Biathlon : le récit de l’Australienne Darcie Morton
Le rythme de vie de l’Australienne Darcie Morton, 24 ans, ne rassemble pas à celui des autres biathlètes du circuit planétaire. Comptant jusque-là 21 départs en coupe du monde, la native de Melbourne (Australie) retrouve effectivement la neige lorsqu’elle retourne au pays à la fin de la saison hivernale européenne. Un pays où le biathlon n’est pas des plus développés avec un seul stade sorti de terre.
C’est ainsi qu’elle vient dans le Vieux Continent, principalement à Obertilliach (Autriche) parfaire sa préparation, parcourant d’autres sites d’entraînement au gré des opportunités.
Pour Nordic Magazine, Darcie Morton a accepté de prendre la plume pour raconter son quotidien, donner ses objectifs futurs, se replonger dans ses meilleurs souvenirs et revenir sur l’histoire du biathlon australien en coupe du monde.
La situation très confidentielle du biathlon en Australie
« Je suis actuellement la seule athlète représentant l’Australie sur le circuit de la Coupe du monde et la meilleure biathlète féminine de mon pays. Il faut dire que me biathlon en Australie n’est pas très connu. Nous n’avons pas les installations, les équipes, les sponsors et la culture du biathlon comme vous, les Européens. Cela signifie qu’en tant que biathlète, je dois suivre un programme d’entraînement et un mode de vie légèrement différents. »
« Pendant les mois d’été européens, nous avons notre hiver et je suis donc de retour sur la neige de la mi-juin au mois d’août. Cela dépend évidemment des conditions d’enneigement, avec une neige qui devient de plus en plus rares à cause du réchauffement des températures des dernières années. Actuellement, nous n’avons de la neige qu’à des altitudes supérieures à environ 1 400 mètres dans les Etats de la Nouvelle-Galles du Sud et de Victoria. Je suis donc généralement au Mt Hotham qui abrite le seul et unique stade de biathlon d’Australie. »
« Il est amusant de constater que, même en hiver, la température s’y maintient entre 0 et 7°C sur la montagne et ne descend généralement pas en dessous de -3°C. L’année dernière, nous avons même connu des journées à 15°C. En revanche, lorsque vous descendez de la montagne en voiture, vous avez l’impression de retrouver le climat de l’automne européen (entre 10 et 20°C). Je peux donc me retrouver, en 45 minutes, à m’entraîner comme pendant l’été en faisait du ski à roulettes, du vélo, de la course à pied ou du kayak ! »
« Cependant, j’aime surtout faire ces entraînements de longue distance « hors neige » chez moi, à seulement 2h30 des montagnes, sur la côte sud-est de l’Etat de Victoria. Tout au long de l’hiver [soit l’été en France, NDLR], je me déplace également entre la Nouvelle-Galles du Sud et le Victoria vers les autres montagnes que sont Falls Creek et Perisher pour participer à des courses de ski de fond. »
Une longue période d’entraînement en Europe pour lancer la préparation vers les JO 2026
« En tant normal, je vais en en Europe en octobre pour ensuite revenir en Australie en mars. Seulement, en vue des Jeux olympiques de 2026, j’ai voulu passer plus de temps en Europe pour me préparer. Cette compétition est effectivement l’un de mes principaux objectifs de mes deux prochaines années ! J’ai donc pris l’avion pour l’étranger début septembre et je resterai en Europe jusqu’en avril pour faire du ski de printemps après la fin de la saison. »
« Cette année, j’ai la chance de bénéficier du soutien de plusieurs fédérations et de l’IBU pour m’entraîner avec plusieurs équipes dans différents stades. Je suis vraiment reconnaissante de cette opportunité, car, normalement, je dois faire la majorité de mes entraînements seule en Australie, en raison des longues distances qui séparent les athlètes les uns des autres et de notre très petite équipe et de la disponibilité des ressources. Je suis très chanceuse d’être sponsorisée par Biathlon Obertilliach et d’avoir le soutien de l’un de mes entraîneurs, Joe Obererlacher, qui vit dans la région. »
« Pour vous donner une idée de ce que j’ai fait, je vais vous faire un bref résumé ! Je suis arrivée à Munich début septembre et j’ai passé une semaine à Obertilliach avant de m’envoler pour la Norvège. J’y ai passé deux semaines à m’entraîner chez mon amie groenlandaise Ukaleq Slettemark, et j’ai également participé aux championnats de Norvège d’été à Lillehammer. C’était tellement agréable de découvrir la Norvège en automne et de retrouver de vieux amis, j’ai vraiment apprécié ce voyage ! »
