Lundi dernier, un nom est sorti du lot lors de la publication des équipes norvégiennes pour la saison prochaine. Sturla Holm Lægreid. Le biathlète né à Bærum il y a 23 ans n’a goûté à la coupe du monde que lors des deux dernières étapes du dernier exercice, ne sortant pas du top 15 et ne manquant qu’une seule balle. Dans cette interview exclusive donnée à Nordic Magazine, Lægreid nous dévoile le moment où il a appris cette excellente nouvelle. Il retrace également son ascension jusqu’au grand monde, ralentie par une vilaine maladie, et explique la relation nouée, en quelques jours, avec Siegfried Mazet, son nouveau coach de tir.
- À 23 ans, vous être sélectionné pour la première fois en équipe nationale élite de Norvège : vous y attendiez-vous ?
Si vous m’aviez dit il y a un an que je serais dans l’équipe d’élite pour la saison 2020/2021, j’aurais beaucoup rigolé et je ne vous aurais pas cru. Mais après mes bons résultats de Nove Mesto et Kontiolahti en coupe du monde, j’étais plein d’espoir. Pourtant, il y a beaucoup d’autres bons athlètes norvégiens qui méritent également une place dans cette équipe, donc rien n’était acquis. Quand j’ai reçu un appel de l’entraîneur de l’équipe élite Egil Kristiansen, j’étais extrêmement heureux et soulagé.
- Quand avez-vous appris cette bonne nouvelle ?
Je marchais dehors avec mes parents, ma copine et mon chien quand Egil m’a téléphoné. Il m’a informé de la bonne nouvelle et j’étais fou de joie. Faire partie de l’équipe nationale d’élite de Norvège, c’était un rêve d’enfant. Ce samedi [le 4 avril, ndlr.], mon rêve s’est réalisé. Comme ma sœur et mes parents étaient chez mois ce jour-là, j’ai pu immédiatement leur annoncer.
« J’ai tiré 22 000 balles entre avril et décembre 2019… »
- Après des très bons Mondiaux juniors en 2018 à Otepää (Estonie), vous disparaissez du circuit l’hiver 2018/2019 : quelle était votre maladie ?
Immédiatement après la saison, on m’a diagnostiqué une mononucléose. En raison de la maladie, je ne me suis pas entraîné d’avril à début décembre. Ma saison 2018/2019 s’est donc surtout résumée à reprendre des forces. Et en fin de saison, j’ai réussi à retrouver la compétition sur des courses nationales.
- Vous êtes donc passé par des moments compliqués…
Cela a été très long entre le moment où j’ai appris que j’avais une mononucléose et aujourd’hui… Si je ne pouvais pas m’entraîner physiquement, j’étais encore capable de tirer. J’ai lâché 22 000 balles entre avril et décembre, ce qui m’a permis de m’améliorer énormément. L’automne dernier, j’ai senti que j’avais un meilleur physique qu’avant ma maladie.
- Et vous débutez l’hiver 2019/2020 par une victoire en IBU Cup…
En février, après un excellent sprint [il termine 17e à Martell, en Italie, ndlr.], j’ai pris conscience que je pouvais viser plus haut. Il y avait de l’espoir. Je pensais qu’il me faudrait encore quelques mois avant de pouvoir l’emporter en IBU Cup. Et là, à ma grande surprise, je remporte, le lendemain, la mass start à 60 et je me qualifie pour les championnats d’Europe de Minsk, où je me suis encore une fois surpris en remportant l’argent lors de la poursuite.
« Cette première en coupe du monde, c’était du bonus »
- Après cet Euro biélorusse, vous êtes sélectionné pour les coupes du monde de Nove Mesto (République Tchèque) et Kontiolahti (Finlande) : racontez-nous ses premiers pas dans le grand monde du biathlon…
Après Minsk, j’étais réserviste pour la coupe du monde de Nove Mesto. Heureusement pour moi, Erlend Bjoentegaard a décidé de ne pas disputer le sprint. Pour moi, cette première en coupe du monde, ce n’était que du bonus. Ce n’est pas pour autant que je n’allais pas tout donner. Mon objectif était seulement de skier le plus vite possible et de bien tirer. Ma course s’est très bien déroulée : je termine treizième puis quinzième le lendemain lors de la poursuite. Grâce à cela, je me suis qualifié pour Kontiolahti, où j’accroche mon premier top 10 lors du sprint.
- Vous n’avez pas disputé beaucoup de courses internationales cette année (seulement onze) : pourquoi ?
Mes premières courses internationales cette saison ont eu lieu au début du mois de février à Martell, en Italie. Avant cela, je courais en coupe de Norvège dans le but de me qualifier pour l’IBU Cup. J’ai été réserviste pour à plusieurs reprises en décembre et janvier, mais je n’en ai jamais eu l’occasion de skier parce que je n’avais qu’environ 80% de réussite derrière la carabine.
« Je suis toujours étonné par mon tir »
- Qu’avez-vous fait pour remédier à cela ?
Début janvier, j’ai décidé de passer à l’action. J’ai travaillé avec un entraîneur mental pour améliorer mon niveau de tir en compétition. Parce qu’à l’entraînement, ça se passait bien avec jusqu’à 95% de réussite. Dès le mois de février, c’était prometteur, et après avoir deux courses réussies en coupe de Norvège, j’ai finalement eu la chance de courir en IBU Cup.
- Revenons à la coupe du monde : vous ne sortez pas du top 15 en quatre courses… Vous êtes-vous surpris ?
Bien sûr ! Je ne savais pas que j’avais un si bon niveau et que j’étais capable de répéter de tels efforts quatre fois de suite. Comme je n’avais jamais eu la chance de courir en coupe du monde, je ne pouvais pas me comparer aux athlètes du circuit, et en particulier aux grands noms comme Martin Fourcade et Johannes Thingnes Boe. Je dois dire que je suis très fier de mes résultats en coupe du monde. Je suis toujours un peu étonné de la façon dont j’ai réussi à bien faire, en particulier au tir.
« J’ai beaucoup appris de Siegfried »
- Vous venez de le dire : vous n’avez manqué qu’une seule balle en quatre courses de coupe du monde ! Quelle est votre relation avec Siegfried Mazet, le coach de tir du groupe élite ?
Mon tir en coupe du monde était magique ! Je n’avais jamais tiré aussi bien en compétition. Quand j’y repense, je n’y crois toujours pas. Je pense que Siegfried a joué un grand rôle là-dedans. J’ai travaillé avec lui pour la première fois deux jours seulement avant le sprint de Nove Mesto. Il m’a précisé sur quels éléments je devais ou non me concentrer lors d’entraînements qui étaient vraiment très bons. Ils sont construits de manière à nous préparer aux courses. Mais le plus important, c’est que c’est une personne très gentille avec qui il est facile de parler. J’ai beaucoup discuté avec lui, et j’ai beaucoup appris.
- En dehors du biathlon, vous êtes un étudiant brillant : comment allez-vous gérer le biathlon et les études l’année prochaine ?
J’étudie effectivement l’ingénierie des énergies renouvelables à l’Université norvégienne des sciences et de la technologie. J’y consacre 50% de mon temps. J’espère continuer comme cela l’année prochaine, mais cela dépendra de beaucoup de facteurs… Le biathlon est ma principale préoccupation et, si mes études deviennent un obstacle à ma formation et à mon développement, je les mettrai en suspens. Je peux toujours étudier plus tard dans la vie, mais je n’ai qu’une chance de devenir un grand biathlète !
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Photos : Nordic Focus.