BIATHLON – Alors que les championnats du monde de biathlon de Pokljuka (Slovénie/10-21 février) ouvriront leurs portes dans trois jours, Nordic Magazine a questionné Yvon Mougel, le pionnier médaillé il y a quarante ans à Lahti (Finlande), sur les forces françaises.
Biathlon : « On peut mettre Jacquelin et Fillon-Maillet en avant dans le clan français »
Le 14 février 1981, le Vosgien Yvon Mougel entrait dans l’histoire du biathlon en remportant la première médaille mondiale française sur le site de Lahti, en Finlande. Elle était de bronze lors du sprint. Ce dimanche, il a interrompu quelques minutes une marche familiale en montagne pour livrer son avis sur le contingent français à l’approche des Mondiaux de Pokljuka (Slovénie/10-21 février). « Je veux bien parler de ce qui m’a passionné toute ma vie même si je suis un peu has been maintenant », nous lance-t-il malicieusement d’entrée. Entretien.
- Qui voyez-vous briller lors des championnats du monde de Pokljuka (Slovénie/10-21 février) pour la France ?
Tous les biathlètes sélectionnés peuvent faire une médaille. Maintenant, on peut mettre plus en avant, après le début de saison, Quentin Fillon-Maillet et Emilien Jacquelin. Ils sont certainement mieux placés qu’Antonin Guigonnat et Simon Desthieux. Tellement de paramètres entrent en ligne de compte en biathlon qu’on peut avoir des surprises : Fabien Claude peut aussi bien être champion du monde que terminer cinquantième.
- On s’avance vers les championnats du monde dans l’inconnue, tout peut se passer en Slovénie…
Je ne connais pas exactement dans les détails leur préparation, ni celle des autres nations. Ça va être une vraie inconnue, ce qui fait tout le charme du biathlon. La théorie existe sur le papier, mais c’est différent sur le terrain. On se rappelle Vincent Jay aux Jeux olympiques de Vancouver 2010, qui part dans les premiers sur le sprint et qui gagne, avantagé par les conditions météorologiques. C’est un tout qui fera qu’un biathlète sera sacré. Tout dépendra du contexte de course.
« Si on est concentré sur la technique et la façon de faire, le résultat est automatiquement meilleur »
- Quel élément va faire la différence entre les biathlètes ?
Je pense que le psychologique va faire la différence. Si on fait du biathlon sans la notion de résultat, beaucoup de coureurs sont capables de faire des sans-faute. C’est à l’instant où l’enjeu du résultat apparaît, que les choses bougent.
- Qu’est-ce qui peut faire la force d’Emilien Jacquelin sur ces Mondiaux ?
Il aime bien la confrontation. Sa force, c’est qu’il aime bien l’adversité : il va forcément être meilleur sur la poursuite et la mass-start qu’en sprint et individuel. Les épreuves individuelles, ce sont des vrais contre-la-montre, on est tout seul, c’est plus long. La pénalité est plus chère et les coureurs ne se comportent pas de la même façon.
- Et pour Quentin Fillon-Maillet ?
Je pense que ça se joue dans la tête, notamment par rapport à ses ambitions. En début de saison, je me demande si son objectif du général n’était pas un handicap pour lui. Si on se met un objectif bien précis de résultat, c’est beaucoup plus compliqué parce qu’on reste focalisé sur le résultat. Si on ne s’en approche pas en cours de compétition, on gamberge beaucoup dans la tête. Si on est concentré sur la technique et la façon de faire, le résultat est automatiquement meilleur.
« Une quinzaine de biathlètes, voire plus, peuvent gagner selon les conditions ! »
- Fabien Claude, comme vous l’avez dit, pourrait aussi tirer son épingle du jeu…
Je le connais un peu, je l’ai vu évoluer quand il était plus jeune. C’est un gars qui est doué mais sa faiblesse c’est qu’il s’emballe parfois un petit peu. Maintenant, il sait aussi faire et l’a montré en début de saison. Mais ça reste ouvert pour lui, c’est ce qui fait tout l’intérêt : une quinzaine de biathlètes, voire plus, peuvent gagner selon les conditions !
- Concernant les relais, la France a également de fortes chances de médailles !
Ça va être une grosse bagarre parce que les Norvégiens, mêmes s’ils sont les quatre en tête du général avec la meilleure équipe sur le papier, vont avoir beaucoup de pression. On peut les mettre favoris mais les Français, qui ont gagné à Oberhof, vont leur livrer une belle bagarre ! Ce sera peut-être un peu plus compliqué pour les filles.
- Mercredi, les Mondiaux s’ouvrent par un relais mixte qui risque également d’être ouvert…
La première course déclenche une dynamique, ou pas, pour toute l’équipe. S’il y a une médaille d’entrée, ça lance les Mondiaux. Mais si ça se passe mal avec un fartage un petit peu délicat, ça remet un peu tout en question. Du point de vue psychologique, c’est toujours moins bon de courir après le résultat.
« Anaïs Chevalier a le potentiel pour faire une médaille »
- Que pensez-vous de l’équipe féminine française ?
Elle est un peu moins performante que l’équipe des garçons mais Anaïs Chevalier a le potentiel pour faire une médaille voire gagner. Mais elle peut aussi très bien faire quatre fois huitième. Pour moi, c’est le meilleur potentiel. Anaïs Bescond peut aussi tirer son épingle du jeu si les conditions lui sont favorables avec une neige un peu plus glissante. Elle a l’expérience pour elle, pour faire une course à la Baverel !
- Globalement, le tir sera un élément déterminant de la réussite ou non des Mondiaux pour les tricolores…
Le tir fait toujours la différence parce que, pour réussir, il faut faire le tir parfait rapidement. Tout le monde est sur le fil du rasoir et certains passent à côté. Quand Emilien enfile ses cinq balles à toute vitesse, c’est impressionnant. Seulement, de cette façon de faire-là, il n’a pas 100% de réussite mais je ne sais pas si ce sera possible un jour [rire]. Dans tous les cas, il y aura de la belle bagarre !
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Photos : Nordic Magazine et Nordic Focus.