Biathlon : Clément Dumont revient sur son choix de quitter la tête de l’équipe de Belgique
Au milieu du mois de mars dernier, juste avant les ultimes courses de la saison, Belgium Biathlon annonçait le prochain départ de Clément Dumont, entraîneur en chef français de son équipe nationale. Une décision de prime abord surprenante que le Chamoniard, en poste depuis 2022 en prenant la suite de Jean-Guillaume Béatrix, expliquait par une envie de mettre la priorité sur sa vie personnelle.
Quelques semaines après la fin de la saison et de sa mission, Clément Dumont a accepté de se confier longuement à Nordic Magazine. Entretien.
- On a été surpris d’apprendre en fin d’hiver votre départ du poste de coach en chef de l’équipe nationale belge de biathlon. Pourquoi avez-vous décidé de mettre fin à votre mission ?
J’aurais pu très bien m’y retrouver l’an prochain dans cette équipe belge, mais il y a eu cette envie de mettre en priorité ma vie personnelle. Globalement, aujourd’hui, j’ai une double activité parce que je reste kiné sur Chamonix après mes quatre ans d’études, terminées en 2022. Le biathlon est venu s’ajouter là-dessus comme une expérience à prendre. Dans mon caractère, j’ai toujours l’ambition de faire du mieux possible, mais le biathlon restait secondaire. Or, là, il occupait ces derniers temps, malgré tout, une place beaucoup trop importante [dans ma vie].
- Que voulez-vous dire par là ?
J’étais beaucoup tout seul sur énormément de tâches à effectuer, notamment sur l’organisation et la logistique. Quand on fait du haut niveau et qu’on veut porter un projet en amenant des athlètes au plus haut niveau, ces tâches viennent parasiter cette envie de bien faire. Ainsi, au plus profond de moi, je ne me sentais plus en mesure de faire ce que j’aime le plus : entraîner. En plus de cela, il y a cette balance avec la kiné qui entrait en compte. Je ne voulais pas lâcher cette activité parce que je me suis battu pour avoir ma place dans ce milieu. Je n’avais pas envie de repartir trop du côté biathlon en laissant la kiné de côté. Surtout que, dans ma tête, il n’y avait pas de perspectives à long terme dans le biathlon. Pour être plus clair, il y en avait sûrement, mais je n’avais pas envie de les voir.
- Pourquoi ?
Ce n’est pas comme cela que je veux dicter ma vie. Je sais ce que c’est que faire toute sa vie dans le biathlon, j’ai grandi à bonne école par rapport à cela [avant de décéder brutalement lors de l’été 2021, Christian Dumont, son papa, a été successivement biathlète, coach et patron des circuits nationaux, NDLR]. Je n’avais tout simplement pas envie de cela.
- Justement, au début de cet entretien, vous disiez que ce système pourrait évoluer en équipe belge à partir de la prochaine préparation…
Avec cette multiplication des tâches, j’avais trop peu de temps et d’énergie pour me concentrer en priorité sur l’entraînement, le sportif et le suivi des athlètes et parallèle de la kiné. Cette situation est donc amenée à évoluer dans le futur, pour alléger l’entraîneur en chef. D’abord, on travaille maintenant à deux coachs [avec Margit Dahl Soerensen, NDLR] depuis l’automne, mais c’est arrivé tard dans la saison de préparation. J’ai terminé l’automne bien rincé, sans avoir de vie. C’était du H24, sans trop de cadre à toujours devoir être sur le qui-vive. L’hiver s’est cependant super bien passé, dans une bonne dynamique, mais je ne m’y retrouvais plus. Pour moi, c’est une histoire de balance qui a fait que je ne voyais pas pourquoi je devais continuer deux ans de plus. Sachant, en plus, que je n’ai pas forcément ce rêve olympique dans la tête.
- Expliquez-nous ce point…
J’aime beaucoup la conduite de projet et le fait d’avoir un objectif particulier en point de mire, les Jeux ou un autre. Moi, les JO, ça ne me fait pas rêver [rires] et ça ne m’a jamais fait rêver, même en tant qu’athlète. J’ai beaucoup plus d’admiration pour un globe de cristal qu’une médaille olympique. Ce n’est peut-être pas le cas de tout le monde, mais c’est mon avis !
- Quel bilan faites-vous de ces deux années passées au coaching de l’équipe nationale belge de biathlon ?
C’était très enrichissant, j’ai beaucoup appris, mais je pense qu’il y a, à la fin, un peu de frustration d’être avec une équipe belge où il n’y a pas les meilleurs athlètes. Tu donnes beaucoup de ton temps, d’argent parfois, pour des sportifs qui devraient avoir un suivi au quotidien et sur le long terme. La plupart sont jeunes et sont avec la Belgique parce qu’ils sont moins bons que les athlètes de leur système d’origine, ou n’ont pas la même formation tout simplement parce qu’ils viennent de Belgique, un pays nouveau dans les sports d’hiver, sans réelle culture du nordique. Il faut donc être un petit peu sur leur dos et c’est compliqué à mettre en place avec des seniors qui ont envie d’être tranquilles. Pour résumer, je me dis qu’on pourrait faire tellement mieux avec ce groupe ! Au niveau sportif, je ne m’y retrouve pas non plus parce que je ne sais pas – et c’est quelque chose de plus global dans le mouvement biathlon – s’ils font tout pour devenir tout le temps meilleurs.
