Après une semaine de compétition, les sports nordiques ont plutôt souri aux représentants français. Si Martin Fourcade règne sans partage sur le biathlon mondial avec déjà 2 médailles d’or conquises en 3 courses, les fondeurs ont eu la brillante idée de s’inviter sur le podium lors du relais après une bonne première semaine pendant que Coline Mattel écrivait la légende du saut à ski.
La règle voudrait que l’on réserve au seigneur tous les honneurs qui lui sont dus. Personne ne manquera de tresser à Martin Fourcade les louanges que son parcours olympique à Sochi mérite mais pour ce bilan à la moitié de la quinzaine olympique, faisons preuve de galanterie et laissons les premières lignes à Coline Mattel et aux filles du saut à ski qui faisait leur première apparition dans le décor olympique.
Mattel bronze au soleil
En effet, le véritable rendez-vous de cette première semaine olympique n’était pas sur le pas de tir ou le long d’une piste de ski de fond mais bien en contrebas d’un sautoir où une poignée d’illuminées allaient atterrir après avoir fendu le ciel de Sochi et concrétiser le rêve imaginé par leurs glorieuses aînées d’obtenir le droit légitime d’appartenir à la grande famille olympique au même titre que leurs homologues masculins. Ce mardi 11 février 2014 allait entrer dans l’histoire comme le jour qui mettrait un terme à 90 ans d’injustice et d’inégalité. Un jour historique que Coline Mattel comptait bien marquer de son empreinte avec ses copines Julia Clair et Léa Lemare.
Du haut de ses 18 ans, la sauteuse des Contamines savait l’importance de l’événement et sa valeur : une place dans l’histoire et la légende de son sport. Un rendez-vous qu’elle ne pouvait et n’allait pas manquer. Figure de proue du saut tricolore, la jeune fille ne faillissait pas à l’heure de s’élancer du Russki Gorki de Sochi. Son premier saut était magnifique, le second plus emprunté mais qu’importe. En bas dans l’aire d’arrivée, le cri de joie à l’annonce de son classement était limpide et résonnait dans l’éternité. Coline Mattel, son mètre soixante-cinq et son visage juvénile venait de se graver en bronze dans la légende des Jeux olympiques (Vogt prenait l’or et Iraschko-Stolz l’argent, ndlr). Ses copines étaient loin au classement mais venaient de participer à un moment d’histoire rare.
Outre ses dames, le saut tricolore comptait également dans ses rangs un homme. Un jeune homme au nom célèbre mais au prénom encore inconnu du grand public. A 20 ans, Ronan Lamy-Chappuis (le cousin de Jason, ndlr) n’était pas venu à Sochi pour briller, simplement pour emmagasiner de l’expérience et apprendre les Jeux olympiques. Qualifié à chaque fois pour la seconde manche, sur le petit et le grand tremplin, il échouait aux portes des deux finales (remportées par le Polonais Kamil Stoch). Pas si mal pour un gamin qui vit sa première saison parmi l’élite mondiale et entend être prêt en vue de l’échéance 2018 du côté de Pyeongchang.
Porte drapeau en berne
Dans la famille Lamy-Chappuis, Jason était bien plus attendu que le sauteur Ronan. Porte drapeau lors de la cérémonie d’ouverture, le champion olympique du combiné nordique sur le petit tremplin était attendu, mercredi, pour la défense de son titre conquis de haute lutte à Vancouver au terme d’un sprint épique avec l’Américain Spillane. Cette fois, l’ennemi avait un visage celui de l’Allemand Eric Frenzel. Si le leader de la coupe du monde sortait le grand jeu, ce n’était pas le cas du tricolore. Pas trop mal à l’issue du saut, le triple champion du monde 2013 perdait pied sur les skis. Pas de sensations, pas de glisses, pas de jambes. Un jour sans tout simplement. Un trou noir pour les 4 représentants bleus qui acceptaient leur échec, reconnaissaient leurs fautes avant de se tourner vers la semaine prochaine et ce grand tremplin.
La vie d’un champion est faite de hauts et de bas, il faut l’accepter et se relever. Jamais Jason Lamy Chappuis n’a failli en grand championnat. Mardi est un autre jour, celui de la renaissance ?
