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Biathlon : les Mondiaux de Nove Mesto vus par Raphaël Poirée
Tout au long de l’hiver, un biathlète tricolore à la retraite débriefera pour Nordic Magazine les différentes compétitions de la saison. C’est l’Isérois Raphaël Poirée, octuple championne du monde entre 2000 et 2007, qui se lance pour revenir sur les Mondiaux de Nove Mesto (République tchèque).
Les stars des Mondiaux : les Françaises, portées par Julia Simon et Justine Braisaz-Bouchet
« Elles dominent comme les Norvégiens chez les garçons. Elles ont une équipe magnifique avec des filles déjà en place qui cartonnent et qui poussent les jeunes dans leur sillage. Beaucoup viennent de l’IBU Cup et cela fait énormément de biathlètes qui ont le niveau pour venir en coupe du monde. Cela pousse vraiment d’avoir Justine Braisaz-Bouchet et Julia Simon devant. Elles sont complètement différentes avec une Julia [Simon] qui fait la différence avec son tir et une Justine [Braisaz-Bouchet] impressionnante sur les skis. »
« Je regardais Julia [Simon] sur les tirs et elle se faisait vraiment plaisir. Elle ne se posait pas de questions et on voyait vraiment qu’elle était à son affaire. Je pense qu’elle était comme moi à Oberhof en 2004 [il avait gagné cinq médailles en cinq courses, dont trois en or, NDLR]. Je me faisais plaisir et j’étais content d’être là, ce qui se voyait sur les tirs. Elle était dans le même état à enchaîner les super performances, ce qui n’est pas si facile ! Cela demande énormément au niveau du mental, mais cela se voyait qu’elle s’amusait sur les tapis. Physiquement, je pense qu’elle peut aller plus vite donc elle a vraiment sorti le 100 % de son potentiel du moment. »
« Justine [Braisaz-Bouchet], elle a montré une puissance incroyable dans son ski. Personne n’arrive à égaler ce qu’elle fait. Au tir, elle a été présente en ne faisant pas de grosses erreurs. Quand elle met les balles dedans, personne n’est à son niveau ! Il y a aussi Lou [Jeanmonnot] qui est une super biathlète, très complète. Elle est un petit peu moins forte sur les skis que les toutes meilleures, mais son tir lui permet d’être toujours placée. On l’oublie par rapport aux deux autres qui explosent tout, mais elle incarne cette nouvelle génération qui est déjà là. »
Le roi des Mondiaux : Johannes Thingnes Boe
« Je ne crois pas qu’il soit à son niveau de l’année dernière, mais il a une telle marge que personne n’arrive à le chercher, d’autant qu’il est tout le temps plus affûté sur les Mondiaux qu’en coupe du monde. Il a les dents plus acérées sur les grands événements. Cependant, il doit faire face à la grosse concurrence de ses coéquipiers avec, globalement, une grosse domination norvégienne. »
« Beaucoup de personnes disent que cette domination est trop grande et qu’il faudrait réduire les quotas, mais moi, je préfère dire qu’il est temps de se pencher sur les causes de cette domination et de s’en inspirer. Souvent, on est un peu trop enfermé dans son milieu et sa zone géographique, et ce n’est pas forcément là que se trouve la solution. Il faut regarder ce que font les meilleurs. »
Le titre historique des Mondiaux : les Bleues lors du relais
« C’est la première fois qu’elles gagnent ce relais des Mondiaux. Un relais, c’est une équipe et, là, elles ont montré que cette équipe était au-dessus du lot. Personne ne doutait de cela et, malgré le passage manqué de Sophie Chauveau, cela l’a fait grâce aux deux stars qui terminaient la course. Sur les niveaux, il y a de grosses différences chez les filles dont on peut toujours revenir, ce qui s’est passé à cette occasion. Je ne dirais pas que ce titre est comparable au nôtre de 2001 [qui était le premier de l’histoire chez les hommes, NDLR] parce qu’elles étaient les grandes favorites. Nous, nous étions les outsiders, mais cela n’a rien à voir. »
Le bilan en demi-teinte des Mondiaux : l’équipe de France masculine
« Alors que les filles raflent tout et performent au très haut niveau sur chaque course, que ce soit en coupe du monde ou aux Mondiaux, c’est autre chose pour le groupe masculin… On a tout de même senti une montée en puissance, mais il y avait toujours quelque chose qui manquait. Quand ils allaient vite à ski, c’est le tir qui pêchait et inversement. Ils courent après le résultat, ce qui n’est jamais bon. »
Le raté des Mondiaux : les Norvégiennes d’Ingrid Landmark Tandrevold
« Souvent, les espoirs norvégiens reposent sur une ou deux athlètes. Là, c’était Ingrid Landmark Tandrevold qui était attendue. Cette quinzaine montre que quand cette biathlète ne fait pas les résultats escomptés, toute l’équipe tombe dans son sillage. C’est pour cela que c’est super important d’avoir des locomotives qui font de bons résultats, cela motive et porte une équipe. »
