Au sommaire du débrief d’Yvon Mougel
Biathlon : la coupe du monde de Ruhpolding vue par Yvon Mougel
Tout au long de l’hiver, un biathlète tricolore à la retraite débriefera pour Nordic Magazine les différentes compétitions de la saison. C’est le Vosgien Yvon Mougel, premier médaillé mondial du biathlon français, en février 1981 à Lahti (Finlande), qui se lance pour revenir sur la coupe du monde de Ruhpolding (Allemagne).
L’équipe de France au top dans sa globalité
« D’une façon globale, si on regarde bien, et même si des athlètes se sont ratés su certaines courses, il y a cinq Françaises dans les huit premières de la coupe du monde et quatre garçons dans les huit premiers. Cette année, il y a un niveau général très bon pour tout le monde. Maintenant, c’est très difficile d’être en équipe de France. Même Sophie Chauveau, qui a fait un podium à Hochfilzen, n’y est pas ! Il y a une densité de bonnes performances qui a été permise par leur formation, depuis les clubs jusqu’aux équipes de France. Il y a de la densité et de l’émulation de partout ! Il y a toute une expérience qui se transmet de génération en génération et on arrive à un point où la France est la meilleure nation du monde. »

La décision prise par Johannes Thingnes Boe de s’arrêter en fin de saison
« Je me mets un peu à sa place parce que j’ai vécu ça quand j’étais athlète. Quand on a été sur le circuit pendant 10 ans, c’est exigeant ! Quand on avance dans la vie, qu’on a des enfants et qu’on a déjà tout gagné, on a parfois moins envie d’aller s’entraîner. C’est difficile de maintenir la motivation pour l’entraînement. Il y a aussi tout ce qu’il va autour comme les tests du matériel ou les sollicitations médiatiques. Je comprends qu’au bout d’un certain nombre d’années, il a moins envie. Si son objectif, c’était d’être très performant aux JO 2026, peut-être qu’il sent qu’il n’a plus l’énergie nécessaire pour faire tous les efforts qu’il faudrait pour être de nouveau champion olympique. Je ne suis pas si étonné que ça par sa décision. »

« Il va laisser un vide, mais c’est aussi de la place laissée aux autres ! Notamment aux Français… De toute façon, ça a toujours été comme ça : quand un champion s’en va, d’autres prennent la place. Cela demande beaucoup d’énergie, d’efforts et de sacrifices pour performer. Une fois qu’on a donné tout ce que l’on pouvait, forcément qu’on met le clignotant comme lui. »
En patronne, Lou Jeanmonnot domine l’individuel
« Au tir, à chaque fois qu’elle fait des erreurs, elle corrige ! Il n’y a rien à dire. C’est un métronome. Elle ne cherche pas forcément à tirer vite, mais à tirer bien. Elle est dans le bon temps de tir. Un tir comme Johannes [Thingnes] Boe a fait à la fin de son individuel, tout le monde peut le faire parce qu’il est arrivé après un tour de ski de fond démobilisé. Il était moins fatigué que d’habitude. Si on enlève le chrono, tout le monde fait 20/20 ! C’est ça qui est difficile : réussir à appliquer en course ce qui fait que la cible tombe, en oubliant ce qu’il y a autour. C’est comme une chaîne : tous les maillons doivent être bien accrochés les uns aux autres et, si un des maillons est plus faible et lâche, tout s’écroule. Là-dessus, à de rares exceptions près, Lou [Jeanmonnot] est très forte. »

Le premier podium d’Emilien Claude
« C’est une juste récompense ! C’est un garçon qui a fait sa première course de biathlon en même temps que mon fils [rires]. J’ai suivi toute son évolution et je trouve vraiment que c’est une juste récompense. Il a connu des hauts et des bas, des descentes et des montées entre l’IBU Cup et la coupe du monde, il a perdu la forme, il a eu des problèmes de carabine… Emilien [Claude], c’est quelqu’un qui a d’énormes qualités, notamment mentales. Tout l’entraînement qu’il a fait pendant des années est ressorti sur cet individuel ! S’il a fait une fois deuxième, ça veut dire qu’il peut recommencer et qu’il a le potentiel pour gagner. Maintenant, il faut que toutes les planètes soient alignées pour que ça fasse parce qu’il y en a beaucoup qui peuvent gagner. »

Les difficultés de Justine Braisaz-Bouchet et Julia Simon
« Cela fait déjà pas mal d’années qu’elles sont sur le circuit. Comme le tir est exigeant, si tout l’esprit n’est pas présent, ça se complique. En en laissant quatre au tir couché comme Justine [Braisaz-Bouchet] sur le premier tir de la mass-start, je ne sais pas ce qu’il s’est passé… Si on n’a rien vu en visant, c’est difficile d’agir. Julia [Simon], en revanche, c’est un peu comme [Emilien] Jacquelin : elle met parfois la charrue avant les bœufs. Au debout, si tu appuies dès que tu vois du noir, ça ne peut pas toujours aller dedans. C’est dommage parce que ce sont des points gaspillés. Avec un petit peu plus d’attention, ça pourrait être dedans. »

