Biathlon : la coupe du monde d’Hochfilzen vue par Gilles Marguet
Tout au long de l’hiver, un biathlète français à la retraite débriefera pour Nordic Magazine les différentes étapes de la coupe du monde, mais aussi les Mondiaux d’Oberhof (Allemagne). C’est au tour du Pontissalien Gilles Marguet, champion du monde 2001 du relais et actuel coach des U17 au comité départemental du Doubs, de se lancer pour revenir sur la coupe du monde d’Hochfilzen (Autriche).
Le fait de la semaine : la domination de Johannes Thingnes Boe et la constance d’Emilien Jacquelin
« Globalement, il n’y a pas eu de surprise chez les garçons où on pressentait que Johannes [Thingnes Boe] allait frapper fort cette année sur le classement général. Ce mec, quand il retrouve son niveau, il faut aller le chercher et, là, il est fort partout. On sent qu’il revient aux affaires et qu’il s’affirme dès les premières courses comme le boss. »
« D’ailleurs, c’est bien pour nos Français et les Suédois, cela les pousse à être encore meilleurs. Et cela donne de belles choses, notamment pour Emilien [Jacquelin] ! L’année dernière, il avait été flamboyant au début de saison, mais on sentait que c’était un petit peu « feu de paille ». Là, on sent que c’est beaucoup plus en maîtrise : il ne fait rien de transcendant, mais il est troisième mondial ! C’est du très solide alors qu’il y a du lourd devant. Cela va donner de belles bagarres parce qu’il y a forcément un moment où cela va se resserrer. Enfin, je l’espère ! De son côté, Quentin [Fillon-Maillet], même si c’est laborieux, revient aux affaires. Il a tellement un talent fou que, même en étant moyen et loin du compte, il est présent dans les top 10. »
Le coup de cœur : la victoire des Françaises lors du relais
« C’était chouette de revoir les dames sur la plus haute marche du podium quasiment un an après leur dernière victoire. En plus, c’était un relais fou avec quasiment quatre équipes pour la gagne en fin de course ! On aime voir de tels spectacles. Le groupe France est fort, on sent les filles solides et, pour des biathlètes comme Lou [Jeanmonnot], ce genre de relais peut être un déclic. J’espère que ce sera le cas pour elle ! Le relais, c’est l’ADN du biathlon français. C’est ce qui mesure la force d’une équipe et traverse toutes les générations. J’en parle d’autant plus facilement que, durant ma carrière, c’est qui m’a permis de m’exprimer assez souvent. Cela créé des liens hallucinants et permet de révéler certaines individualités. »
« Le relais des garçons, en revanche, est à l’image du début de saison avec une individualité qui joue avec les meilleurs [Emilien Jacquelin] et trois autres qui commencent seulement à y arriver. C’est encore un petit peu poussif, il manque toujours un petit bout. Je sais que cela va venir, notamment pour Quentin [Fillon-Maillet]. Il y a une densité assez hallucinante et l’à-peu-près et l’erreur n’existent pas. Il manque le petit rien pour y arriver. Je ne me fais pas de souci pour eux ! »
La star de la semaine : Anamarija Lampic
« C’est génial ce qu’elle a fait ! Il y a deux manières d’arriver dans le biathlon en venant du ski de fond : soit en prenant le temps comme [Stina] Nilsson qui semble actuellement stagner, soit en se lançant directement dans le grand bain comme elle. Comme on n’est jamais à l’abri d’une bonne course en biathlon, Anamarija [Lampic] l’a fait d’entrée ! Cela réveille un petit peu la concurrence qui doit se dire qu’il faut se bouger. C’est rafraichissant parce qu’elle a apporté du punch à la caravane du biathlon, même si c’est encore un peu rock’n roll sur le debout. »
Le Français de la semaine : Julia Simon
« Julia [Simon] est formidable ! Elle a repris son tir couché à zéro. Avant, on sentait qu’elle avait un discours sans connaissances approfondies sur le sujet et, là, elle a dépecé le moteur pièce par pièce jusqu’à la dernière rondelle pour le remonter complètement. C’est un truc que fou parce que c’est courageux de se remettre en question à ce point. Cela prend du temps, et, par moments, tu es complètement perdu. Il faut une confiance absolue en la personne avec qui tu fais cela [Jean-Paul Giachino, NDLR]. C’est un truc de malade ! »
« Aujourd’hui, tu sens de la sérénité dans son couché, c’est posé. Derrière sa carabine, il ne peut pas lui arriver grand-chose tant elle a mis les choses en place d’un point de vue technique. Elle est encore à 100 %, on n’est pas loin de l’exceptionnel ! Elle fait très bien le job et, jusqu’à maintenant, elle est en train de challenger le diamètre des cibles qui est si petit… Elle est solide la gamine malgré la pression et le maillot jaune ! »
« Elle a également un ski généreux qui a évolué. Pour faire un parallèle avec le cyclisme, elle est un peu moins sur le grand plateau qu’avant. Elle parvient à s’économiser musculairement. Vu ce qu’elle fait en ce moment, c’est du solide et, selon moi, elle peut aller au bout de l’histoire et remporter le gros globe ! »
Le jeune de la semaine : Niklas Hartweg
« Il est actuellement sixième mondial, ce n’est pas rien ! Il est de 2000, c’est encore un gamin et c’est chouette pour la Suisse qui a perdu [Benjamin] Weger au printemps. Cela leur fait du bien et c’est cool que des plus petits pays brillent. Cela fait vraiment du bien au biathlon. »
L’encouragement de la semaine : Lou Jeanmonnot, Eric Perrot, Caroline Colombo et Emilien Claude
« Lou [Jeanmonnot] et Caroline [Colombo], comme Eric [Perrot] et Emilien [Claude] chez les hommes, ne demandent qu’à éclore. Ils doivent encore tous les quatre prendre la mesure de ce qu’est la coupe du monde avec ces longues périodes de trois semaines de suite avec trois courses à chaque fois. Ce sont des enchaînements de malade ! Avec la médiatisation, ils ont de la pression supplémentaire à gérer. »
« Je veux les mettre en avant parce qu’il ne faut jamais banaliser un résultat dans le biathlon. Tout ce qu’il faut empiler pour que le puzzle soit bien en place, c’est un truc de fou. Ils sont tout près d’éclore et tutoient le très haut niveau, mais il manque encore une pièce. Cela me tarde de les voir au plus haut niveau ! »
Le moment fort de la semaine : le tir debout de Johannes Thingnes Boe lors du sprint
« Si je dois retenir un moment de la semaine d’Hochfilzen, c’est le tir debout du sprint de Johannes [Thingnes Boe]. C’est un tir d’école où il met les trois premières facilement et rapidement. On se dit qu’il va sortir un 5/5 de folie et, finalement, il se reprend pour la quatrième et la cinquième. Le courage, l’expérience et la présence d’esprit qu’il faut pour mettre les cinq balles de cette manière, c’est juste magnifique. J’ai adoré ce moment-là, c’était fabuleux et je vais m’en servir pour mes jeunes. Ils se moquent de moi quand je leur dis que chaque balle à son histoire. Et là, c’est qu’il a fait et c’est absolument génial. »
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