Biathlon : l’exposition photo d’Emilien Jacquelin à Paris est un succès
Dimanche dernier aux alentours de 14 heures, lorsque Nordic Magazine a pénétré dans l’Espace Trigram, lieu de l’exposition photo parisienne du biathlète Emilien Jacquelin, la petite salle grouillait de monde. Débutée jeudi, « Alter Ego » – le nom donné à cette exposition – est un véritable succès qui doit se terminer en cette fin de semaine.
Accrochés aux murs, on peut ainsi retrouver vingt-cinq clichés pris par le multiple champion du monde lors de la saison 2022/2023. Un hiver que le Villardien a terminé dès le mois de février, se réfugiant ensuite dans la photographie pour retrouver du sens dans l’exercice de son sport.
Pendant une quinzaine de minutes, Emilien Jacquelin s’est confié à Nordic Magazine sur son exposition et cette période difficile dont il est ressorti plus fort.
- Comment se sont déroulés les premiers jours de votre exposition « Alter Ego » organisée à l’Espace Trigram, dans le 3e arrondissement parisien ?
Il y avait pas mal d’appréhension avant le vernissage de cette exposition jeudi dernier. Il y a énormément de galeries dans le quartier, mais ce n’est pas pour autant qu’il y a des gens dedans. C’est challengeant de sortir de mon milieu. Exposer des photos, c’est montrer une part de soi-même. Ce n’est pas comme au biathlon où j’ai quelque chose à prouver. Là, je n’ai rien à prouver, mais juste à m’exprimer. L’accueil est ultra positif. Ce que j’apprécie énormément, c’est qu’il y a beaucoup de monde, c’est incroyable, et surtout ce ne sont pas que des fans de biathlon.
- L’échange avec le public est-il un exercice facile ?
Je prends beaucoup de plaisir à parler à des fans pour leur expliquer le pourquoi de cette exposition, pourquoi ça n’allait pas à un moment donné, et comment la photo, comme une sorte de thérapie, m’a vraiment aidée pour retrouver le plus haut niveau. Dans l’autre sens, il y a pas mal de personnes étrangères qui passent, qui ne me connaissent pas en tant que biathlète et qui prennent la photo pour ce qu’elle est. Il y a vraiment tous types de profils qui sont passés ces derniers jours. C’est beaucoup de partage. Ce dont je suis le plus fier, c’est que ces photos ont été prises à une période où c’était vraiment dur pour moi. Arrêter la saison n’était pas un caprice, mais une nécessité. Je suis super content d’en faire quelque chose de positif et de partager, alors que toutes ces photos étaient prises dans la solitude et les émotions négatives.
- Vous sentez-vous artiste ?
Je me sens artiste dans le sens où j’ai un réel besoin de m’exprimer, que ce soit mes émotions amicales, amoureuses, dans mon sport ou la photo. J’ai toujours besoin de dire ce que je pense ou ce que je ressens et j’aime m’exprimer. Le point commun entre la photographie et le sport de haut niveau, c’est la chance que l’on a de faire les choses comme on a envie de les faire. On est seuls avec nous-mêmes en biathlon, on skie et tire à notre manière. C’est quelque chose que j’ai perdu à un moment donné, cette liberté de faire les choses comme j’aime les faire. Ce ne sont que des clichés pris dans l’instant, je n’ai jamais fait poser les gens. Cela m’aidait à retrouver ce truc qui me manquait dans le biathlon, cet instinct pour moins réfléchir. La photo m’a permis de retrouver mon équilibre et mon instinctivité, même si mon projet de base était de faire des photos sur l’émotion qu’on pouvait ressentir comme biathlète avant, pendant et après course, qu’elles soient positives ou négatives.
- Puis votre saison se passe mal…
Ce projet s’est finalement arrêté assez rapidement parce que ça n’allait plus et j’ai arrêté la saison. J’ai voyagé les semaines suivantes et j’avais besoin de m’exprimer à travers la photo. Ce n’était pas très sain à un moment donné, parce que la photo de Tarjei Boe, c’est trois minutes après la fin de la course. Il a encore le bonnet, les lunettes, le dossard. C’était ma manière, à ce moment-là, de sortir de mon sport. Je courrais quand même parce qu’il fallait le faire, mais je n’avais qu’une envie, c’était de sortir de ce monde-là.
