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Biathlon : la coupe du monde d’Hochfilzen vue par Frédéric Jean
Tout au long de l’hiver, un biathlète tricolore à la retraite débriefera pour Nordic Magazine les différentes étapes de la coupe du monde. C’est le Jurassien Frédéric Jean, ancien entraîneur de l’équipe de France féminine, qui se lance pour revenir sur la coupe du monde d’Hochfilzen (Autriche), la deuxième de la saison.
La performance de la semaine : Justine Braisaz-Bouchet
« Pour moi, son podium lors du sprint est le fait marquant de la semaine au niveau des Françaises ! C’est la troisième semaine de coupe du monde, elle revient de grossesse après plus d’un an d’arrêt et, depuis Östersund, elle marche sur l’eau à skis. Finalement, elle claque ce podium rapidement sur le deuxième sprint de l’hiver. Sincèrement, j’étais très heureux et content pour elle. Elle a été très intelligente dans sa pause maternité. Elle a certainement fait les choses dans le bon ordre pour être performante d’entrée de jeu. Voir Justine [Braisaz-Bouchet] sur la boîte, sur un sprint en plus, aussi rapidement, c’est agréable ! »
La star de la semaine : Tarjei Boe
« Il m’impressionne ! Je le trouve vraiment incroyable… et ce qualificatif est faible par rapport à ce qu’il réalise. Ils sont peu les biathlètes capables de durer dans le temps comme lui. Surtout qu’il est passé par des moments difficiles. Cela n’a pas toujours été rose pour lui et il est toujours là. Quand on regarde son palmarès avec ses médailles olympiques et mondiales puis sa période de disette, c’est incroyable ! Cela se respecte énormément. Le biathlon est une discipline hyper complexe où il faut combiner le ski et le tir. C’est un éternel recommencement, il faut se remettre en question après chaque saison et, lui, quinze ans après, il est toujours là. »
« Techniquement, il reste super propre. Au niveau de la puissance, il est toujours présent. La caisse, on en parle même pas ! Quand un athlète remporte un sprint, c’est que tous les voyants sont plus qu’au vert. C’est ça qui est incroyable. Il n’a pas gagné un individuel avec un 20/20 et le dix-neuvième temps de ski. Il s’est envoyé un sprint, l’épreuve récompensant le meilleur. »
La belle surprise de la semaine : Lena Haecki-Gross
« Elle fait un sacré week-end ! Il lui a manqué trois dixièmes pour monter sur le podium du sprint et, derrière, elle va prendre la deuxième place de la poursuite [derrière Elvira Oeberg, NDLR]. C’est vraiment une performance à souligner parce qu’elle ne fait pas des podiums tous les quatre matins. C’est son premier depuis 2019, elle restait sur quatre ans de disette, et, venir le claquer là, c’est magnifique. »
« Sur cette poursuite, en plus, le niveau sur les skis et au tir était énorme ! Avec un 19/20, Julia [Simon] passe seulement de la septième à la cinquième place. Il n’y a jamais eu d’ouverture et Lena [Haecki-Gross] a fait partie des filles ultra solides. Elle a pesé dans la course et a existé tout du long. Cela mérite les félicitations ! »
Le retour en forme de la semaine : Johannes Thingnes Boe
« C’est là qu’on reconnaît la marque des champions parce qu’il arrive à Hochfilzen pas en super confiance après une semaine d’Östersund plus que moyenne pour son niveau. Clairement, il passe à côté de son sprint en entrée de semaine puis, derrière, il remet l’église au milieu du village en faisant une poursuite majuscule – et même stratosphérique – puis un relais de fou où il enfonce le clou. Il a réagi et a montré qu’il était là et qu’il fallait compter sur lui malgré un Östersund moyen. »
« Je suis maintenant ultra impatient de voir comment vont se comporter les Norvégiens sur Lenzerheide. A la différence des Français qui ont fait beaucoup d’altitude, ils n’y sont pas allés de toute la préparation. On va être sur une quatrième semaine de coupe du monde, en altitude et avec de la fatigue après les trois jours de course de suite d’Hochfilzen. Concernant Johannes [Thingnes Boe] en particulier, j’ai envie de voir comment il va s’adapter à cette altitude et quelle vitesse de déplacement il va pouvoir avoir. Je n’ai pas la certitude de dire qu’il va tout fracasser, même s’il a envoyé un message fort en Autriche. »
