Biathlon : Frédéric Jean se confie après la retraite de Chloé Chevalier
Si la Dauphinoise Chloé Chevalier, 29 ans, a annoncé vendredi soir mettre un terme à sa carrière de biathlète, quelques personnes étaient dans la confidence depuis quelques jours. Parmi elles, se trouvait Frédéric Jean. Entraîneur de l’Iséroise pendant huit ans, ce dernier a effectivement suivi l’évolution de sa carrière de l’intérieur.
Pour Nordic Magazine, Frédéric Jean a accepté de se replonger dans ses souvenirs pour rendre hommage à son ancienne élève.
Une relation forte nouée au fil des ans
« Au début, j’étais avec elle à l’international, mais je n’avais pas son entraînement en gestion puisqu’elle était toujours au comité du Dauphiné. En coaching, je l’ai eu huit saisons ! J’en ai eu deux comme ça pendant ma carrière d’entraîneur : elle et Julia Simon. Huit saisons, quand tu fais du haut niveau, c’est vraiment beaucoup. »
« Ce qui est intéressant pour moi, c’est que c’est une athlète dont j’ai pu suivre la progression tout au long de sa carrière. J’ai pu construire des choses avec Chloé [Chevalier] et c’est ce qui m’a plu tout au long de ces années. J’ai récupéré une athlète au gros potentiel avec un but : l’emmener le plus haut possible et le plus longtemps possible. »
Un podium libérateur à Antholz en janvier 2023
« C’est quelqu’un qui est arrivée [au haut niveau] assez tôt et jeune. C’est une athlète qui avait un gros moteur, une grosse VO2 et des capacités physiques assez exceptionnelles. Chloé [Chevalier], c’est qu’elle a eu pas mal de podiums et victoires en relais en coupe du monde grâce à son tempérament et son sens du collectif. C’était quelqu’un qui faisait vivre l’équipe et qui mettait de l’énergie dans le collectif. Quand on regarde les performances qu’elle était capable de faire sur les relais, elle est très peu parvenue à les réitérer sur les courses individuelles. »
« Elle n’a qu’un seul podium ! C’est ce côté-là que je n’ai pas très bien vécu et qui était frustrant pour moi, en tant qu’entraîneur. J’y ai toujours cru et il en a toujours manqué en individuel. Sur le papier, c’est une athlète qui aurait dû faire a minima dix podiums sur la coupe du monde. C’était frustrant pour moi, mais aussi pour elle ! »
« Son podium sur le sprint d’Antholz [en janvier 2023], cela avait été une libération pour elle ! Je m’en rappelle très bien. C’était comme si c’était écrit, comme si c’était le destin. C’était une semaine que je commentais sur La Chaîne L’Equipe. J’étais super ému de pouvoir commenter la course où elle fait son podium. Après, on avait fait une visio pour échanger quelques mots à l’antenne. Ce jour-là, je me disais qu’elle avait enfin été capable de le faire ! »
Ce qu’il a manqué à Chloé Chevalier pour aligner les podiums individuels
« Physiquement, je pense très sincèrement qu’il ne lui manquait rien. Elle avait une VO2 égale à celle de Justine [Braisaz-Bouchet] ! Par contre, c’est une athlète qui a toujours été hyper réfléchie dans ce qu’elle fait. Peut-être que, parfois, ce côté mental lui a joué des tours. Elle était consciente de cela et qu’elle avait à gratter là-dessus pour progresser. Pour la défendre, je dirais qu’elle n’était peut-être pas tant fragile que ça là-dessus. Ce qui lui coûtait de l’énergie, surtout, c’est qu’elle devait se battre sans cesse pour montrer qu’elle méritait sa place. Ce n’était pas évident. »
« C’est une athlète qui n’a jamais trop couru après le résultat. Elle faisait le job en se donnant à fond et je pense qu’elle n’a pas de regrets. Le fait qu’elle ne soit pas parvenue à monter sur le podium en individuel, c’était difficile pour elle. Il lui manquait ce podium, aux Jeux, elle était remplaçante ou la cinquième aux Mondiaux. Il fallait toujours qu’elle bataille pour avoir et se faire sa place face à des filles sur le papier plus fortes. Cela lui coûtait une énergie folle de toujours devoir se battre pour arriver à avoir une place de titulaire. »
« J’ai toujours voulu y croire et je l’ai toujours soutenue dans son projet notamment parce que son parcours me faisait penser au mien. Je n’ai jamais eu une sélection tombée facilement dans l’assiette, je n’ai jamais été protégé, il a toujours fallu que je montre patte blanche. Un petit peu comme elle. J’ai vraiment toujours voulu la soutenir et l’épauler dans son parcours parce que je savais que ce n’était pas toujours évident pour elle. »
Une annonce de fin de carrière en pleine saison, pas une surprise
« Cela ne m’a pas étonné. L’année dernière, pour reprendre une expression du biathlon, on est déjà passés cordon [rires] ! Elle s’était posée des questions. En juin, elle est venue passer quatre jours à la maison pour s’entraîner vers chez moi [dans les Hautes-Alpes]. Je trouvais qu’elle était épanouie et qu’elle avait retrouvé du plaisir dans ce qu’elle faisait. Cela faisait vraiment plaisir de la voir comme ça ! Quand je vois son début de saison, je me dis qu’elle a retrouvé le bon chemin et le smile sur le visage. Elle était contente de faire du biathlon. Mais c’est une décision à la Chloé, à l’image de sa carrière. Elle n’a pas de regrets, elle a l’impression d’avoir fait le tour et d’avoir vécu des trucs de fou. »
« Plutôt que de se raccrocher comme une moule à un caillou en finissant une carrière par la petite porte en devenant aigrie, elle arrête comme elle a toujours été, honnête envers les gens et elle-même. Peut-être qu’elle sentait qu’elle avait fait le tour et que c’était le moment de dire stop. »
Beaucoup de positif à retirer de sa carrière…
« Il y a beaucoup de positifs à retirer de sa carrière. C’est une athlète qui a débuté assez jeune à l’international. Elle va avoir 30 ans cette année et a 14 saisons à haut niveau derrière elle ! Malgré tout, elle a été capable de durer. Quand on regarde le chemin de sa carrière, il est en forme de croix avec du bien et du moins bien. »
« En 2018, sa non-sélection comme remplaçante pour les Jeux de Pyeongchang est, pour moi, le fait marquant de sa carrière. Quand elle a appris la nouvelle, et qu’elle vient avec nous sur les championnats d’Europe à Ridnaun-Val Ridanna, elle a eu un sursaut d’orgueil. Toute la semaine, elle a été monstrueuse avec deux médailles d’or et une d’argent. Elle avait survolé les débats ! On lui avait dit qu’elle était capable de faire ça ! C’est, pour moi, un gros moment de sa carrière. »
… passée aux côtés de sa grande sœur Anaïs Chevalier-Bouchet
« Elle y a toujours attaché de l’importance à cette relation. L’année où Anaïs [Chevalier-Bouchet] est partie en pause maternité, on ne savait pas trop comment elle allait réagir. Au final, elle s’est retrouvée à faire une relativement bonne saison. Elle était bienveillante, même si c’était la petite sœur. Le fait qu’il y ait sa sœur avec elle sur le terrain l’a beaucoup aidé à certains moments pour garder la tête hors de l’eau. »
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