- Exposer des photos comme vous le faites actuellement, ce n’est pas commun pour un sportif de haut niveau : avez-vous eu des retours de collègues biathlètes par rapport à cela ?
Malheureusement, les biathlètes ne sont pas au rendez-vous [ici à Paris], mais c’est aussi la résultante d’un constat. On est dans un monde assez petit et fermé où on vient de milieux ruraux, montagnards. On ne s’ouvre pas forcément sur son monde malgré ses qualités et ses passions, mais j’ai des choses qui me sont propres dans lesquelles je ne me retrouve pas du tout dans mon milieu. Ma mère étant parisienne, mes cousines, mes oncles et tantes sont passés sur l’expo. Depuis tout jeune, je viens à Paris faire des expos photos, donc j’ai un peu grandi là-dedans, je m’y sens bien. C’est pour cela que c’était bien de commencer à Paris, c’est enrichissant ! J’aimerais bien que les collègues biathlètes passent voir l’expo pour leur expliquer le pourquoi du comment. Ils me voyaient photographier, mais je ne sais pas s’ils se rendaient compte pourquoi. En tout cas, globalement, ils sont contents pour moi que je fasse cela !
- Justement, avez-vous prévenu Tarjei Boe qu’il faisait partie de l’exposition ?
C’est drôle parce que, deux jours avant le début de la saison [2022/2023], je suis allé voir Tarjei et Johannes pour leur dire que j’avais un projet photographique. Je voulais savoir si ça les dérangeait que je les prenne en photo à un moment donné, et ils m’ont dit que non. J’ai donc envoyé la photo à Tarjei, qui avait l’air content !
- Pouvez-vous nous expliquer un de vos clichés ?
C’est « Note essoufflée », avec un saxophoniste et une personne qui passe devant. Cette photo a été prise sur New York pendant mon break. De mon point de vue, elle montre énormément de choses et réellement ce que je pouvais ressentir à ce moment-là. Le saxophoniste représente le moi en tant que biathlète, qui aime jouer sa propre partition et faire les choses à sa manière. La personne passant devant, qui cache le visage du saxophoniste, c’est un peu le regard des autres. À un moment donné, j’y ai donné trop d’importance. Il faisait que je m’empêchais de m’exprimer et de faire les choses comme je les souhaitais. L’objectif était de remettre de la couleur à cette photo en rejouant ma musique… juste en étant heureux.
- Peut-on dire que la photo vous a permis de participer à votre retour ou est-ce trop fort ?
Je le dis avec du recul, mais c’est vrai que créer ma page photo, c’était montrer que je n’étais pas que biathlète et que j’aimais d’autres choses. J’ai toujours eu du mal avec ce concept d’idolâtrer certaines personnes pour des résultats, et pas pour ce qu’elles sont ou les valeurs qu’elles peuvent porter. Je suis bien sûr très content de rencontrer un public fan de biathlon, mais je sais que c’est surtout pour les résultats. S’il le fallait, on passerait une semaine ensemble et ils me trouveraient détestable [rires] ! La notoriété, et être apprécié par des gens sans forcément les connaître, c’est difficile à appréhender.
- Vous vouliez donc montrer une autre facette de vous…
C’était un moyen de montrer autre chose. Forcément, ça divise, mais c’est plus sympa que le sport de haut niveau, où tu es soit très fort, soit une merde (sic). Pour la photo, il y a des personnes de l’art qui ont vraiment un regard d’experts qui sont passées. Leurs retours sont très cash, mais ce n’est pas noir ou blanc. C’est de la nuance. J’aime beaucoup ! Bien sûr que ce n’est pas parfait, et je suis trop content qu’on me fasse des retours intéressants pour, derrière, essayer de progresser. Je veux être meilleur et plus précis dans ce que je fais.
> Cliquez ICI pour accéder au site Internet de l’exposition
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