BIATHLON – À la veille du sprint d’ouverture de la quinzaine d’Hochfilzen (Autriche), Frédéric Jean, le coach du ski de fond de l’équipe de France féminine de biathlon, fait le point, pour Nordic Magazine, sur la forme de ses troupes après les courses de Kontiolahti (Finlande). Et pose les objectifs de la semaine.
Après être monté dans un vol charter Joensuu/Salzbourg affrété par l’IBU dès lundi, l’équipe de France de biathlon a pris ses quartiers à Hochfilzen, lieu de la deuxième bulle coupe du monde de l’hiver.
Si le stade était fermé mardi pour préserver la piste, les athlètes ont pu le reconnaître ce mercredi. Pour ce qui est de la Covid-19, pas de problème pour les Bleus : « Toute l’équipe est négative, donc maintenant feu ! Il n’y a plus qu’à pousser sur les bâtons et mettre les balles au fond », s’enthousiasme, impatient, Frédéric Jean.
Avant cela, le coach physique des féminines, est revenu, pour Nordic Magazine, sur les conditions climatiques autrichiennes et les courses de Kontiolahti (Finlande). Il se projette également sur les prochaines échéances, en implorant à ses athlètes de mettre la « manière » pour « aller coller de la gommette. » Entretien.
- Quelles sont les conditions météorologiques et de neige sur place ?
C’est plutôt correct. Quand on est arrivé, il y avait une bande de neige sur la piste. Les à-côtés, ce n’était que de l’herbe [sourire] ! Comme il a neigé à peu près dix centimètres dans la journée d’hier, ça fait maintenant un peu plus hivernal. La piste a été très bien travaillée et reste très bonne. Ça reste de la neige de snowfarming, plutôt typée Europe centrale que Scandinavie comme à Kontiolahti, mais elle est vraiment bonne. La neige tombée fait ressortir l’humidité et on a noté qu’elle avait très rapidement lustré.
- C’est une indication à prendre en compte en vue du sprint…
On verra comment seront les conditions vendredi mais ça nous donne effectivement une tendance par rapport au choix des groupes pour les dossards. Si ça se met à lustrer, ça peut accélérer sur la fin de course… Mais il faut faire attention parce que si ça lustre énormément, c’est beaucoup plus difficile à tenir sur les skis. ! Mais on a une équipe de techniciens pour nous guider dans ses choix-là en plus de Didier, le monsieur météo qui nous apporte toutes les infos.
- Au niveau des températures, fait-il très froid à Hochfilzen ?
Quand il a neigé hier, il ne faisait pas très froid, autour de zéro/-1°C. Mais ils annoncent du froid pour le week-end. La semaine dernière, les courses avaient lieu de nuit dans les températures clémentes alors que, pour les filles, ce sera avant midi à Hochfilzen. Ça change pas mal de choses pour la logistique avec une récupération beaucoup plus tranquille l’après-midi. Pour nous, c’est mieux.
« On a la chance d’avoir un collectif qui est fort quand il met la manière »
- L’autre point différent par rapport à Kontiolahti, c’est le passage de la basse altitude de Kontiolahti aux 1 000 mètres d’Hochfilzen : que cela va-t-il changer ?
On retrouve une altitude qui nous correspond parce que tous nos biathlètes habitent entre 1 000 et 1 400 mètres d’altitude. Par rapport aux Scandinaves qui skient toute l’année au niveau de la mer, c’est un avantage pour nous comme le fait d’avoir réalisé notre préparation finale à Bessans [à 1 700 mètres, ndlr.]. Pour ma partie physique avec les filles, les temps de ski étaient bons la semaine dernière alors qu’on avait encore des résidus de notre dernier stage. J’espère que sur cette semaine-là, avec déjà deux semaines de ski dans les jambes, ce sera à notre avantage. J’en reste convaincu.
- À tête reposée, et à l’entame du deuxième bloc de courses de l’hiver, quel regard portez-vous sur les courses disputées en Finlande ?
Le bilan est relativement positif. On a quatre filles différentes qui sont allées chercher un top 10, Anaïs Chevalier qui est montée sur le podium et cette belle deuxième place sur le relais dans lequel elles ont pesé dans la course jusqu’à la fin. C’est positif pour la suite.
- Comment expliquez-vous les résultats en dents de scie en ce début d’hiver pour chaque athlète ?