« On a bien vu que c’est le tir debout qui a pêché pour Ingrid [Landmark Tandrevold]. Elle faisait à chaque fois trois pénalités ! C’est mental, dans la tête. Elle se savait très attendue et devant faire des résultats. Elle s’est mise sur la défensive. Sur l’individuel, elle sort trois sur le premier debout qui fait un 10/10 pour finir, sans doute parce qu’elle savait qu’elle n’avait plus aucune chance de bien figurer. C’est le mental qui fait la différence entre les deux tirs. Après, une spirale négative s’est installée et elle n’a pas réussi à trouver la solution à ses problèmes. »
Le sourire des Mondiaux : la médaille de Quentin Fillon-Maillet
« Quentin [Fillon-Maillet] avait notamment expliqué vouloir devenir champion du monde en individuel à Nove Mesto. Avec ses résultats précédents la compétition, jamais je n’aurais dit ça ! Il vit peut-être par rapport à ce qu’il a fait il y a deux ans [sa saison olympique historique marquée par le gain de deux titres aux Jeux et du gros globe de cristal, NDLR]. Depuis, il réalise deux hivers difficiles et il faut penser différemment et y aller étape par étape. En tant que personne, on ne peut pas vivre par rapport aux résultats fait deux ans en arrière. Il faut se remettre en question après chaque course, tout le temps… Cependant, cela ne veut pas dire tout remettre en cause. »
« Il était passé à côté du podium à Antholz et il est arrivé sur les Mondiaux en outsider derrière tous les Norvégiens. Cela a souri pour lui donc c’est vraiment bien tant d’un point de vue personnel que pour tout le clan français. Malgré tout, il ne faudrait pas que sa médaille cache le résultat d’ensemble. Je ne sais pas si je peux dire que j’en suis déçu, mais quand on regarde la saison dans son ensemble, les championnats du monde reflètent les résultats de l’hiver. Par rapport à ce qu’ils ont fait en Coupe du monde, les Français gagnent deux médailles et c’est même peut-être mieux que ce qu’ils attendaient ! »
La belle promesse des Mondiaux : Eric Perrot
« C’est l’avenir. Ce doit être un peu difficile pour lui d’être dans une équipe comme celle-là avec des leaders qui ne font pas les résultats espérés. J’ai peut-être vécu ce qu’il vit dans ma carrière quand je suis arrivé en équipe de France A. En 1998, aux Jeux olympiques de Nagano où je pouvais déjà faire des médailles, j’étais dans un groupe qui avait eu de super résultats, mais qui était en fin de carrière. Ce n’était pas si facile d’être le plus jeune et d’essayer de déloger les autres. A la limite, ce n’est pas notre rôle. On est là pour apprendre et se forger. »
« Malgré tout, Eric [Perrot] réalise de très bons championnats du monde avec une vitesse de ski vraiment intéressante. Il gagne d’ailleurs sa première médaille d’or avec le relais mixte ! Personnellement, je me souviens plus des victoires collectives que de mes quarante-quatre victoires individuelles. Les succès ou les podiums en groupe, ça reste ancré parce qu’il y a plus d’émotions. Ce qui me faisait plaisir, c’était de voir la joie de mes collègues. »
La médaillée des Mondiaux : Lisa Vittozzi
« C’était une favorite très attendue à Nove Mesto. C’est une fille qui tire très très bien ! C’est souvent le tir qui fait la différence et elle en a largement profité pour briller sur ces Mondiaux [elle en repart avec quatre médailles dont l’or de l’individuel, NDLR]. D’ailleurs, c’est bien pour le biathlon féminin que d’autres pays que la France prennent des médailles. C’est beaucoup mieux avec des médailles pour toutes les grandes nations ! »
Le craquage des Mondiaux : le tir debout du relais de Vetle Sjaastad Christiansen
« Sur le tir debout, on voyait vraiment que ça bougeait de partout pour Vetle [Sjaastad Christiansen]. Musculairement, il était en difficulté ! Ce n’était pas la première fois qu’il se retrouvait à tirer pour la gagne sur un dernier relais, mais là, c’était très difficile pour lui. Avant ça, pour moi, c’était réglé, les Norvégiens allaient gagner… C’est le biathlon et ça fait une belle histoire ! »
Le remplaçant des Mondiaux : Oscar Lombardot
« Je n’ai jamais vécu cette situation, mais ce doit être un peu bizarre d’être dans une équipe comme celle-là où, en plus, les résultats ne sont pas forcément au rendez-vous. Malgré tout, il a vécu l’immensité d’un championnat du monde, ce que ça veut dire d’avoir des médailles, la préparation, les tests de ski, les médias, etc. Ce n’est pas du temps perdu, loin de là, mais de l’expérience d’acquise ! Bien sûr, je pense qu’il aurait aimé courir une course, mais ce n’est pas perdu pour lui. »
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