Biathlon | Un an jour pour jour après le début de ses ennuis physiques, Anaëlle Bondoux se confie à Nordic Magazine : « C’est long et c’est un combat quotidien pour retrouver la santé »

Biathlon : Anaëlle Bondoux invitée de Nordic Magazine

Tout au long de la préparation estivale, les nouvelles concernant la Dauphinoise Anaëlle Bondoux, 21 ans, étaient rares. Si l’on savait, via le staff de l’équipe de France, qu’elle souffrait de « douleurs récurrentes au niveau des genoux », la championne d’Europe juniors en titre du sprint ne souhaitait pas voir s’ébruiter la nouvelle.

C’est en ce début de mois d’octobre que la biathlète du GUC Grenoble Ski membre du groupe fédéral B s’est sentie prête à s’exprimer, contactant pour cela Nordic Magazine.

Il en ressort une longue interview lors duquel la lauréate de quatre petits globes de cristal Junior Cup et IBU Cup se confie sur ses galères. Entamées il y a très exactement un an par une chute survenue en ski-roues, elles ne sont pas encore derrière elle puisque c’est un hiver blanc que pourrait connaître Anaëlle Bondoux. Entretien.

• Tout d’abord, comment allez-vous ?

Forcément, il y a des jours où ça va bien et d’autres moins bien parce que c’est propre aux périodes de blessure. Il y a des jours douloureux où on se dit que ça va être très long et d’autres où ça va très bien et où on a plus d’espoir. Le moral s’adapte aux douleurs liées à la blessure. De manière générale, en ce moment, le moral est bon et il y a pas mal de progression au niveau de la blessure.

• On a eu très peu de nouvelles de vous depuis la fin de la saison dernière. Vous avez notamment était absente des réseaux sociaux. Pouvez-vous expliquer ce qu’il vous est arrivé ?

Tout d’abord, la fin de saison dernière a été prématurée pour moi après les championnats du monde juniors. Cela a été un hiver éreintant physiquement. De loin, si on ne regarde que les résultats, on peut presque se dire que le bilan n’est pas si mauvais, même s’il y a peu de courses avec un titre de championne d’Europe juniors et une médaille d’argent mondiale juniors. La réalité, c’est que ça a été une saison qui a été vraiment très difficile physiquement et mentalement. Elle a été marquée par des maladies à répétition… Il y a aussi eu cette blessure au pouce juste avant les Mondiaux juniors où il a fallu se battre pendant trois semaines pour essayer de garder un niveau physique convenable avec une main en moins. Cela a été la saison la plus dure pour moi jusqu’à maintenant et je l’ai terminée très usée.

• Qu’avez-vous fait après cette fin de saison prématurée ?

J’ai fait une coupure complète avec le monde du ski jusqu’à la fin du mois d’avril. Je pensais que ça m’apporterait énormément, mais je me suis rendue compte qu’il restait de la fatigue physique à la fin de cette période. Cela a aussi été un moment durant lequel je me suis beaucoup questionnée sur cette saison et l’avenir. Les mois derniers ont été assez compliqués.

• Depuis le début de la préparation estivale, vous avez été très peu présente sur les stages de l’équipe de France B. Pourquoi ?

En mai, j’ai repris comme habituellement et, au bout de quelques semaines, j’ai eu des gênes au niveau des genoux qui n’ont fait que s’intensifier malgré une prise en charge très rapide avec les kinés et un allégement de l’entraînement. Les douleurs n’ont fait que croître jusqu’en août. C’était vraiment très difficile. A certains moments, je pouvais à peine me déplacer sur 500 mètres à pied sans avoir mal. J’ai été au premier stage au mois de mai, mais c’était déjà très adapté avec peu de ski-roues. C’était compliqué pour moi d’être en décalage avec le groupe dès le début de saison. J’ai ensuite fait un passage sur le deuxième stage, mais j’ai dû le quitter dès le troisième jour pour un rendez-vous concernant des infiltrations. Après cela, on a décidé avec les entraîneurs de basculer sur une préparation complètement différente parce qu’on s’est rendus compte que je ne pouvais pas tenir le rythme avec la blessure.

• En août, vous étiez à Bessans (Savoie) avec vos coéquipières à l’occasion d’un stage. C’était important pour vous de garder le contact avec le groupe ?

Je suis effectivement passée quelques jours à Bessans pour voir mes entraîneurs Baptiste [Desthieux] et Julien [Robert] ainsi que l’équipe. Ne pas pouvoir profiter du groupe, c’est compliqué en période de blessure. Ce sont des gens que j’apprécie et avec qui j’aime passer du temps. C’est assez violent à vivre d’être éloignée de cette seconde famille. Après ce stage de Bessans, je ne suis pas retournée sur d’autres stages. Je prévois d’aller sur le Summer Tour de La Féclaz, peut-être le samedi, parce que j’ai besoin de voir le groupe et mes entraîneurs.

• Ce jeudi 9 octobre, cela fait un an jour pour jour que vous avez chuté en ski-roues lors d’une séance d’entraînement, étant victime d’une commotion cérébrale. Cet événement est-il le point de départ de vos ennuis physiques ?

Cela fait effectivement un an jour pour jour que j’ai chuté en ski-roues en descente à cause d’une perte de roue. C’était très violent parce que je suis tombée à 40 km/h ! Depuis cette chute, je n’ai jamais retrouvé des sensations comme avant. J’ai eu une commotion cérébrale qui n’a pas été diagnostiquée et, donc, traitée de la bonne manière rapidement. Derrière, j’ai eu un mois avec des douleurs à la tête et des nausées. Après cela, j’ai connu un hiver marqué par des douleurs et la maladie. Pour moi, c’est clairement un des éléments déclencheurs de cette période sombre. Une commotion cérébrale, ça peut vraiment avoir des répercussion très importantes. Tout cela est arrivé sur un corps fatigué des dernières saisons et de plusieurs préparations très intensives. Je me rends compte que ça fait un an que je galère. C’est long et c’est un combat quotidien pour retrouver la santé.