Ce n’est pas difficile à expliquer. Elles ont toutes réussi à faire au moins une belle course dans la quinzaine, pour certaines deux ou trois. Dès qu’elles ont eu un petit écart, le mental qui ne suit pas ou quand elles ne gardent pas leur ligne de conduite et arrêtent d’y mettre la manière, elles se retrouvent derrière. C’est comme ça depuis la nuit des temps. Au-delà de deux pénalités en coupe du monde, on ne pèse plus sur la course. On a la chance d’avoir un collectif qui est fort quand il met la manière. Quand elles y arrivent, elles sont capables de jouer devant. Les courses où elles sont passées à côté, c’est quand elles n’ont pas fait cet effort.
« Je reste persuadé que ce qu’Anaïs Chevalier a fait en Finlande n’était pas de la chance, c’est tout simplement son niveau ! »
- Peut-on dire, après seulement cinq courses disputées, qu’Anaïs Chevalier amène de la sérénité à ce groupe ?
Quand on regarde la quinzaine de Kontiolahti, pour la partie physique que je gère, elle amène effectivement de la sérénité. Une Anaïs Chevalier qui, à l’issue de la quinzaine, se retrouve bien placée, c’est encourageant et stimulant pour les autres filles parce qu’on a une équipe homogène. Ça peut donner des idées aux autres filles qui skient toutes plus vite que l’année dernière.
- Avez-vous été surpris par le niveau à skis d’Anaïs Chevalier sur les courses de Kontiolahti ?
Elle était surprise, mais moi non [rire] ! Comme je lui ai dit et répété lors de la préparation estivale et pendant le stage de Bessans, elle est plus forte qu’avant. Il faut qu’elle en soit consciente : quand c’est le cas, elle arrive à mettre en place les choses simplement et les résultats, synonymes de confiance, arrivent ensuite naturellement. Je l’ai vue progresser tout au long de la préparation et je reste persuadé que ce qu’elle a fait en Finlande n’était pas de la chance, c’est tout simplement son niveau. Il faut qu’elle continue d’en prendre conscience.
- Après ce que Julia Simon avait montré cet automne, remportant notamment le City-Biathlon Wiesbaden, vous attendiez-vous à des débuts si compliqués pour elle ?
Je pense que c’est une athlète qui a digéré un petit peu différemment des autres filles le stage de Bessans. Il lui manquait des courses pour se mettre dans le bain et je suis persuadé que la course de dimanche, avec le troisième temps de ski et une remontée de la 56e à la 17e place, lui a donné des idées et l’a rassuré sur son niveau. Il faudra compter sur elle sur ce week-end.
« Je ne leur parle jamais de résultats parce que j’ai envie qu’elles se sortent de ça. Quand elles y pensent, elles font mal les choses »
- Justine Braisaz, quant à elle, semble avoir un nouvel état d’esprit en ce début d’hiver : on se trompe en disant qu’elle monte en puissance au fil des courses ?
On a vu pendant les quinze jours de Kontiolahti que ses temps de ski étaient bons. Quand elle arrive à faire ce qu’elle sait faire en tir, ça déroule derrière la carabine mais quand elle est en tension, focus sur le résultat, elle est plus sur la retenue et ça ne passe pas. Physiquement, Justine est quelqu’un de très forte, solide, qui encaisse très bien l’entraînement. Je suis persuadé qu’elle arrivera à jouer sur la régularité au niveau physique, un des axes de travail mis en place cet été. Je pense qu’elle est capable d’aller vite régulièrement.
- Après le relais de samedi dernier vous disiez que les six filles du groupe pouvaient prendre le départ du relais : comment allez-vous réaliser la sélection ?
Il faudra vraiment être présente d’entrée de jeu sur le sprint vendredi parce qu’il conditionnera leur poursuite où c’est toujours mieux de partir dans les quinze/vingt qu’au-delà de la cinquantième place. En plus, le relais est programmé dès le lendemain. On a mis les athlètes au courant qu’on constituera l’équipe à l’issue du sprint qui sera donc déterminant pour beaucoup de choses.
- Qu’espérez-vous de ce premier week-end d’Hochfilzen ?
J’espère bien qu’il va y avoir des podiums ! On est capables de le jouer dès le sprint. Mon discours avec les filles, ce sera d’y mettre la manière en entrant tout de suite dans le sprint, sans lâcher. Je suis persuadé qu’on a une équipe qui, quand elle y met la manière, joue devant. Je ne leur parle jamais de résultats parce que j’ai envie qu’elles se sortent de ça. Quand elles y pensent, elles font mal les choses. Il est possible d’aller cherche un ou deux podiums individuels plus un autre sur le relais : j’espère qu’on va aller coller de la gommette !
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Photos : Nordic Focus.