Biathlon | Lenzerheide : Marie Dorin-Habert débriefe la première semaine des championnats du monde

Biathlon : la première semaine des championnats du monde de Lenzerheide vue par Marie Dorin-Habert

Tout au long de l’hiver, un biathlète tricolore à la retraite débriefera pour Nordic Magazine les différentes compétitions de la saison. C’est Marie Dorin-Habert, quadruple championne du monde et quadruple médaillée olympique, qui se lance pour revenir sur la première semaine des championnats du monde de Lenzerheide (Suisse).

Le doublé de l’intouchable Johannes Thingnes Boe

« Quand il est à ce niveau-là, il a zéro concurrence. Ses performances montrent que, malgré le fait qu’il souhaite s’arrêter parce qu’il en a marre et qu’il veut rejoindre sa famille, il reste le meilleur. Il a des capacités hors-normes en ski et au tir, ce qui fait de lui le biathlète record que l’on connaît et qui va être difficile à égaler. »

« Franchement, il est juste injouable et c’est magnifique ! C’est vraiment très beau de voir un biathlète exploiter 100 % de ses capacités, quand bien même il domine la discipline. En plus, humainement, il véhicule de très belles valeurs. On ne peut qu’apprécier et applaudir. »

« Sur le sprint, il était vraiment au-dessus du lot, sur la poursuite aussi même si c’est un athlète qui part toujours à fond et qui capitalise sur son gros physique. On a vu qu’il était quand même en difficulté pour terminer ! Cela peut-être assez intéressant à voir sur la mass-start, face à des biathlètes plus jeunes et plus malins dans la gestion de leur effort. Sur cette piste, c’est très important parce que tous ceux qui font un gros effort sur un tour sautent derrière. C’est une caractéristique de ce site. »

Justine Braisaz-Bouchet, l’or du sprint, le bronze de la poursuite

« J’étais trop contente pour elle ! Elle a un tir qui est compliqué parce qu’elle est énormément dans le contrôle. Ce qui lui manque, c’est du lâcher prise. Elle s’était fixée des objectifs élevés pour cette saison, ce qui était légitime, et elle s’est mise dans une situation où le tir était devenu très compliqué. Elle a vécu, franchement, un mois de janvier pas rigolo. »

« Comme elle a besoin de pouvoir s’évader et ne pas être focalisée à 100 % sur le biathlon pour briller, ce site de Lenzerheide lui va bien. Elle y avait brillé l’hiver dernier et, mine de rien, quand un site plaît à un athlète, c’est important et ça marche. La coupure, aussi, lui a fait du bien. Elle a pu se reposer mentalement et se remettre dans une nouvelle configuration. »

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« Elle claque le titre [du sprint] et une autre médaille [le bronze de la poursuite]. Cela fait du bien à l’ensemble de l’équipe de France de voir que sa cadre est toujours présente. Félicitations à elle parce que c’est toujours dur quand les années passent de se remobiliser sans cesse. Pourtant, elle est jeune, elle va avoir 29 ans, mais elle est sur une fin de carrière, débutée en coupe du monde à 18 ans. Les sacrifices pèsent dans la balance de plus en plus. »

Une première médaille mondiale individuelle pour Eric Perrot

« Il a conscience de son niveau et a un degré de maturité affirmé et légitime. Il a de l’ambition, pas au-dessus du tout de ses moyens, il est très lucide sur son niveau et ce qu’il a envie d’aller chercher. Pour l’instant, il met en place petit à petit les choses nécessaires à l’atteinte de ses objectifs. C’est vraiment très chouette de voir qu’il est capable de mettre en place tout ça, de bien réfléchir, d’analyser, de rester calme et propre et d’apprendre de ses erreurs. Il gère, aussi, pas mal la pression, comme on l’a vu sur le dernier tir de la poursuite où il était en totale maîtrise. C’est un athlète qui monte en puissance dans une progression linéaire. Il devient le leader légitime de l’équipe de France. »

