BIATHLON – Martin Fourcade a annoncé ce 13 mars mettre fin à sa carrière d’athlète de haut niveau. Retour sur le parcours impressionnant d’un athlète complet et d’une régularité étonnante qui effectuera sa dernière course samedi à Kontiolahti, là même où il a signé, il y a pile 10 ans, sa première victoire !
Fourcade, un géant du sport français et mondial
Martin Fourcade est le plus grand champion français de l’histoire des Jeux. Avec cinq médailles d’or à son palmarès, cinquante ans après les JO de Grenoble, il dépasse Jean-Claude Killy (trois titres à son actif).
Depuis son succès sur la mass-start en biathlon, le porte-drapeau tricolore est encore plus rentré dans l’histoire de son sport et aussi celle de la délégation française. Il a annoncé ce vendredi soir mettre un terme à sa carrière via un long message publié sur ses réseaux sociaux.
Il disputera donc ce samedi, à l’occasion d’une poursuite décisive pour l’attribution du gros globe de cristal, la dernière course de son immense carrière à Kontiolahti, là même où il a signé il y a 10 ans jour pour jour, sa première victoire sur le circuit de la coupe du monde de biathlon !
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Retour sur un parcours marqué par des épreuves et des remises en question qui l’ont porté au sommet.
Un parcours impressionnant
Depuis la saison 2007-2008, où il a effectué ses débuts en coupe du monde, l’«ogre catalan» a connu une ascension impressionnante. 24e du général en 2009, c’est dès 2010 que le tricolore va commencer à dévoiler son incroyable potentiel. Notamment lors des olympiades de Vancouver où le jeune Martin Fourcade, 22 ans, ira cueillir une médaille d’argent sur la mass-start.
Et ce fut un déclic pour le Pyrénéen. Avec un premier gros globe, c’était le début d’une période historique pour le biathlon français, mais aussi mondial. Après son premier titre de champion du monde sur la poursuite de Khanty-Mansiysk, comment penser qu’il irait en chercher dix autres ?
À Sochi où il a obtenu ses deux premiers titres olympiques sur l’individuel et la poursuite jusqu’à Pyeongchang où il va décrocher trois nouveaux titres, Martin Fourcade a un des plus gros palmarès du sport mondial. Septuple vainqueur du classement de la coupe du monde et onze fois champion du monde, le catalan fait preuve d’une régularité impressionnante.
Des duels au sommet
En affirmant sa domination au fil des années, collectionnant des titres et des médailles, Martin Fourcade va s’imposer numéro 1 mondial. Mais ses adversaires y sont aussi pour beaucoup. Notamment le Norvégien Emil Hegle Svendsen qui sera son meilleur ennemi pendant de longues saisons.
De l’après Jeux de Vancouver jusqu’à Sochi, les deux hommes se sont livrés de nombreuses batailles. Le Français a relégué le Scandinave au second rang de la course au gros globe à trois reprises (de 2011/2012 à 2013/2014).
D’autres tenteront de partir à l’assaut de la citadelle catalane. ce sera le cas du Russe Anton Shipulin et de l’Allemand Simon Schempp. De 2015 à 2016, ces deux cadors ont tout mis en œuvre pour mettre fin à la suprématie Fourcade. En vain. Il remporte de nouveau deux gros globes.
Le dernier à avoir dominé avant le tricolore s’appelle Tarjei Boe. Mais c’est son petit frère, Johannes, qui va, à son tour, tenter de faire tomber Fourcade.
Arrivé à 22 ans sur la coupe du monde, il montre dès ses débuts qu’il est un biathlète d’avenir, désormais capable de menacer la suprématie du Français. Dès 2016, il est second du général. La saison 2017, il termine à la troisième place. Cet hiver, il partage les victoires.
Ce sont tous ces adversaires tenaces et talentueux qui permettent au champion français de se remettre en question, de puiser dans ses ressources et d’être chaque saison, au sommet. Ils représentent une force pour le champion, et non pas un frein à son avancée.
Entre temps, avec les naissances de Manon en 2015 et d’Inès en 2017, Martin Fourcade est devenu papa. Des événements qui ont changé sa vie, mais pas bouleversés ses résultats. Le catalan continue sa marche en avant et sa domination dans la sphère du biathlon.
Une force de conviction inoxydable
Mais un tel nombre de médailles et un tel palmarès ne seraient pas atteignables sans de nombreuses déceptions et remises en question. Et c’est après ces « échecs » que Martin Fourcade est le meilleur. Il a une capacité que peu ont de redresser la barre. Celle de se rendre compte de ses erreurs, d’apprendre de ces dernières, et de sortir de ces zones sombres plus grand.
Celui qui dit que «le sport de haut niveau n’est qu’une question d’instinct» a connu plusieurs mésaventures durant sa carrière.
L’une des plus marquantes pour le public reste cette mass-start olympique de Sochi où il est battu de quatre petits centimètres par le géant de Trondheim, Emil Svendsen. Une nouvelle médaille au goût, certes amer, mais qui servira de leçon à Martin Fourcade, blessé dans son orgueil.
Ses deux manqués lors des Jeux de Pyeongchang lors du sprint et de l’individuel ne l’arrêteront encore moins. En remportant la poursuite et la mass-start, le biathlète français s’est repris de fort belle manière en inversant la tendance sur ses principaux adversaires.
Dès lors, une question se pose. Qui peut arrêter Martin Fourcade ? Johannes Thingnes Boe est passé quelque peu à côté de ses JO, malgré l’or sur l’individuel. Actuel second du général de la coupe du monde, il est néanmoins le seul qui parvient à battre le quintuple champion olympique cette saison.
