Biathlon : une saison en montagnes russes pour Anna Gandler
Etincelante en cette fin d’hiver, avec quatre cérémonies des fleurs lors des cinq dernières courses individuelles sur la coupe du monde de biathlon, l’Autrichienne Anna Gandler a été l’une des révélations de cet exercice 2023/2024.
A 23 ans, la championne du monde jeunes de la poursuite, en 2020 à Lenzerheide (Suisse), et championne d’Europe juniors de l’individuel, un mois plus tard à Hochfilzen (Autriche), a signé son meilleur classement général en carrière, dix-neuvième pour sa première saison pleine dans l’élite.
S’exprimant dans un français parfait – elle partage la vie d’Emilien Claude depuis maintenant plus de deux ans – Anna Gandler s’est confiée à Nordic Magazine sur sa saison et son statut dans cette équipe autrichienne. Première partie de l’interview.
- Dans quel état d’esprit étiez-vous avant de débuter votre saison ? Vous n’étiez pas vraiment en réussite après les premières épreuves à Östersund…
Ça n’a pas super bien commencé, en effet, parce que j’avais des problèmes au tir. J’ai changé ma carabine à l’intersaison, donc j’ai dû faire une autre crosse, l’ancienne était maintenant trop petite pour moi. Malheureusement, je n’ai pu la changer qu’en septembre, ce qui était trop tard, mais je n’avais pas pu trouver d’autre rendez-vous. J’ai pris le risque, je me suis dit : ‘Tant pis, on va l’essayer’, mais, à Östersund, rien ne s’est passé comme espéré. Là, je me suis demandée si c’était vraiment la bonne solution d’avoir changé, mais je me suis quand même dit qu’il fallait continuer.
- En persévérant et avec le temps d’adaptation, ça a fini par payer…
Certains m’ont beaucoup aidé, notamment Simon Eder, qui m’a donnée des conseils, Emilien [Claude], mes coachs, mon père… tout le monde m’a encouragé et ça a fini par fonctionner. C’était super bien ensuite à Hochfilzen.
- Avez-vous imaginé redescendre en IBU Cup à ce moment là ?
Après Östersund, je pensais aussi que c’était peut-être mieux de descendre en IBU Cup, mais c’était Hochfilzen juste derrière [en Autriche, à domicile] ! J’ai fait une onzième et une dixième places, j’étais super contente des résultats donc je me suis dit que je pouvais encore continuer vu que j’avais apparemment le niveau si tout marchait mieux. Sauf que je suis tombée malade à Lenzerheide, juste avant Noël, ce qui ne m’a pas permis de m’entraîner correctement ensuite. C’était vraiment difficile à skier à cette période.
J’ai eu en quelque sorte le même problème qu’Emilien, mais moi j’ai eu la chance de continuer en coupe du monde. En France, c’est assez différent parce qu’il y a beaucoup d’athlètes qui sont super forts, et si tu ne performes pas, tu perds tout de suite ta place. C’est possible d’avoir des mauvaises courses en Autriche, mais les coachs ne te laissent qu’une seule chance après cela.
- Pourtant, les étapes en Allemagne ne se déroulent pas du tout comme espérées…
A Oberhof et Ruhpolding, je n’étais vraiment pas en forme du tout, j’ai eu des problèmes de respiration. Le premier tour, c’était encore bien, mais, surtout dans le dernier tour, je ne pouvais pas donner mon maximum. Il me manquait les entraînements. En plus, avec les nouvelles règles contre le fluor, ce n’était vraiment pas facile pour nous cette année. On a eu des problèmes notamment sur des neiges mouillées, ce qui a en revanche très bien correspondu aux Français ! (rires) Et on n’a pas eu de chance parce qu’on a quasiment eu que des conditions mouillées cette saison, sauf à Östersund. Donc c’était vraiment dur.
- Derrière, après la trêve d’Antholz, vous parvenez à trouver le déclic sur les Mondiaux de Nove Mesto, où vous faites notamment septième de la mass-start…
La première chose, c’est que j’adore Nove Mesto ! Je ne sais pas pourquoi d’ailleurs, mais j’ai toujours eu de supers résultats là-bas, en Junior Cup puis un podium en IBU Cup [deuxième du sprint en 2022 derrière Caroline Colombo, NDLR]. Et la deuxième chose, c’est le stage à Obertilliach. J’ai fait de bons entraînements, durs qui plus est – ce que je ne fais jamais d’habitude à cette période de l’année juste avant les Mondiaux. Et ça m’a énormément aidé. J’ai moi-même été un peu surprise parce que je ne pensais pas que ça allait marcher aussi bien.
