Biathlon | Ski nordique : la Russie toujours isolée
Deux ans jour pour jour que l’armée de Vladimir Poutine attaquait l’Ukraine. Deux ans de guerre, deux ans de drames.
Le ski nordique a aussi été touché par ce conflit aux portes de l’Europe. Depuis février 2022, aucune athlète russe et biélorusse n’est autorisé à participer à des compétitions internationales, qu’il s’agisse du calendrier de la Fédération internationale de ski et de snowboard (FIS), de celui de l’IBU, de la Worldloppet ou de la Ski Classics.
C’est ainsi que les récents Mondiaux de biathlon à Nove Mesto (République tchèque) ou que l’étape de coupe du monde de ski de fond en Amérique du Nord se sont récemment déroulés sans Eduard Latypov ni Alexander Bolshunov. Pendant que les autres nations s’affrontaient sur la piste, ces derniers participaient à un événement qui se voulaient grandiose, un tournoi inauguré en grandes pompes par le ministre des Sports, organisé à Zlatooust (à 1 600 km à l’Est de Moscou) et baptisé Les Spartakiades. A en croire la chaîne de télévision Match TV, le public était nombreux à y supporter les athlètes engagés.
Vendredi, sur son site Internet, le comité olympique russe (ROC), suspendu par le Comité international olympique (CIO) le 12 octobre 2023, continuait à qualifier d’« illégales et discriminatoires » les recommandations du CIO selon lesquelles, notamment, « les athlètes possédant un passeport russe ou bélarusse ne peuvent concourir [à Paris et aux Jeux d’hiver en Italie] qu’en tant qu’athlètes individuels neutres. »
Au pays de Vladimir Poutine, qui va être réélu président lors de la prochaine élection prévue du 15 au 17 mars, il est difficile de ne pas adhérer à la guerre. Ne pas soutenir, c’est trahir. Plusieurs athlètes nordiques ont d’ailleurs contribué à la propagande du Kremlin, surtout les premiers mois. Le 10 février dernier, environ dix mille personnes participant à une course « non loin de Moscou » formaient la lettre Z sur la ligne de départ, synonyme de soutien aux soldats russes engagés en Ukraine.
Ukraine, des lueurs d’espoir pour les athlètes marqués par la guerre
Pendant ce temps, les sportifs de cette nation présidée par Volodymyr Zelensky continuent, eux, en revanche à prendre le départ des grandes épreuves à travers le monde. Ils ont le souci de réussir. Mais la guerre n’est jamais très loin.
Avant le relais mixte des récents championnats du monde de biathlon, Dmytro Pidruchnyi apprenait par exemple que l’un de ses proches avait été tué lors d’une attaque. « C’est toujours dur d’entendre que quelqu’un a perdu la vie à la guerre. C’est encore plus dur quand il s’agit de son ami », réagissait-il sur Instagram. « Les mots ne peuvent pas décrire la haine que je ressens envers les Russes et leur patrie », ajoutait celui qui, en 2022, a servi dans la Garde nationale pendant environ quatre mois avant de reprendre le chemin des stades.
Sa coéquipière aux origines biélorusses (ses parents vivent toujours dans ce pays enclavé d’Europe de l’Est), Daria Blashko, n’a pas oublié ce 24 février 2022, jour où le ciel s’est obscurci. A son retour des Jeux olympiques de Pékin (Chine), elle séjournait au centre d’entraînement de Tchernihiv, dans le nord du pays – comme les Français se rendent à Prémanon, dans le Jura – afin de préparer la prochaine étape de la coupe du monde à Kontiolahti (Finlande).
« Ce matin là, mon coach [Volodymyr Makhlayev, NDLR] est venu me voir et m’a dit qu’il ne comprenait pas ce qu’il se passait. Nous avons regardé sur Internet et il y avait déjà des informations officielles concernant des attaques à la roquette et une invasion. A ce moment-là, s’entraîner n’avait plus aucun sens. On a compris que c’était sérieux », raconte-t-elle cette semaine sur biathlon.com.ua. Elle se rappelle être alors allée retirer de l’argent afin de faire des provisions. Avec tous les autres, elle s’est ensuite installée au sous-sol. « Il faisait froid et humide », ajoute-t-elle. Elle a quitté le bâtiment la veille de sa destruction par les bombes. « C’était tout simplement effrayant et dangereux de rester là. »
La jeune femme n’a pas revu sa famille depuis deux ans. « Ils me manquent, bien sûr. J’aimerais les voir, mais la situation ne me le permet pas encore », regrette-t-elle. Elle a appris à ses dépens que, bien que sportive de haut niveau, elle n’évoluait pas dans une bulle à part. « Le sport est un outil politique utilisé pour influencer les opinions des gens. Par exemple, personne ne connaissait la Biélorussie jusqu’à ce que Darya Domrachova ne commence à remporter de nombreuses médailles », estime la biathlète.
Khrystyna Dmytrenko, huitième dans l’individuel des championnats du monde de biathlon de Nove Mesto, démontrait il y a quelques jours que l’Ukraine, skis aux pieds, pouvait prétendre au meilleur. Elle a aussi pris le départ de la mass-start. Avant elle, aucune compatriote depuis trois ans n’y était parvenue. Certains observateurs y ont vu « une lueur d’espoir et de résilience » en ces temps troublés. Comme l’ont été les onze médailles, dont deux en or, décrochées par l’Ukraine aux Mondiaux d’été de Slovaquie l’été dernier. Et quelques autres exploits.
Il faut donc regarder vers demain. En septembre dernier, le président de l’IBU, Olle Dahlin, s’est rendu en Ukraine. Il était allé à Bucha, où la perspective de construction d’un complexe sportif de biathlon a été discutée avec le maire de la ville, à Kiev pour une réunion avec une délégation du Comité national olympique ukrainien, puis à Tchernihiv pour visiter le d’entraînement complètement détruit. « Nous sommes prêts à fournir notre expertise et nos conseils dans la reconstruction et l’agrandissement des sites de biathlon en Ukraine et ferons tout notre possible pour les soutenir », s’est engagé Olle Dahlin.
Deux ans après le déclenchement de la guerre en Ukraine, on n’oublie pas enfin Yevgeny Malyshev, ex-biathlète, mort à l’âge de dix-neuf ans lors de la bataille de Kharkiv.
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