« C’est facile à dire après coup que c’était écrit d’avance pour lui. Il y a toujours une différence entre être capable de faire une médaille et le faire réellement. Lou [Jeanmonnot], par exemple, ne fait pas des mauvaises courses, mais il lui en a manqué un tout petit peu tandis qu’Eric [Perrot] a été capable de ne pas en laisser. Il aurait très bien pu faire une course pas mauvaise du tout, mais mettre une balle en plus dehors et ça n’aurait pas été suffisant pour faire le podium. Ne pas avoir craqué sur le dernier tir, ça montre une grosse force mentale et une maîtrise de son sport. Ce n’est pas une surprise, mais il fallait aller la chercher ! Une première médaille internationale en carrière, c’est toujours un aboutissement. »

Franziska Preuss, la patronne de la poursuite

« Elle n’est pas intouchable sur les skis, mais quand elle conjugue le tir, la vitesse de tir et un bon temps de ski, elle est dure à prendre. Sur la poursuite, elle a eu une gestion de course très belle à voir. Elle a aussi géré ses émotions [pour faire le 20/20]. J’ai l’impression que, là, elle est à son top niveau. J’adore quand les athlètes sont capables de faire du 100 % de leurs capacités, quel que soit le classement. Pour moi, c’est le Graal, l’objectif ultime à atteindre. [Franziska] Preuss, elle l’est actuellement et on ne peut que s’incliner et la féliciter. »

La sensation Campbell Wright

« Ce jeune biathlète est vraiment impressionnant et attachant ! C’est sympa, aussi, de voir les personnes derrière les athlètes et il est atypique. Il est rigolo et a l’air de sortir du lot, se découvrant. Il n’est pas là par hasard, mais il ne pensait pas être capable d’aller chercher ces résultats dès maintenant. Sur la poursuite, il a vraiment été impressionnant, en repoussant ses limites. On va assister à l’éclosion d’un athlète et je pense qu’on va en entendre parler dans les prochaines années. Il est jeune et il y a de fortes chances pour qu’il incarne la relève, comme Eric Perrot. »

Il en a manqué pour Lou Jeanmonnot

« Elle ne fait pas des mauvaises courses, mais elle en a laissé un peu trop au tir. Elle vient chercher des médailles parce qu’elle est en capacité de le faire, qu’elle joue le général et qu’elle a gagné beaucoup de courses jusque-là. Elle est très forte et est à un niveau où elle peut revendiquer des titres et des belles places. Elle ne craque pas en passant à côté, mais il lui manque un rien de relâchement pour pouvoir faire basculer les quelques palettes qui ne sont pas tombées sur la première semaine. Elle n’est vraiment pas loin, elle fait sixième et quatrième. Tout se joue à une balle près ! »

« Je comprends sa déception, mais il ne faut pas être trop dur avec soi-même. Il faut se relâcher un peu plus, retrouver de la fluidité et de l’envie en prenant du recul par rapport au besoin de résultats. C’est très dur à faire, mais c’est ce qui lui manque : un tout petit plus de concentration. C’est une lutte contre elle-même ! »

Quentin Fillon-Maillet encore sur un podium mondial

« C’est quelqu’un qui a une volonté hors-normes. Il a la ténacité qui lui permet d’aller chercher des ressources en lui incroyables. Il est très fort sur la piste ! C’est vraiment beau de voir un athlète comme lui qui est capable d’avoir une telle volonté pour puiser au plus profond de lui. Devant, Johannes [Thingnes Boe] était intouchable. Peut-être que Quentin [Fillon-Maillet] veut l’or, mais ça ne dépend pas que de lui. Il peut aller chercher l’or, mais quand Johannes [Thingnes Boe] est à ce niveau-là, il ne peut pas lutter. Personne ne le peut d’ailleurs ! »

« Il faut qu’il passe les tirs couché en trouvant un juste milieu entre l’envie de bien faire et le trop d’envie qui peut pousser à de la précipitation ou à de la nervosité qui font mettre des balles dehors. »