Après, Nove Mesto, c’est une piste que je trouve plus facile que les autres stations en coupe du monde, et je savais que, sur le sprint, il fallait donner le maximum dès le début. Avec les conditions mouillées, ce n’était pas super rapide comme normalement, mais ce n’était pas mal non plus. L’année dernière, j’ai eu un problème avec ma carabine, c’est à cause de cela que je ne tirais pas super bien parce que j’étais tombée dessus. Et là, ça a super bien marché.
- Ces bons résultats vont ont permis de débloquer quelque chose derrière sur la fin de saison. Comment est-ce que vous avez vécu cette première cérémonie des fleurs en carrière [sixième sur le sprint de Soldier Hollow] ?
C’était trop bien ! Je me disais vraiment ‘ne pleure pas’, mais j’étais très émue. C’était tellement une pression, c’était un peu l’objectif de la saison d’être dans les fleurs, et de le réussir dans l’une des dernières étapes de la coupe du monde, c’était très émouvant !
- Qu’est-ce qui a fait que vous ayez pu enchaîner derrière avec ces quatre cérémonies des fleurs à la toute fin de l’hiver ?
J’y réfléchis depuis deux semaines en fait pourquoi ça a tellement bien marché là-bas [en Amérique du Nord, NDLR], et je n’ai pas vraiment de réponse. Normalement, j’ai des gros problèmes avec l’altitude. Et quand je suis allée là-bas, je ne me suis vraiment pas mis de pression. Je me suis dit : ‘bon, ça ne va pas marcher, ce n’est pas grave si tu ne fais pas de bons résultats, parce que tu n’as pas encore fait de vrais entraînements en altitude.’ J’avais accepté en quelque sorte que je puisse avoir de mauvais résultats, et c’est peut-être ça le secret. J’étais déjà en forme, comme on l’a vu à Oslo, et, en altitude, ça aide énormément. Si tu n’es pas en forme ou si t’as été malade avant, ça ne marche pas. On l’a vu avec [Vebjoern] Soerum qui était malade avant Oslo. Là, j’étais en bonne santé, en forme et sans pression.
- On a vu beaucoup de monde souffrir de la chaleur dans cette tournée américaine. On a l’impression que cela n’a pas été votre cas, parce que vous avez fait partie des meilleurs temps de ski et que vous avez aussi fait preuve d’une grande adresse au tir…
Ça a été dur pour moi aussi à Soldier Hollow ! Mais je préfère ça à la pluie. Les conditions étaient vraiment terribles, et je n’étais pas super forte sur les skis non plus, alors j’ai eu de la chance de faire le 10/10. A Canmore, quand j’ai fait le troisième meilleur temps de ski [sur le sprint, NDLR], là, on a eu du matériel de fou, c’était incroyable. Sans les techniciens, ça n’aurait jamais été possible. Et là, on a vu ce qui était possible si les skis, et tout le reste, marchent bien.
- Le podium est vraiment passé tout près sur la mass-start de Canmore, où vous ressortez à quelques secondes de Gilonne Guigonnat sur le dernier tir. Avez-vous des regrets de ne pas être parvenue à en avoir au moins un cette saison ?
J’étais trop fatiguée ! J’ai fait toutes les courses depuis Nove Mesto et j’avais vraiment mal partout. Encore maintenant, je sens toujours mon corps souffrir et c’était bien que ce soit fini. Je suis bien sûr un peu frustrée [de ne pas être montée sur le podium], parce que ça s’est joué à chaque fois à une balle ou à quelques secondes. Mais je pense que c’est une bonne motivation pour l’année prochaine, [je sais] que je peux faire encore mieux. L’année dernière, mon objectif était d’être sur les fleurs, et j’avais fait septième, alors je m’étais dit l’année prochaine [cet hiver]. Maintenant que je l’ai fait, peut-être que, l’année prochaine, ce sera le podium !
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