Biathlon : ce que Simon Fourcade souhaite mettre en place à la tête des Bleus
Il y a maintenant deux semaines, Simon Fourcade, 39 ans, a été nommé entraîneur physique de l’équipe de France masculine de biathlon en binôme avec Jean-Pierre Amat. Après avoir terminé ses vacances, le Villardien aux cinq médailles mondiales s’est mis au travail il y a une dizaine de jours pour proposer, d’entrée de jeu, un solide programme d’entraînement à ses nouveaux élèves.
Pour Nordic Magazine, Simon Fourcade revient sur son arrivée à ce poste prestigieux ainsi que sur sa vision du coaching et ce qu’il souhaite mettre en place pour parvenir à relever la maison France. Entretien.
- Depuis votre nomination, de quoi sont faites vos journées ?
Ce n’était pas quelque chose que j’avais anticipé de longue date. Même si on m’a sollicité en amont de ma nomination, j’avais organisé mon mois d’avril, censé être du repos, avec des vacances. Ma nomination est donc tombée en plein milieu de ces dernières ! La fin des vacances a donc été plutôt animée. La semaine passée, j’ai dû avancer sur certains dossiers afin de proposer quelque chose de construit et de structuré aux athlètes dont je vais avoir la charge pour l’année à venir. Les choses sont donc maintenant mises en place et j’ai commencé à m’entretenir avec mes nouveaux collègues, notamment le préparateur physique Romain Hurtault ou les kinés.
- Avez-vous également pris contact avec les athlètes ?
Bien sûr ! Actuellement, pour être transparent, la ligne commune est déjà faite, mais il manque l’individualisation des programmes. C’est pourquoi j’ai débuté une série de bilans afin de construire le projet de chacun pour les années à venir. Mardi, j’étais par exemple dans le Jura pour y rencontrer Quentin Fillon-Maillet. Avec Jean-Pierre Amat, on a cette ligne de conduite de respecter le projet de chacun. Pour ce faire, les entretiens individuels sont importants et une nécessité pour parvenir à construire les choses de manière pérenne et individualisée afin que tout le monde y trouve son compte et que ce soit fait d’un commun accord. Je n’ai pas envie d’arriver comme un coach qui impose les choses. Je pense que les athlètes sont leurs meilleurs entraîneurs, bien avant moi et tous mes prédécesseurs. Ce sont eux qui se connaissent le mieux et je suis là pour les aider à faire les bons choix et à les orienter. En aucun cas, je ne me vois leur imposer des choses, ce n’est pas ma manière de fonctionner. L’idée est donc d’individualiser au maximum.
- Des premiers entretiens que vous avez pu mener, des choses fortes en sortent-elles sur la priorité à donner sur l’été à venir ?
J’attends encore de faire tous les bilans, mais il y a des sujets qui vont être forcément abordés cet été. La ligne de conduite de l’année, et la trame de fond, c’est l’exploration du domaine de l’altitude en sachant que, dans trois ans, on va avoir les Jeux de Milan/Cortina 2026 à Antholz, l’objectif final de l’olympiade. Pour moi, il va donc falloir faire une approche de l’altitude jusqu’à cette échéance avec des étapes intermédiaires qui seront à valider [des stages au Col Bayard et à Prémanon sont déjà prévus, NDLR]. Ce sera quelque chose de primordial et, s’il y a une année pour le faire, c’est celle-ci parce qu’on pourra ensuite, le cas échéant, modifier les choses lors de la préparation pré-olympique. De manière plus individuelle, certains ont terminé l’hiver avec des maux de dos [notamment Antonin Guigonnat et Fabien Claude, NDLR] donc le but va être de voir avec le préparateur physique comment faire pour que cela ne se reproduise plus. On va aussi travailler sur les différentes notions d’intensité qu’on peut avoir dans l’entraînement pour voir vers quel type on s’oriente pour chacun d’eux, idem avec la composante musculaire.
- Personnellement, passer d’entraîneur chez les juniors à coach des seniors, avec plus de responsabilité et de pression, vous fait-il peur ?
Je pense avoir pas mal de recul par rapport à cela dans la mesure où j’ai déjà été athlète et que je connais le milieu de la coupe du monde. Seulement, les médias étaient un petit peu moins présents qu’aujourd’hui à mon époque et les attentes sont un petit peu plus relevées après une saison en demi-teinte de l’équipe. Mais je reste sur le discours que j’avais en tant que biathlète : une course nationale et une coupe du monde sont la même chose. J’ai donc tendance à me convaincre qu’entre une course en Junior Cup et une seniors en coupe du monde, c’est pareil. La seule chose qui change, c’est cet aspect un peu plus exposé auquel je vais avoir à faire affaire. Je sais dans quoi je m’engage, donc cela ne me pose pas de problème de prime abord. On verra à l’usage, et j’attends avec impatience de retrouver le circuit de la coupe du monde quitté il y a quatre ans et qui me manque. J’ai plus hâte de m’y confronter que des craintes !
- Quelle est votre relation avec Jean-Pierre Amat, votre nouveau binôme ?
C’est quelqu’un de très posé qui a son expérience qui parle pour lui. Je vais m’appuyer sur ses conseils. J’ai tendance à être sanguin et dans le contact direct donc il va m’aider à poser les choses. Je m’entends bien avec lui et on se dit les choses franchement et de manière constructive. Ensuite, là où je suis confiant avec lui, c’est qu’il a des années d’expérience et qu’il a eu à composer avec de nombreux coachs physiques par le passé. La complexité est d’arriver à trouver la place de chacun dans l’entraînement, avec des compromis à faire, pour permettre au groupe d’avancer et d’évoluer dans un fonctionnement commun. J’aurais bien sûr aimé continuer de travailler avec Claire Breton, avec qui on a des repères, mais je sais que Jean-Pierre [Amat] va savoir s’adapter pour nous permettre de composer un entraînement complet de biathlon.
