Biathlon | Simon Desthieux : son interview de futur retraité
Au lendemain de l’annonce de sa retraite, Simon Desthieux, 30 ans, s’est posé en fin de matinée, depuis l’hôtel osloïte des Bleus, pour revenir sur les raisons qui l’ont poussé à arrêter, dans quelques jours, sa carrière de biathlète professionnel. Pour Nordic Magazine, le Bugiste s’est également confié sur les meilleurs souvenirs de sa carrière, ce qu’il va lui manquer et son regard sur l’avenir du biathlon tricolore. Entretien.
- Pouvez-vous expliquer comment vous avez pris la décision d’arrêter votre carrière en cette fin d’hiver ?
Depuis un an, j’étais complètement focus sur les Jeux olympiques puis, au retour de Chine et notamment après le relais [argenté, NDLR], je me suis amené à me dire qu’il fallait que je change d’horizon par rapport à mon avancement dans le biathlon. Je me suis dit que c’était le moment de faire autre chose.
- Cette retraite était-elle un coin de votre esprit dès le début de la saison ?
Carrément ! Cela fait même un moment que j’y pense. Depuis la naissance de Jules [son fils, NDLR] l’été dernier, les choses ont changé. Je savais qu’il me resterait peut-être un an de plus, mais, aujourd’hui, je me rends compte que j’arrive au terme. Le plaisir et l’envie sont toujours là, j’aime ce que je fais, cette vie, le haut niveau, mais je trouve un petit peu moins d’engagement sur les courses. Le sport et la compétition demandent d’être pleinement investis avec beaucoup d’efforts et de douleurs et, là, il manque cette volonté sur les compétitions.
- Quand avez-vous annoncé votre décision à votre famille, au staff et aux autres athlètes ?
J’ai attaqué à l’annoncer à ma famille sur le week-end d’Otepää où ma mère et mon frère étaient présents. J’étais un petit peu ému de leur annoncer comme cela ! J’ai continué à le dire à la famille puis je l’ai annoncé aux gars mardi après la séance de ski. J’ai ensuite fait le tour de l’équipe et de mes sponsors avant de poster le message sur les réseaux. Je voulais que les choses soient bien faîtes.
- Prendre une telle décision doit être compliquée après dix ans passée en coupe du monde de biathlon…
C’est clair que j’y ai beaucoup pensé… Les retours que j’ai depuis mardi, c’est que tout le monde est un petit peu surpris parce que cela leur paraît être tôt. Mais, personnellement, j’ai toujours eu cette volonté d’arrêter à un moment où cela va encore bien. On est tellement passionnés qu’on a envie de pousser à fond, de continuer, mais je sens sur cette saison qu’il y a des petits détails qui font qu’il en manque un petit peu. Je sais que je suis sur la pente descendante. J’ai toujours eu cette volonté d’arrêter au bon moment, quand il y a toujours du plaisir. On parle souvent de l’année de trop et je pense que j’arrête avant. La suite me fait un peu moins rêver parce que j’a déjà fait sept Mondiaux en arrivant jeune sur le circuit. On ne peut pas faire du haut niveau à 99%, il faut être à 100% pour espérer garder son niveau et évoluer encore. Tout cela fait que j’en suis là.
- Quand vous faîtes le bilan de votre carrière, quel est votre meilleur souvenir ?
S’il fallait en choisir un, ce qui est délicat, je retiendrais l’or du relais mixte olympique de Pyeongchang. Cela a été un moment extrêmement fort partagé avec toute l’équipe. C’est ce qui fait la différence avec les courses individuelles. Sur mes accomplissements en individuel – la victoire en coupe du monde, la médaille aux Mondiaux ou le dossard jaune -, ce sont des fiertés personnelles, mais ce n’est pas partagé avec les autres.
- Quelle personne vous a le plus marqué dans votre carrière ?
J’ai envie de dire Martin [Fourcade] parce que j’ai fait toute ma carrière avec lui, sauf les deux dernières années. Cela a tellement été quelqu’un d’inspirant dès ses jeunes années. Quand je suis arrivé dans l’équipe, je le regardais déjà avec des grands yeux en me disant que je rêvais de faire comme lui un jour. Il a été inspirant dans la façon dont il faisait les choses par le travail, une chose importante pour moi. Aujourd’hui, quand je vois Quentin [Fillon-Maillet] faire ce qu’il fait et notre chemin commun parcouru dans l’équipe, je me dis que c’est beau d’avoir évolué avec ces gars-là.