Le paradoxe de la semaine : Lou Jeanmonnot
« Sportivement, ses résultats restent moyens, mais on est loin de la catastrophe. Par contre, quand on remet tout dans son contexte avec le dossard rouge puis le jaune et rouge, elle a vécu une semaine chargée en émotions. C’était une nouvelle situation qu’il fallait qu’elle intègre et qu’elle prenne conscience que c’est quelque chose qui, je lui souhaite, se reproduira dans le futur. C’est quelqu’un qui apprend très vite et je pense qu’elle aura appris de cette semaine d’Hochfilzen. »
« Il ne faut pas s’inquiéter pour Lou [Jeanmonnot], il lui fallait de l’apprentissage et qu’elle se rende compte ce que pouvait être le poids de porter le dossard jaune. Dans les faits, c’est le même maillot et il y a juste la couleur qui change, mais pour elle il est un peu plus lourd à porter d’autant qu’elle met souvent son stress en avant. Il faut se mettre à sa place. C’était une énorme nouveauté de se retrouver avec des dossards distinctifs sur le dos à Hochfilzen. Il fallait qu’elle se trouve dans cette situation pour se rendre compte des attentes. Malgré tout, cela n’a pas du tout été la catastrophe et elle termine la semaine sur un podium en relais. »
Le retour aux fleurs de la semaine : Emilien Jacquelin
« C’est le retour d’Emilien Jacquelin. J’ai vraiment aimé son état d’esprit, son attitude, son comportement et ce qu’il a mis en place sur les courses d’Hochfilzen. Il a une vitesse de déplacement intéressante et s’est retrouvé derrière la carabine en osant. Il était présent et ça fait plaisir de le voir devant. C’est un travailleur et un gros bosseur passé par toutes les émotions l’année dernière. Voir que le travail paye assez tôt dans la saison, c’est super. Je suis vraiment content pour lui. »
« Je pense qu’il s’est préparé depuis longtemps à ce retour et a anticipé tous les scénarios qui pouvaient se présenter à lui sur ce début de saison. Il a pris le temps de se poser et de récupérer de cette fatigue physique et mentale en prenant du recul sur le biathlon. Je pense que ça lui a fait énormément de bien et les batteries étaient chargées à 100 % quand il est reparti à l’entraînement. »
La montée en puissance de la semaine : Julia Simon
« Il y a une vraie montée en puissance. Elle fait septième du sprint puis cinquième de la poursuite où le niveau était juste dingue pour aller à la cérémonie des fleurs. C’est donc une cinquième place qui vaut, à mes yeux, bien mieux parce qu’elle a fait une sacrée course. Il lui en manque cependant encore un peu physiquement, on l’a vu toute la semaine, mais ce côté attaquante derrière la carabine a fait qu’elle s’en est bien sortie. C’est de bon augure pour Lenzerheide, en fin de période ! »
Le phénix de la semaine : Sturla Holm Lægreid
« C’est vraiment un des faits marquants de la semaine. On parle du deuxième mondial de l’année dernière qui s’est présenté à Hochfilzen avec le couperet de descendre en IBU Cup au-dessus de la tête. Et il va prendre cette deuxième place du sprint, la quatrième de la poursuite puis la victoire au relais. C’est très fort de sa part et, maintenant, on ne parle plus du tout d’IBU Cup le concernant ! A Östersund, il a carrément été invisible et, là, il a été au-dessus. »
« La question, maintenant, est de savoir s’il s’est ressaisi par rapport au danger d’aller en IBU Cup ou s’il a vraiment retrouvé la forme. Comme pour Johannes [Thingnes Boe], il est certainement un peu fragile sur ce début de saison, donc ça va être intéressant de voir comment, au-delà de l’altitude, il va réagir à cette quatrième semaine de course en étant moyen physiquement. »
La leader de la semaine : Ingrid Landmark Tandrevold
