagné le gros globe de cristal ?
« Non, ce n’est pas joué ! Cette année, l’attribution des points a changé. [Elvira] Oeberg a fait une course blanche à cause d’une maladie [dimanche lors de la mass-start, NDLR], mais cela peut aussi arriver à Julia [Simon] en mars à cause d’un virus attrapé à la maison ou dans un hôtel. La pire des choses, c’est une maladie parce que tu n’y peux trop rien et ce n’est pas purement sportif à la différence d’un fait de course. Prendre en compte la totalité de la saison, pour moi, reflète mieux la régularité du coureur sur tout l’hiver. »
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