- Quelle empreinte espérez-vous laisser dans le biathlon ?
Je ne sais pas… J’ai reçu beaucoup de messages ces dernières heures, notamment de biathlètes plus jeunes et d’autre qui arrivent sur la coupe du monde cette semaine. Ce sont des messages disant que j’ai toujours accompli de belles choses sans avoir toujours été sur le devant de la scène comme d’autres. Tous ceux avec qui j’ai évolué dans le biathlon et qui, finalement, n’ont pas réussi, se rendent compte de ce que j’ai fais et sont heureux de cela. On m’a toujours montré comme quelqu’un qui a réussi sur le tard, qui n’avait pas toujours les qualités et les compétences très jeunes, et on m’a toujours dit que c’est grâce à ma persévérance que j’y suis arrivé. C’est quelque chose qui parle aux gens.
- Des choses vont-elles vous manquer dans le monde du biathlon ?
Je pense que des choses vont me faire bizarre parce qu’on vit ensemble tout l’année, on partage énormément en équipe et ce sont des moments qui vont me manquer. J’en parlais avec Martin [Fourcade] lors des Jeux et il me disait que cela lui manquait. Quand il a parlé de cela, cela a fait tilt dans mon esprit. Plus que la compétition, ce sont ces moments de vie et de partage qui sont sympathiques et beaux à vivre. Cela me manquera. Pour le reste, je dirais que je ne suis pas un immense compétiteur dans l’âme, je n’ai jamais été là pour vaincre et écraser les autres, mais pour faire mon biathlon et faire du mieux que je pouvais pour continuer d’évoluer. C’est aussi pour cela que j’arrête, parce que j’arrive à un stade où je plafonne un petit peu alors que j’ai toujours besoin d’évoluer.
- Cela fait dix ans que vous évoluez sur le circuit de la coupe du monde : qu’est-ce qui a changé en une décennie ?
D’un côté, j’ai envie de dire que beaucoup de choses ont changé et, de l’autre, que peu de choses ont évolué [rires] ! En interne, ce qui a changé c’est l’ampleur que le biathlon a pris en France. J’ai connu l’avant et l’après La Chaîne L’Equipe et cela a été quelque chose d’hallucinant. Aujourd’hui, je pense que les jeunes qui vont débarquer devront être prêts parce que cela peut faire bizarre. Parallèlement, le biathlon a assez peu évolué depuis mes débuts parce qu’il y a très peu de nouveau sites, on fait souvent les mêmes choses aux mêmes moments de l’année. C’est assez redondant. Après dix ans, j’en ai assez parce que cela manque de nouveauté.
- Comment voyez-vous l’avenir du biathlon français ?
Il y a beaucoup de travail à faire. Le biathlon a beaucoup grandi, mais la façon de faire n’a pas évolué depuis mon arrivée avec des stages aux mêmes endroits et une façon de s’entraîner similaire. Il y a assez peu de nouveautés qui sont apportées. Il y a un réel intérêt pour le biathlon de revoir les choses. Pour la formation des jeunes, il y a beaucoup de choses à faire évoluer au niveau des soins, de l’alimentation, de l’entraînement, de la préparation mentale, que des éléments qui n’ont pas bougé en dix ans. C’est dommage parce qu’il y a beaucoup à gagner là-dessus.
- En ce moment, le biathlon français est performant, mais l’équilibre est effectivement précaire…
Quand je dis que j’arrête, tout le monde se dit : « Comment on va faire ? » Parce qu’il va falloir assumer les relais de façon différente. On était cinq à avoir un certain niveau, maintenant quatre avec des jeunes qui arrivent derrière. Mon départ va leur permettre de prendre leur place et de vraiment évoluer, mais on se rend compte que l’équilibre est fragile. Si, dans quelques années, d’autres arrêtent, il y aura vite un vide… On a des résultats, mais c’est léger en terme de densité. On n’a pas le réservoir de la Norvège.
- Avec un petit peu de recul, auriez-vous fait des choses différemment ?
C’est une bonne question [rires] ! Je ne crois pas, je pense que si j’ai fait les choses de cette manière-là, c’est que cela devait être le cas. On a toujours envie de plus, mais, au final, j’ai toujours fait du mieux que je pouvais. La médaille des Mondiaux de l’an passée m’a vraiment fait du bien parce que cela faisait longtemps que je courrais après. J’ai eu le sentiment du devoir accompli et d’avoir fait tout ce dont je rêvais à mon début de carrière.
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