Biathlon : la coupe du monde du Grand-Bornand vue par Marie Dorin-Habert
Tout au long de l’hiver, un biathlète français à la retraite débriefera pour Nordic Magazine les différentes étapes de la coupe du monde, mais aussi les Mondiaux d’Oberhof (Allemagne). C’est au tour de la Dauphinoise Marie Dorin-Habert, championne olympique 2018 du relais mixte et quintuple championne du monde, de se lancer pour revenir sur la coupe du monde du Grand-Bornand (Haute-Savoie).
Les faits de la semaine
Les belles performances des Françaises : « Le groupe a fait un gros pas en avant sur cette semaine »
« On a vu une belle équipe de France, notamment le groupe féminin qui a fait un gros pas en avant sur cette semaine. On pourrait dire qu’il manque beaucoup de filles très fortes et que c’est plus facile, mais les places sont à prendre et ce sont les Françaises qui les prennent. On sent les Bleues réjouies de faire des performances collectives, c’est un super truc ! Julia [Simon] s’épanouit en tant que leader de l’équipe de France, mais aussi en tant que leader du classement général. Elle porte ce dossard jaune très bien et cela ne lui met pas plus que cela de pression. Au contraire, cela la révèle. »
La domination norvégienne chez les garçons : « Il n’y a pas beaucoup de miettes »
« Chez les garçons, il y a un très très gros niveau pour exister ! Les Norvégiens mettent une grosse pression, Johannes [Thingnes] Boe est très fort, [Sturla Holm] Lægreid aussi. Les deux se tirent de la bourre, et il n’y a pas beaucoup de miettes. C’est compliqué, mais il faut savoir profiter des quelques portes ouvertes. Il faut être présent et sauter sur l’occasion, mais ce n’est pas facile ! »
Le moment fort de la semaine : les écarts sur les poursuites liés au matériel
« L’organisation s’est faite surprendre par la réaction de la neige dans la nuit de vendredi à samedi. La neige à canon, déjà très compacte, a pris des quantités impressionnantes d’eau le jeudi et le vendredi, et cela a gelé très fort le samedi. Ils ont damé très tôt le matin et cela a gelé dessus. C’était de la vitre ! Cela a créé des gros écarts de matériels liés à la construction des skis. Voir Johannes [Thingnes Boe] prendre 2 minutes sur une course de 11 kilomètres, ce n’est même pas possible et imaginable ! Je n’ai jamais connu cette situation au cours de ma carrière, c’était exceptionnel. Il y a d’autres courses où ce sera l’inverse. »
Le (double) coup de cœur de la semaine : Sophie Chauveau et Lou Jeanmonnot
« On a beaucoup parlé de Sophie [Chauveau] parce qu’on ne la connaissait pas et qu’elle vient faire quatrième du sprint avec un beau 10/10, mais Lou [Jeanmonnot] a fait un gros bond en avant avec deux top 10 et de beaux temps de ski. »
« Pour Sophie, c’était vachement chouette ! Elle partait tout derrière donc on a eu le temps de la voir vraiment, on s’est attardés sur elle et on a pu suivre toute sa course en se réjouissant sur chacun de ses tours. J’ai un coup de cœur pour elle parce que cela n’a pas été un one shot : ce sprint l’a révélé et, le lendemain, elle fait une poursuite fabuleuse à 18/20 puis une très très très belle mass-start. Elle va vraiment nous faire vibrer par la suite. C’est le nom que tout le monde va retenir de cette édition de la coupe du monde au Grand-Bornand. »
La star de la semaine : Johannes Dale
« Johannes Dale revient de très loin ! Il y a une énorme densité dans l’équipe de Norvège masculine. C’est franchement difficile de faire partie de ce collectif, donc sa victoire lors de la mass-start, devant tous ses coéquipiers, c’était magnifique. C’est mon homme de la semaine, surtout après tout ce qu’il a traversé. »
Le crève-cœur de la semaine : Emilien Jacquelin
« Il s’est un petit peu perdu sur cette semaine. Emilien [Jacquelin] est retombé dans ses travers à trop vouloir surjouer. C’est sa manière d’être et de faire du biathlon donc ce sera difficile de le faire changer sur ce point. Quand il est dans ces dispositions, il se perd lui-même dans ce qu’il veut créer. Cela déconstruit ce qu’il essaye de mettre en place. »
La déception de la semaine : Hanna Oeberg
« Hanna [Oeberg] passe complètement à côté de son week-end et, de manière générale, de son début de saison. C’est une fille qu’on attend beaucoup parce qu’on a l’impression qu’elle a tout pour jouer le général, mais elle est très irrégulière au tir et cela lui coûte à chaque fois très cher. Elle commence souvent fort sur la première coupe du monde en Scandinavie, et dès qu’on revient dans les Alpes, elle craque complètement. »
Le Français de la semaine : Fabien Claude
« J’ai trouvé que Fabien [Claude] a fait une belle semaine, très complète. C’est quelque chose qu’il ne faisait pas si régulièrement que cela par le passé. Bien sûr, il a déjà fait des résultats aux avant-postes, mais, là, il fait deux fois quatrième et septième du sprint. Ce n’est pas rien, surtout à la maison devant son public ! Il y a plein de belles histoires sur cette semaine du Grand-Bornand, et il en fait partie. »
La question de la semaine : Julia Simon file-t-elle vers le gros globe de fin de saison ?