Trop de fautes au tir pour Julia Simon

« Elle a fait une démonstration sur le relais mixte [malgré sa chute], elle a été impressionnante. J’avais misé sur elle pour la poursuite, mais elle était trop en mode full attack. Elle a trop attaqué et n’a pas su temporiser légèrement pour être plus calme et lucide. Peut-être, aussi, qu’elle était moins bien sur la piste et plus forcément assez lucide au tir. C’est la sensation que j’ai eue. Elle va tout de même rester une adversaire redoutable sur la fin des Mondiaux parce qu’elle est en forme. Elle a retrouvé son poids de forme et on voit des attitudes qui ne trompent pas. »

Une première semaine délicate pour Emilien Jacquelin

« Il est vraiment très en forme sur les skis et est dans un état d’esprit, je pense, où il a envie de n’avoir rien à regretter. Il ose ! C’est un athlète qui s’est construit sur des victoires obtenues grâce à son talent. Il a un talent certain dans la faculté à faire un tir rapide et à être démonstratif. C’est une personnalité qui fait qu’on se souvient très longtemps de ses victoires. Il fait le show, mais ça le dessert aussi parfois. Il a quelque chose en lui que d’autres n’ont pas et qui sort de façon instinctive. Le problème, c’est que c’est difficile de provoquer cet état de grâce ! J’ai l’impression qu’il s’est mis en tête sur ces Mondiaux de tout lâcher en espérant que ça va passer à un moment. Du coup, il y a des moments où ça ne passe pas et il fait trop d’erreurs, sans maîtrise du risque. »

« Cette année, sur les coupes du monde, il est un peu plus dans le contrôle. Il essaye de construire un peu plus ses courses. Sur ces Mondiaux, on n’est plus dans cet Emilien-là, mais dans une personne qui est à l’attaque. Des fois, c’est un peu trop et c’était le cas sur les premières courses. L’enjeu de sa seconde semaine va être de trouver un petit peu moins d’attaque pour se donner les chances de pouvoir jouer. »

Jeanne Richard et Océane Michelon ne jouent pas tout devant

« Jeanne [Richard] faisait, jusque-là, du 100 % sur la coupe du monde. J’adore quand c’est le cas, d’autant qu’elle n’a pas terminé sa progression, qu’elle va s’étoffer physiquement, mais dès qu’elle n’est pas à 100 %, comme sur le sprint et la poursuite où elle rate des balles, elle est plus loin. C’est la différence avec Océane [Michelon]. Cette dernière est impressionnante sur les skis, elle a de grosses capacités et va encore gagner en puissance et en force. Elle ne fait pas du 100 %, mais elle se maintient dans le top 15. »

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« Elles doivent être un peu déçues de leurs résultats, mais ce n’est pas grave, elles sont encore jeunes et ont le temps de se construire. Pour elles deux, c’est un premier gros événement où elles jouent quelque chose. Qu’elles ne soient pas à leur niveau maximum n’est pas étonnant, mais ce ne serait pas étonnant non plus qu’elles claquent une performance. Ce sont des noms qu’on va apprendre à voir en haut des classements dans le futur ! »

Un coup de cœur pour le stade de Lenzerheide

« J’ai découvert le site de Lenzerheide avec grand plaisir, il m’a bien plus ! C’est un stade qui me plaît beaucoup parce qu’il est situé en montagne. J’aime bien quand c’est beau [rires] ! C’est un petit site cosy et sans surenchère dans ses installations. C’est un stade, aussi, qui rejoint facilement un plus grand réseau de pistes de ski de fond, ce qui est super quand on est athlète. »

« C’est une piste qui n’a pas de grosses difficultés ultra raides. Par contre, ce sont des efforts longs et continuent. Ce n’est pas un enchaînement de petits efforts où il faut être très tonique et mettre de la fréquence. Ce sont plutôt des longs profils à l’avantage des skieurs capables de fournir un effort sur une longue distance, avec des qualités de force et de résistance. Le pas de tir, lui, n’est pas aussi évident que cela parce que ça tourne vite à partir du moment où il y a du vent. »

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