- Jean-Pierre Amat, justement, expliquait à Nordic Magazine après sa nomination mettre de côté et derrière lui le conflit ayant mené aux départs de Vincent Vittoz et Patrick Favre en fin de saison passée pour regarder vers l’avant : êtes-vous d’accord ?
Je ne sais pas à qui la faute revient dans cette histoire, mais il y a eu des manquements des deux côtés. J’arrive comme coach avec une situation et des attentes qui sont ce qu’elles sont à cause de ce qu’il s’est passé. On va essayer de tirer expérience de cela en tentant de ne pas reproduire les mêmes erreurs. Ce sont les athlètes qui ont sollicité notre venue donc je n’arrive pas avec des appréhensions particulières. Je ne cherche pas à tout révolutionner, mais j’ai conscience de ce qu’il nous attend avec Jean-Pierre [Amat]. Il faut se projeter sur la suite en tentant d’apporter notre coup de pinceau au fonctionnement du biathlon français.
- La semaine passée, vous avez décidé de rencontrer Vincent Vittoz, votre prédécesseur : pour quelles raisons ?
C’est une continuité de ce que j’ai pu mettre en place avec les juniors ces dernières années. Je me mettais à travailler avec des athlètes que je ne connaissais pour la plupart pas et j’avais pour habitude d’appeler leurs entraîneurs pour qu’ils me donnent leur point de vue de coach sur eux. Cela m’a énormément aidé, notamment l’hiver passé avec Théo Guiraud-Poillot avec qui, en contactant Aymeric Deschamps, on a pu pallier une méforme plus rapidement que sans ce contact. C’est donc dans ce sens-là que j’ai contacté Vincent [Vittoz], qui a travaillé avec les athlètes depuis cinq saisons, pour qu’il me donne son ressenti sur les biathlètes. On a notamment pu échanger sur l’approche de l’altitude et comment les athlètes ont pu réagir à cela par le passé dans le but de ne pas reproduire des erreurs éventuellement faites par Vincent [Vittoz]. Le but, avec cet échange constructif, est de ne pas partir de zéro.
- Quelles vont être vos relations avec Cyril Burdet, le coach physique du groupe féminin ?
J’ai vraiment hâte et je suis heureux de travailler avec lui. Je respecte énormément le personnage par son parcours à la tête des différents groupes qu’il a eus sous son aile. Je vais avoir, autour de moi une équipe un peu plus étoffée avec Cyril [Burdet], donc, et Louis Deschamps, qui sera notre adjoint sur la partie physique. Plus on est, et plus on apprend, et plus on va explorer de domaines. J’espère que je vais continuer à apprendre et à me former autour d’eux. Au tir, ils seront trois également [Jean-Pierre Amat, Jean-Paul Giachino, Patrick Favre, NDLR] et pourront partager leur expérience.
- En résumé, diriez-vous que c’est un grand défi qui vous attend ?
J’ai plutôt envie de dire que c’est un challenge ! Il ne se situe pas forcément là où on l’attend, c’est-à-dire à parvenir à redresser le groupe masculin suite à une saison un peu délicate. Bien qu’il existe, le challenge est plutôt double avec des cadres qu’il va falloir continuer à mobiliser et à faire progresser en vue des Jeux de Milan/Cortina 2026 et des plus jeunes. Le but est d’arriver à trouver une singularité de projet pour chacun avec, en plus de cela, des lignes de conduite et des démarches différentes pour des demi-groupes au sein du collectif. Je ne vais pas amener les choses de la même manière entre les expérimentés qui savent où ils vont et les jeunes avec qui le cadre sera plus important à créer pour les faire progresser [les groupes n’ont pas encore été communiqués par la FFS, NDLR].
A lire aussi
- Simon Fourcade et Jean-Pierre Amat débarquent à la tête de l’équipe de France masculine, Patrick Favre coach de tir des féminines
- « Les athlètes ont exprimé l’envie d’essayer de travailler avec Simon Fourcade », révèle Stéphane Bouthiaux
- « J’ai hâte de commencer à travailler avec eux » : Eric Perrot réagit à l’arrivée de Simon Fourcade et Jean-Pierre Amat comme coachs des Bleus
- Simon Fourcade, nouveau coach de l’équipe de France masculine : « Au charbon pour construire les futures victoires du biathlon français »
- Louis Deschamps adjoint de Cyril Burdet et Simon Fourcade jusqu’en 2026
- Vincent Vittoz sur Simon Fourcade, son successeur à la tête des Bleus : « Il a tout pour bien faire »
- Simon Fourcade donne des nouvelles d’Emilien Jacquelin : « Il repart avec énormément d’envie dès le début de la préparation »
Les cinq dernières infos
- Combiné nordique : deux côtes cassées pour Laurent Muhlethaler
- Biathlon : Anaïs Bescond se confie sur sa nouvelle vie dans le rôle de coach
- Biathlon | Retour sur neige : l’album photo de l’équipe de France féminine sur les skis de fond à Ramsau
- Biathlon | World Team Challenge : Ingrid Landmark Tandrevold et Sturla Holm Lægreid une nouvelle fois rivaux des Français Julia Simon et Fabien Claude
- Biathlon : Lisa Vittozzi élue athlète italienne de l’année par la FISI