Biathlon : Gilles Marguet se souvient de Soldier Hollow
« Me replonger dans mon meilleur souvenir de Soldier Hollow, c’est trop facile ! Nous sommes le 20 février 2002, jour du relais hommes des Jeux olympiques de Salt Lake City. Cela fait un an et demi que l’on y pense, depuis cette réunion provoquée par Raph [Raphaël Poirée, NDLR], à Oberhof, durant un stage. »
« Il vivait déjà en Norvège à l’époque et, en fait, il s’entraînait, mangeait, buvait et parlait norvégien ! Il se nourrissait de leur savoir-faire pour mieux les battre. On ne le voyait que durant les stages, professionnel jusqu’au bout des ongles. De notre côté, nous étions une bande de potes, on s’entraînait à longueur d’année ensemble, avec sérieux, mais peut-être n’étions-nous pas aussi « radicaux » que Raph, à part le jeune padawan Vincent Defrasne, futur héros des Jeux de 2006 et déjà très ambitieux. »
« Il faut le dire, l’ambiance n’était pas au top et le deal de Raph était très clair : soit on décidait de tenter l’aventure du relais avec tout ce que cela impliquait en termes d’investissement, soit il n’en serait plus. Point barre ! Une réunion musclée et sincère d’où est ressortie une sorte d’union sacrée. À partir de ce jour-là, nous étions en mission. »
« Cinq mois plus tard, à Pokljuka, la France devenait championne du monde de relais pour la première fois de son histoire et, un an plus tard, je prends le départ du relais olympique. Cela faisait trois semaines qu’il y avait du soleil, la neige était compacte et rapide, tout ce que j’aime ! »
« Ce matin-là, lorsque j’ouvre les rideaux et que je vois des flocons gros comme des pizzas recouvrir le sol, je prends un coup de massue. Ça va être super lent, je suis nul là-dedans, c’est vraiment la poisse ; le monde s’écroule, c’est mort ! Ça fait trois nuits que je ne dors pas, je suis en stress complet et il va falloir en plus lutter contre les éléments. Ouais… c’est mort. Seulement, il s’agit du relais, du relais olympique et nous avons signé un pacte. C’est aujourd’hui que tous ces entraînements, ces efforts, ces semaines de stage en altitude, ce travail de cohésion prennent sens ! C’est aujourd’hui que ça se passe. Haut les cœurs ! »
« Essais de skis, la neige est vraiment lente et on prend des skis que l’on n’a jamais utilisés en course. Le stress monte encore d’un cran. La course se fait, je passe le relais à Vincent [Defrasne] et je commence à suivre mes potes en spectateur. Quand arrive ce moment où le Russe Pavel Rostovtsev doit utiliser une pioche de plus, les Norvégiens avec le roi Ole Einar Bjørndalen sont loin devant et Raph repart avec Frank Luck, redoutable finisseur, pour un mano a mano dont le résultat nous importe peu : nous sommes médaillés olympiques ! »
« On saute de joie en zone mixte. L’instant est magique, hors du temps, c’est l’euphorie générale. Si mes souvenirs sont bons, Jean-Pierre Amat et Jean-Paul Giachino (déjà coach des filles, eh oui !) allument un cigare et se délectent de ce moment de grâce. La suite n’est qu’un enchaînement de bons moments qui se suivent à la vitesse de la lumière : contrôle antidopage, conférence de presse, autographes, félicitations en tous genres… Nous sommes pris dans un tourbillon infernal ! »
« Puis nous rentrons au village et vient le moment de descendre à la cérémonie des médailles. Une immense limousine nous attend, juste pour nous quatre, pour un sacré voyage, un moment de partage dans le calme et la sérénité qui vaut son pesant d’or. Ensuite, c’est l’attente dans la zone des athlètes, entourés de tous les médaillés du jour (génial), et puis le grand moment. Nous sommes comme des gamins ; les Norvégiens et les Allemands sont beaucoup plus calmes, l’habitude sans doute. »
« Et là, tu arrives sur la scène et il y a 20 000 personnes qui hurlent, applaudissent et tout ça rien que pour nous ? Peut-être que le concert de rock qui suivait y était pour quelque chose aussi… On prend quand même ! Mais quel moment de fierté, la médaille est autour de notre cou. »
« S’ensuit un repas au Club France accompagné en musique par Ben, notre mascotte et kiné, qui nous gratifie d’un petit bœuf tout en délicatesse. Encore un moment parfait où le sentiment qui prédomine est celui du devoir accompli et de la sérénité qui en découle. »
« J’aurais pu vous raconter ma course, mais c’est comme un trou noir dans ma mémoire : 20 minutes de ma vie qui n’existent pas dans ma tête ! Alors, je crois que c’est cette journée, du matin jusqu’au soir, qui restera mon meilleur souvenir. Mais si je devais en extraire un, ce serait sans aucun doute l’heure passée dans cette limousine géante, seulement nous quatre à échanger nos émotions, nos sensations et nos souvenirs communs. »
« Plus j’écris et plus j’ai le sentiment, qu’à travers nos échanges, nos accolades, nos rires et ce respect qu’il y avait entre nous, à ce moment-là, nous avons clôturé la réunion commencée un an et demi plus tôt du côté d’Oberhof. On avait signé un pacte, on était en mission et on l’a fait ! »
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