« Je suis ensuite retournée à Obertilliach pour participer à un camp d’entraînement intensif avec l’équipe B autrichienne. Je n’avais jamais rencontré la plupart des athlètes de cette équipe et ils m’ont accueillit très chaleureusement. J’ai passé la période suivante dans un autre stage à Antholz, en Italie, avec les équipes de Finlande et de Lettonie. Nous avons eu quatre séances d’intensité en cinq jours, y compris une course test, et il a plu la moitié du temps que nous avons passé là-bas, ce qui était un peu moins amusant ! Après un court week-end à Innsbruck pour voir un ami, je suis retournée à Obertilliach. Pour cette semaine, j’avais prévu de m’entraîner seule avec ma sœur et mon père, mais une équipe suisse et une équipe estonienne s’entraînaient là en même temps. J’ai donc participé à un chrono avec eux et à d’autres séances d’entraînement ici et là. »
« Beaucoup d’équipes sont vraiment inclusives et ouvertes quand il s’agit de sessions d’entraînement conjointes »Darcie Morton à Nordic Magazine
« Je pense que c’est ce qu’il y a de bien dans notre famille du biathlon : c’est un peu un petit sport international donc tout le monde est très amical, et beaucoup d’équipes sont vraiment inclusives et ouvertes quand il s’agit de sessions d’entraînement conjointes. Je suis actuellement à Livigno avec toute l’équipe autrichienne pour 10 jours avant de me rendre à Idre Fjäll pour rejoindre mon équipe nationale qui a un camp d’entraînement avec l’équipe lettone pour le reste du mois de novembre, avant les courses de l’IBU Cup et de la coupe du monde. »
Ses objectifs pour la saison à venir
« Mes objectifs pour cette saison sont les suivants. En priorité, c’est obtenir mes premiers points en coupe du monde en entrant dans le top 40. Ensuite, c’est terminer dans le top 10 d’une manche de l’IBU Cup, notamment pour faire baisser ma moyenne de points IBU en-dessous de 70. Je voudrais aussi réaliser un sans-faute sur un sprint ou un individuel en coupe du monde ou en IBU Cup et entrer régulièrement dans les poursuites de coupe du monde. Tous ces objectifs à court terme sont bien entendus centrés sur mon but ultime qui est de me qualifier pour les Jeux olympiques 2026. »
Ses meilleurs souvenirs en compétition
« Dans mes souvenirs, mes meilleurs en compétition sont deux résultats réalisés l’année passée lors de l’IBU Cup d’Obertilliach. Lors du sprint, d’abord, j’ai obtenu ma meilleure place en carrière avec une douzième position en tirant à 9/10 et à 1 min 32 de la première. Je me souviens que mon ski était extraordinaire ce jour-là et qu’avec une erreur de moins, j’aurais pu entrer dans le top 6, ce qui était une idée folle pour moi à l’époque ! »
« La mass-start était également très spéciale parce que je n’ai pas souvent l’occasion de participer à ce type de course et c’est toujours très excitant parce que vous connaissez votre place pendant toute la course, donc vous vous battez constamment avec les athlètes qui vous entourent. C’était encore mieux parce que j’ai réalisé mon meilleur tir de la saison avec un 19/20. Le fait de réaliser un 5/5 au dernier tir debout était vraiment extraordinaire pour moi, et cela a rendu la partie ski encore plus excitante. Ces courses étaient les dernières de la saison 2023/2024, c’était donc une grande motivation pour finir en beauté, dans la station où je m’entraîne si souvent l’été. C’était juste un bonus. »
Ses devancières et devanciers dans l’histoire du biathlon australien
« L’Australie a une histoire étonnamment longue avec la coupe du monde. Elle a débuté en 1987 avec Lindsay Bridgford (22 départs) et Andrew Paul (44). Entre 1990 et 1992, nous avons eu sept Australiens qui ont participé par intermittence à la coupe du monde. Les plus remarquables sont Sandra Paintin-Paul (23 départs entre 1991 et 1994) et Kerryn Rim (25 départs entre 1993 et 1998) : elles ont aussi été les premières athlètes olympiques australiennes en prenant le départ des JO d’Albertville 1992. »
« Paintin-Paul a aussi participé aux Jeux de 1994 et son meilleur résultat en carrière a été une huitième place en coupe du Monde. Rim, elle, a pris part à un total de trois Jeux olympiques avec, là encore, une huitième place comme meilleur résultat, lors de l’individuel des JO 1994. Mon père, Cameron Morton (49 départs entre 1993 et 2006) est également l’un des athlètes olympiques australiens, participant aux Jeux olympiques de Turin en 2006, aux côtés de Mark Raymond (59 départ entre 2002 et 2009). »
« Alexei Almoukov (72 départs entre 2009 et 2014) était sans doute l’un des meilleurs athlètes masculins d’Australie. Il a participé deux fois aux Jeux olympiques et a fait ses débuts à Vancouver 2010 à l’âge de 19 ans. Mon frère Damon Morton a également participé aux championnats du monde en 2015, mais il a pris sa retraite en 2017 après avoir appris qu’il souffrait d’une maladie auto-immune. Avant cela, il a obtenu certains des meilleurs résultats de l’Australie en Junior Cup et aux championnats du monde juniors avec une onzième place à Presque Isle, en 2014, et une septième place à Lenzerheide en 2015 en Junior Cup. Jillian Colebourn, une de mes anciennes coéquipières, a également participé aux championnats du monde de 2019 à 2021. »
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