- Vous avez découvert la coupe du monde ces deux derniers hivers : quel est votre regard sur ce circuit que vous n’aviez pas côtoyé en tant qu’athlète ?
C’est une ambiance que je voulais voir. Je suis hyper respectueux de tout ce que les gens font dans ce milieu et de ce qu’il s’y passe. Après, sur le côté performance sportive, je pense qu’on pourrait aller chercher plus.
- Comment ?
En réinvestissant de manière un petit peu plus intelligente l’argent dont les athlètes peuvent bénéficier. Je trouve qu’il n’y a pas assez cette démarche qualité, cette remise en question permanente des sportifs, à l’image d’une grande entreprise qui veut toujours s’améliorer. Il faut toujours faire mieux et, dès l’instant où on reste sur ses acquis, on n’est plus dans une démarche qualité permettant de progresser. Ce n’est pas tout à fait ma culture. Professionnellement, j’aurais l’envie de faire les choses à fond dans un système qui me le permette, même si c’est utopiste. Mais je sais qu’avec la Belgique, je ne suis pas tout à fait au bon endroit pour le faire. Je n’ai donc pas envie de continuer à profiter d’un système qui ne me plaît pas plus que cela.
- Quand avez-vous commencé à réfléchir à votre départ ?
J’ai commencé à ressentir le fait que je ne me sentais pas à ma place en fin de saison dernière. Après, j’étais au début de mon aventure et, finalement, je n’avais pas fait grand-chose avec la Belgique. Je voulais donc mettre en place un projet, organiser le fonctionnement sous le format d’équipe nationale, avec des stages et un suivi plus centralisé, pour voir ce que cela pouvait donner. Je voulais voir si j’allais vibrer pendant la saison [rires] ! Ensuite, les premières difficultés, comme je l’ai dit, sont arrivées en octobre où je me suis rendu compte de certaines limites et j’ai commencé à déchanter. Même si l’hiver se passe bien, dans une bonne ambiance, je me rends compte que ça reste assez éloigné de mes attentes. J’annonce donc ma décision à Philippe Heck, le président de Belgium Biathlon, dès Oberhof [début janvier] et je le dis aux athlètes à la fin des Mondiaux, en février.
- Dans le futur, pourriez-vous replonger dans la marmite ?
A l’heure actuellement, partir 180-200 jours par an me paraît vraiment compliqué parce que c’est l’une des principales raisons de mon départ. Après, s’il y a dans le futur un projet dans lequel je me retrouve davantage, qui pourrait être plus équilibré avec ma vie personnelle tout en me permettant de retrouver un niveau d’exigence professionnel pour pouvoir me dépasser, alors peut-être.
- Quand vous êtes devenu coach en chef de la Belgique, vous ne connaissiez pas les limites dont vous parlez ?
Je ne vais pas cracher dans la soupe non plus. Quand j’ai postulé pour prendre le poste il y a deux ans, je savais globalement où je mettais les pieds. Seulement, je pensais que j’avais la patience pour aller au moins jusqu’aux Jeux olympiques 2026. Je savais que j’allais gérer beaucoup de choses autre que l’entraînement, mais cela ne me dérangeait pas à ce moment-là, parce que je voulais me mettre en difficulté en gérant des choses inédites pour moi. C’est ce challenge qui m’a envoyé à ce poste. Je l’ai réussi et je me rends compte aujourd’hui, sachant qu’il y a un super potentiel dans cette équipe avec des jeunes qui arrivent et des choses à construire, qu’il faudrait pouvoir s’investir à 100 % à deux coachs. Je pousse pour cela auprès de Belgium Biathlon. Après, il faut avoir du temps et ne pas être pollué à faire autre chose, comme moi avec mon second job [rires], ou gérer la logistique de toute la saison.
- Malgré tout, êtes-vous fier de ce que vous avez accompli ?
Je suis content d’avoir relevé le défi que je m’étais fixé, c’est-à-dire faire des choses nouvelles. Je voulais manager, je pense que j’ai à peu près réussi à le faire. J’en suis fier. Sur l’entraînement, je ne pense pas avoir révolutionné les choses, d’autant que j’ai réellement fait qu’une année. En Belgique, cependant, une émulation et une dynamique s’est créée avec un niveau d’exigence, malgré tout, qui a augmenté. Aujourd’hui, les athlètes savent qu’il faut aller chercher les choses. Je crois avoir contribué à cela.
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