« Par contre, je ne suis pas forcément inquiet pour elles. On l’a vu au relais où elles ont fait des passages extraordinaires ! Quand il faudra, elles seront là. Quand on enchaîne beaucoup de courses de coupe du monde, c’est difficile d’être toujours présent au tir et, parfois, le mieux est de laisser la carabine de côté deux, trois jours pour repartir avec une attention toute neuve ! »
La mass-start, un format délicat à aborder
« Sur ce format, tout le monde se laisse prendre par la concurrence et oublie de recentrer son esprit sur ce qu’il va faire. En voulant gagner 2 secondes, on perd parfois deux tours. On est vraiment sur le fil du rasoir et il ne faut pas confondre vitesse et précipitation en restant lucide à l’instant T. Le bon exemple, c’est Lou Jeanmonnot sur les trois premiers tirs de la mass-start. On sent son tir posé et qu’elle s’en fiche de ce qu’il se passe autour d’elle. Il y a les deux, trois dixièmes de seconde nécessaires pour stabiliser avant le départ du coup. Au dernier tir, en revanche, elle se fait prendre notamment parce que je crois qu’elle a commis une erreur tactique en menant sur les skis. »

Jeanne Richard, le premier podium est arrivé
« C’est mérité ! Cette fois, elle est allée jusqu’à la ligne d’arrivée pour ne pas se faire doubler au dernier moment [comme au Grand-Bornand]. Elle a raté une seule balle au couché depuis le début de la saison, c’est solide ! Derrière ça, il y a du travail et des expériences. Chez les juniors, ils ont fait du bon travail de préparation et, maintenant, les schémas de tir sont acquis, point barre. Quand on tire mal, ça marque l’esprit et, donc, si on tire bien, c’est l’inverse, le cercle est vertueux. »

« Si je suis impressionné ? Oui et non. Pour bien réussir, il faut des années, mais elle a déjà six, sept ans de biathlon derrière elle. Ce n’est pas rien ! Je connais aussi les encadrants et je sais que ce sont des gens qui ont d’énormes connaissances et qui ont réussi à ne pas perdre de temps dans la formation des jeunes. »
Un troisième relais de suite victorieux pour les Français
« Si on prend le classement de la coupe du monde, c’est logique… mais la logique n’est pas toujours respectée dans le biathlon, on le voit chez les filles ! Ce relais des garçons à Ruhpolding, il est quasi parfait. Ils ont utilisé seulement six pioches, ce n’est rien ! Ils ne gagnent pas par hasard, mais surtout parce que je pense que le discours des entraîneurs infuse et est efficace pour performer au pas de tir. Cela se joue beaucoup là-dessus, au mental, et pas vraiment sur la piste. »

Les moments d’absence d’Emilien Jacquelin
« Des fois, on dirait qu’il s’en fiche un peu, qu’il n’a pas envie de faire bien les choses et il tente le tout ou rien. Cela arrive que ça fasse le tout, mais ça fait souvent le rien. C’est un peu dommage qu’il ne soit pas suffisamment patient pour poser les choses. A vouloir faire le show et gagner 2 secondes pour ressortir devant, il ressort loin. Sur la gestion de course, je trouve qu’il en donne trop en début de course et se disperse, comme sur la mass-start de Ruhpolding. Là où il faut être devant, c’est sur la ligne d’arrivée et pas après deux tours. C’est un détail, mais dans le haut niveau tous les détails comptent. »

Le succès de l’Italien Tommaso Giacomel sur la mass-start
« Ce que j’ai bien aimé, c’est qu’il n’y a pas forcément eu que les Norvégiens et les Français devant côté masculin. Si on prend le résultat de l’individuel, qui est certes une course très ouverte, on a beaucoup de nations dans les dix premiers. C’est bon signe ! C’est bien quand un coureur d’une nation qui n’est pas forcément leader gagne. Cela motive le pays et les autres. Cela montre que c’est possible ! [Tommaso] Giacomel, c’est un champion en devenir et je pense qu’on le retrouvera dans le futur. »

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1 Commentaire(s)
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RICHARD BIANCONI
21/01/2025 à 9 h 50 min
J’ai bien aimé le débrief de Mougel ; je trouve que les autres spécialistes sont trop dans les compliments, rare sont les critiques, oui Jeanmonnot a trop mené, elle a aussi pensé à distenser Preuss alors qu’elle était en compagnie de Oeberg, elle lui a offert la victoire sur un plateau, les remarques sur Braisaz et Simon sont aussi les miennes ; oui c’est au dernier tour qu’il faut etre devant et pas aux deux premiers tours, c’est ce que fait Preuss et faisait Vitozzi l’an dernier .
C’est comme l’attaque de Jacquelin dans la dernière bosse où il tombe, il était avec Boe, il devait attendre le sprint final, il parle de vélo mais n’applique pas la stratégie du vélo.