« Je pense que c’est trop tôt pour le dire, mais si elle continue comme cela, oui ! Ces dernières années, il lui manquait de la régularité au tir, mais au couché cela va quand même bien mieux puisqu’elle a trouvé les clés pour être régulière. Debout, il va falloir faire attention à ce qu’elle ne sorte pas de ses marques. »
« Là où je l’ai trouvé impressionnante, c’est sur sa gestion de course et sur les skis où elle est parfaite techniquement, toujours au-dessus de ses appuis à appuyer au bon moment. Sur la manière un peu tonique où elle skie sur certaines portions, elle se rapproche du style de Laura Dahlmeier. Je trouve qu’elle a beaucoup progressé et arrive, non seulement à avoir de bons temps en ski, mais aussi à utiliser de manière très intelligente la piste. C’est vraiment chouette. Pour moi, elle est au sommet de son art. Je lui souhaite que cela dure plusieurs années. »
« Entre Julia [Simon] et Justine [Braisaz-Bouchet], c’est une très belle histoire. Julia, mine de rien, a dû souffrir d’être tout le temps, entre guillemets, dans l’ombre de quelqu’un qui a un talent incroyable. Là, enfin, c’est Julia qu’on voit. C’est inconscient, mais je pense que ce n’est pas pour rien que c’est cette année, sans Justine, qu’elle explose. Elles s’entendent bien, mais l’absence de Justine, selon moi, délivre Julia. J’ai cette impression que tout colle et qu’on voit cet hiver une athlète arriver à maturité. Elle a mis un peu plus de temps à y arriver que d’autres, un peu comme Lou [Jeanmonnot]. »
L’encouragement de la semaine : Quentin Fillon-Maillet
« On a envie qu’il continue à nous faire rêver comme il a pu le faire l’année dernière, mais, actuellement, Quentin [Fillon-Maillet] est en dessous de ce qu’il était. Je pense qu’il paye le contrecoup de la saison passée. Pour autant, ce qu’il fait est admirable parce qu’il est là, placé, même s’il n’est pas en forme. Moralement, ce n’est pas facile de ne pas atteindre ses objectifs. »
« Je lui souhaite donc qu’il se repose bien parce que c’est quelqu’un qui a une impressionnante capacité de récupération. Je ne me fais pas de souci pour lui, mais, quand on est dans cette spirale, je sais par expérience qu’il faut bien s’accrocher pour revenir. Il lui manque encore ce petit coup d’éclat, mais, en face, il a de sacrés clients qui sont vraiment très forts. A son niveau de l’an passé, il pourrait rivaliser, mais cette année, c’est plus compliqué. Avec de la fraîcheur, il pourrait retrouver du plaisir et être performant aux Mondiaux. Pour le général, en revanche, je pense que c’est terminé. »
L’autre encouragement de la semaine : Caroline Colombo
« Elle fait de super temps de ski cette année. Franchement, elle est vraiment bien et il suffit de pas grand-chose pour que cela vienne claquer le gros résultat et qu’elle fasse partie de la réussite collective. Cela a dû être dur pour elle dans la mass-start, même si c’était chouette qu’elle y soit. C’est toujours difficile de ne pas réussir quand les autres le font et de ne pas faire partie de la fête. »
« Il faut qu’elle trouve des solutions pour réussir à sortir au moins une belle course individuelle et claquer plusieurs fois de suite. C’est comme cela qu’on progresse. Les places sont chères en équipe de France dames, d’autant que cela perf’ en IBU Cup. Je ne sais pas quelle sera la décision des coachs, mais peut-être qu’une fille va descendre pour faire tourner. Je lui souhaite de s’accrocher et que cela puisse marcher ! »
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