• En ce début d’automne, du 8 septembre au 4 octobre vous vous êtes rendue au Centre Jacques Calvé de Berck, dans le Nord. Comment cela s’est-il déroulé ?

Le médecin de la Fédération française de ski m’a conseillé un séjour dans un centre de rééducation qui se trouve à Berck, dans le Nord de la France, à l’opposée de chez moi ! Ce mois passé là-bas a été très positif. J’ai eu une prise en charge complète avec des séances de kiné deux fois par jour, du renforcement musculaire, de la natation, de la balnéothérapie… et même du surf les week-ends ! Ce séjour a été très important pour moi parce qu’il a permis d’inverser la tendance. Avant de partir, je n’avais eu aucune évolution en plus de quatre mois avec des douleurs qui changeaient mais restaient à la même intensité. Je n’en voyais pas le bout malgré trois infiltrations dans chaque genou et toutes sortes de traitements essayés. J’ai fait beaucoup de progrès durant ce mois passé à Berck. J’ai repris espoir et confiance dans le processus de guérison. Cela m’a fait aussi beaucoup de bien de partir aussi loin, dans un environnement différent. C’était important pour soigner le mental d’avoir cette nette coupure. Je l’ai pris comme une retraite spirituelle parce que j’étais souvent seule et j’ai pris du temps pour réfléchir à mon avenir et mes ambitions.

• Quel est votre horizon concernant une reprise du biathlon à haut niveau ?

Pour le moment, je n’ai pas d’objectif de sélection ou de course. C’est beaucoup trop tôt. Là, ça fait six mois que je suis blessée et un an que c’est très compliqué. Je n’ai pas envie de revenir trop vite à la compétition. Mon but est de ne plus avoir de douleurs puis d’être réathlétisée et réentraînée. Tout cela ne se fait pas en deux mois d’ici décembre. Cela prend du temps. Avec les coachs, on a très peu de visibilité sur l’évolution de mes douleurs donc on ne peut pas se projeter sur une date précise. Il ne faut pas courir après le temps en faisant les choses trop rapidement. On pense à l’avenir. J’aimerais bien pouvoir remonter sur les skis à Bessans pour de l’entraînement et pourquoi pas remettre un dossard en fin de saison. Finalement, je me remets en jambe pour les saisons prochaines.

• Dans cette situation, la patience est-elle le maître-mot ?

C’est sûr que ça a été très compliqué à accepter, mais la patience est vraiment le maître-mot. Je dois garder confiance dans le processus. C’est une période qui a donc mis ma patience et ma résilience à rude épreuve, mais elle m’a permis de comprendre que le fonctionnement que j’avais ces dernières années n’était pas forcément le meilleur. La priorité est d’être en bonne santé pour pouvoir durer dans le sport et ne pas revenir le plus vite possible en compromettant les belles années à venir.

• Concrètement, qu’êtes-vous en capacité de faire actuellement ?

Même si je fais pas du tout un entraînement ordinaire, mes journées sont bien remplies ! Tous les jours, j’ai des séances de rééducation en kiné ainsi que du renforcement musculaire pour construire un corps athlétique qui va me soutenir et être solide pour la reprise de l’entraînement. Je fais un petit peu de vélo, mais c’est limité parce que j’ai des douleurs. Ce que je fais pas mal, par contre, c’est la natation ! Avant, je nageais très mal et, maintenant, je nage beaucoup mieux et j’y prends beaucoup plus de plaisir. C’est quelque chose qui est devenu habituel pour moi maintenant, j’y vais au moins trois fois par semaine. Je pense que ça peut beaucoup m’apporter, notamment sur l’aspect de la respiration.

• Avez-vous continué le tir depuis le début de vos soucis de santé ?

Je n’ai jamais arrêté le tir durant cette période. J’ai tenu à maintenir au moins deux entraînements de tir au repos par semaine, à part, évidemment, quand j’étais à Berck. Je crois que c’est important de garder cette continuité au tir et d’en profiter pour faire des progrès de ce côté-là.

• Plus généralement, enfin, comment vivez-vous cette épreuve ralentissant votre progression ?

Comme je l’ai déjà dit, cette blessure est une véritable épreuve. C’est un ralentissement à court terme et momentané, mais je ne pense pas que ce soit un ralentissement pour ma carrière. Cela ne peut que me rendre meilleure. J’ai beaucoup appris de cette année écoulée, notamment sur mon fonctionnement personnel. J’ai fait beaucoup d’erreurs que je ne referai plus. Pour en avoir discuté avec des personnes qui m’ont observée ces dernières années, je pense que c’était quelque chose de nécessaire.

• Pourquoi dites-vous cela ?

J’étais dans un fonctionnement nocif et dans une spirale plutôt négative. Je suis quelqu’un qui s’entraîne énormément. Je suis aussi très perfectionniste et dure avec moi-même. Je me suis très peu écoutée ces dernières années donc ça va m’apprendre à mieux m’écouter dans mon entraînement. Cela ne peut qu’être positif pour la suite. Je me suis remise en question et j’ai maintenant une vision beaucoup plus claire de ce que je veux faire et comment je veux le faire, surtout. Il n’y a pas que du négatif. Il faut toujours essayer de voir le côté positif des choses pour pouvoir vivre un quotidien le plus heureux possible. Cette période n’est pas terminée. Je n’ai aucune idée de quand je vais revenir, mais j’ai toujours été très soutenue par le staff médical et mes coachs qui restent très présents pour moi dans cette période.

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