« L’équipe de Norvège a perdu Marte Olsbu Roeiseland et Tiril Eckhoff, mais Ingrid Landmark Tandrevold s’est immédiatement imprégnée du rôle de leader et le tient parfaitement. Il ne lui aura pas fallu longtemps pour prendre le maillot jaune en rehaussant le ton sur les skis où elle est vraiment très rapide. Elle a aussi passé un cap au tir, notamment au niveau de son approche. Elle est beaucoup plus sereine et engagée sur les tapis. Ce sont les ingrédients qu’il faut pour aller chercher les gagnes et les podiums. »
« Le jaune, ça ne va pas être une nouveauté pour elle. C’est une situation qu’elle connaît déjà et qu’elle va, je pense, parvenir à gérer sur le sprint de Lenzerheide. Ce qu’elle fait, d’ailleurs, c’est fort quand on connaît l’ampleur qu’a le biathlon en Norvège et le poids qu’elle devait avoir sur les épaules suite aux arrêts de ses illustres aînées. »
Le biathlète régulier de la semaine : Eric Perrot
« Je veux mettre en avant sa semaine complète. On savait tous qu’il avait passé un cap et qu’il avait progressé lors de la préparation estivale et, là, il a montré de la régularité. Il n’a pas fait un seul trou sur les trois courses ! Il sort un sacré sprint puis une super poursuite lors de laquelle il a pesé sur la course. Enfin, sur le relais, à son image, il a montré que le rôle de lanceur était fait pour lui et qu’il pouvait s’en imprégner pour la suite. En sept relais disputés, c’est la quatrième fois qu’il a donné en tête ! Il a vraiment été excellent et a mis la pression sur Sturla [Holm Lægreid] au tir. Il a été exemplaire avec un tir debout en 16 ou 17 secondes. »
Le premier podium de la semaine : Gilonne Guigonnat
« On ne va peut-être pas s’enflammer à son sujet et utilisant le terme de révélation, mais elle était clairement en mode rouleau compresseur du tir ! Elle n’a pas encore raté une seule balle au couché depuis le début de la saison. Physiquement, elle fait des courses à son niveau et, sur son premier relais, elle part devant, et fait un superbe passage. Elle a limité la casse alors qu’elle avait un gros poids sur les épaules. Pour moi, Gilonne [Guigonnat] a vraiment contribué à ce podium et mérite les félicitations. Elle a vingt-cinq ans, mais que six départs en coupe du monde, donc peu d’expérience à ce niveau-là. »
Le zéro pointé de la semaine : Jakov Fak, auteur d’un 0/8 au tir couché du relais
« Pendant ma carrière, ça m’est arrivé ! Sur une IBU Cup à Obertilliach [un individuel disputé en décembre 2004, NDLR], ma carabine était tombée dans l’aire de départ. Arrivé au premier tir, je fais 0/5 puis 1/5 au deuxième et encore 1/5 au troisième… Les coachs m’avaient fait abandonner et Jean-Pierre Amat, qui s’occupait déjà du tir, m’avait démonté la carabine le soir et m’avait montré que les tunnels s’étaient désaxés à cause de ce choc. Ce n’est peut-être pas ce qu’il est arrivé à Jakov Fak, mais ça peut être le cas. De toute évidence, il s’est passé quelque chose. C’est impossible qu’il fasse un 0/8 sans problème technique. »
La malade de la semaine : Lisa Vittozzi
« Malgré la maladie, elle a quand même fait une superbe semaine avec un bel enchaînement sprint/poursuite [elle termine cinquième et quatrième, NDLR] puis un relais où elle a clairement été la meilleure. C’est quand même remarquable même si certains pourraient dire qu’elle a été bête de courir malade. J’ai plutôt envie de dire qu’il y a eu un peu d’intox sur ce sujet. Elle était certainement malade à Östersund puis a pu se refaire la cerise avant Hochfilzen lors des quelques jours de coupure. Malgré cette maladie, donc, elle a répondu présente et a pesé sur toutes ses courses. »
Les encouragements de la semaine : les Français
« Après la deuxième place du relais d’Östersund, les gars étaient dans le questionnement et on espérait les revoir devant dès le sprint d’Hochfilzen. Cela ne s’est pas passé comme prévu puis il y a eu une belle réaction sur la poursuite avec trois Français dans le top 10. Ce qui est intéressant, c’est qu’ils viennent confirmer cela en revenant chercher une deuxième place sur le relais. Ce que j’ai surtout adoré, c’est le comportement des quatre gars, à l’attaque au tir ! Ils n’étaient pas là pour acheter du terrain. »
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