Le roi du biathlon
Meilleur promoteur de sa discipline, Martin Fourcade est désormais une légende du sport français. En témoigne sa présence dans les médias au-delà des magazines ou des émissions sportives, et l’audience des retransmissions d’épreuves, qu’il s’agisse de l’Olympiade sur France Télévisions (la mass start 15 km a attiré jusqu’à 6,4 millions de téléspectateurs au moment de son succès sur Simon Schempp) ou de la coupe du monde sur la chaîne L’Equipe. De quoi créer un engouement autour du biathlon.
Le tir, ce n’est pas un sport de gros qui fume des clopes.
Désigné porte-drapeau de la délégation française à l’unanimité par les autres athlètes, le catalan respire la confiance et a la gagne en lui. Et malgré ce lourd poids de rentrer avec le drapeau bleu blanc rouge dans l’arène coréenne, celui qui a désormais 71 victoires à son palmarès n’a pas cédé sous la pression.
En plus d’être la figure emblématique du biathlon mondial, Martin Fourcade a aussi une image de marque. Très courtisé par les sponsors, le Romeufontain gère également avec intelligence sa présence dans les médias [lire notre enquête dans Nordic Magazine n°24].
Sport de merde…mais c’est pour ça qu’on l’aime tant!
— Martin Fourcade (@martinfkde) February 15, 2018
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Un maître avide de reconnaissances mondiales
Avec 28 médailles aux Mondiaux dont 13 en or (12 en individuel et une en relais) et sept aux Jeux, le maître Martin Fourcade impressionne, au-delà des milieux sportifs. Le président Macron le félicite sur Twitter. L’acteur Jean Dujardin dit son admiration sur Instagram…
Au bout de l’effort et du suspense, @martinfkde nous fait vibrer et rêver une deuxième fois en offrant une nouvelle médaille d’or à la France. Une légende des Jeux Olympiques d’hiver et du #biathlon. #PyeongChang2018 @franceolympique pic.twitter.com/w910kEionx
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) February 18, 2018
Une année difficile… puis le rebond
Le parcours sans fautes… Pourtant, rien ou presque ne va plus en ce début d’hiver post-olympique. Héros français de la précédente olympiade coréenne, sur-sollicité par les médias à l’intersaison, Martin Fourcade débute l’hiver 2018-2019 par une victoire arrachée sur l’individuel d’ouverture en Slovénie.
Mais rapidement, le septuple vainqueur de la coupe du monde de biathlon montre des signes inquiétants sur sa forme, accusant le coup sur le sprint (24e) puis la poursuite (abandon) de Pokljuka. Rebelote avec le sprint de Nove Mesto (43e) avant de retrouver, jusqu’aux mondiaux d’Östersund en tout cas, le top 10 sur chacun des courses individuelles. Mais Fourcade n’est que l’ombre de lui-même, éteint par un flamboyant Johannes Boe qui réalisera une saison parfaite récompensée par son premier gros globe de cristal. Pour la première fois, Martin Fourcade vacille, tremble, redevient humain, lui qui avait tant gagner les sept précédentes années. « Je ne comprends vraiment pas ce qu’il se passe dans mon corps », lâche-t-il alors, sans réponses.
Le Français, bredouille sur les Mondiaux individuels après avoir pourtant fait l’impasse sur la tournée nord-américaine (et donc sur le globe), ruine même les espoirs des bleus sur le relais en fautant derrière la carabine : « Je n’ai pas tenu la baraque et je m’en suis excusé auprès de mes collègues. C’est uniquement de ma faute. »
Une saison bien en deça des attentes du Français et de ses supporters de plus en plus nombreux grâce à la médiatisation grandissante de son sport. Mais l’ogre catalan ne s’arrêtera pas sur un échec. « A aucun moment pendant l’hiver cette interrogation n’est intervenue, même durant les moments très difficiles. Je n’ai jamais pensé que c’était l’année de trop et que j’aurais dû arrêter l’année dernière. »
L’hiver suivant (celui-ci-), Fourcade est attendu au tournant.
Sera-t-il au niveau ? Aura-t-il retrouvé la forme et la précision qui ont fait de lui le meilleur biathlètes des sept saisons précédentes ? Avant l’ouverture de la coupe du monde cette saison à Östersund, en Suède, un site où Martin Fourcade a énormément gagné, les questions sur l’état de forme du quintuple champion olympique sont nombreuses. Les yeux sont braqués sur lui, même si ses collègues Quentin Fillon-Maillet et Simon Desthieux ont terminé l’hiver précédent aux 3e et 4e places du général. Fourcade reste l’attraction médiatique du biathlon français et mondial…
C’est dire si sa 5e place sur le sprint d’ouverture l’a soulagé ainsi que son entourage. « Cette course me donne un sentiment très positif même s’il y a de la déception avec ce tir debout. J’en tire de la satisfaction dans ma manière d’être sur les skis, d’évoluer sur la piste. Je suis satisfait car je n’ai pas eu ces sensations de toute la saison dernière ! »
Il ne pense pas si bien dire. Trois jours plus tard, il domine un quadruplé historique pour l’équipe de France de biathlon lors du 20 km. Vainqueur devant Desthieux, Fillon-Maillet et Jacquelin, Fourcade montre, comme si souvent, le chemin à ses coéquipiers. Si l’an passé il se sentait « nu au milieu d’un champ de bataille », le leader tricolore confie « avoir retrouvé des armes pour me battre » face à des adversaires qui ne rêvent que de prendre sa place. « Et elles sont aussi affûtées que celles de Johannes. La bataille ne fait que commencer. »
Et cette bataille épique se terminera donc ce samedi, pile 10 ans après la première victoire de son époustouflante carrière !
Photos : NordicFocus/Agence Zoom