Au fond se cache le bonheur
Non loin de là, les fondeurs tricolores n’ont pas connu les soucis qui doivent embrumer l’esprit des hommes du combiné. Loin s’en faut. Tout commençait par un week-end de skiathlon rempli d’espoir. D’abord, les filles emmenées par Aurore Jean réalisaient un beau tir groupé. Dix-neuvième, Jean devançait la toute jeune Célia Aymonier, 21e de sa première course olympique, et Coraline Hugue (22e). Le lendemain, c’était au tour des hommes de se distinguer et de laisser augurer le meilleur avec une 6e place pour Jean-Marc Gaillard et une 8e pour Maurice Manificat dans une course dominée par le Suisse Dario Cologna. Des promesses qui allaient toutefois tarder à se concrétiser.
En sprint, Aurore Jean était la seule à vraiment se distinguer en se qualifiant pour les demi-finales d’une discipline écrasée par les Norvégiennes Maiken Caspersen Falla et Ingvild Flugstadt Oestberg. Chez les garçons, personne, de Cyril Miranda, Cyril Gaillard ou Renaud Jay, ne parvenait à s’extirper des quarts de finale pour contester la suprématie norvégienne d’Ola Vigen Hattestadt.
Les 10 et 15 km classique programmés en fin de semaine n’étaient guère plus concluants Jean s’effondrant physiquement à la 29e place derrière Aymonier (27e) et Jean-Marc Gaillard sortant du Top 20 (21e) quand le champion du monde de poursuite espoir Adrien Backscheider montrait, à 23 ans, de belles dispositions malgré un physique un peu tendre. Le grand frisson était prévu pour le week-end. Samedi, le quatuor Jean-Aymonier-Faivre-Picon-Hugue se dépouillait pour aller taquiner les meilleures mondiales et surtout se payer le luxe de devancer la Norvège au pied du podium (4e). La naissance d’une belle équipe et une inspiration pour les garçons. Un jour plus tard, ces messieurs (Gaillard, Manificat, Duvillard et Perrillat-Boiteux) s’autorisaient à faire un peu d’ombre à leurs homologues féminines. Quatrièmes à Turin et Vancouver, les Français réalisaient l’impensable et s’invitaient sur le podium au prix d’une course brillante de courage, d’intelligence et de sacrifices. La première breloque du fond tricolore depuis Roddy Darragon en 2006 (argent en sprint, ndlr) et un bronze pour l’histoire, encore un. Du côté des meilleurs, la Norvège intraitable les premiers jours a faibli et a dû partager les lauriers avec la Suède (3 médailles d’or contre 2) quand Cologna imposait sa loi (2 titres).
Mon seigneur Martin Fourcade
Comment ne pas garder le meilleur pour la fin, ce biathlon qui a encore embelli le pâle tableau des médailles et des émotions de l’équipe de France. D’abord vinrent les critiques et les doutes après qu’Anaïs Bescond ait manqué d’un rien le podium en sprint (5e) tout comme le « messie » Martin Fourcade (6e), d’une course où le légendaire Ole Einar Bjorndalen s’était rappelé aux bons souvenirs de tous, en égalant Bjorn Daelhie avec une 12e médaille olympique, la 7e en or (record). Ensuite, vinrent les louanges, celles qui ne pouvaient que revenir au meilleur biathlète du monde depuis 3 ans. Imperméable, le Pyrénéen remettait les pendules à l’heure lors de la poursuite. Impérial sur les skis, il époussetait la concurrence pour enfin s’emparer de cet or olympique et retrouver son pote d’enfance Jean-Guillaume Béatrix sur le podium à une étonnante troisième place. Mais le cadet de la fratrie est insatiable et recommençait deux jours plus tard sur l’individuel dans une course écrasée par sa classe et son étincelante forme. Tout le monde pouvait courber l’échine, mon seigneur Martin Fourcade venait d’annexer Sochi et les Jeux olympiques à son royaume et toute résistance était vaine. Sa campagne de Russie n’en est toutefois qu’à ses débuts puisque quatre nouvelles étapes dont 2 en relais l’attendent.
Chez les filles, la réussite n’est pas la même. Révélation de l’hiver, Anaïs Bescond multipliait les places d’honneur. Deux fois cinquième (sprint et individuel), une fois douzième (poursuite), la Normando-jurassienne a tourné autour. Le temps des récompenses sonnera bien assez tôt et peut-être dès la semaine prochaine avec les relais voire la mass start.
Avec 5 médailles sur les 6 décrochées par la France, les sports nordiques ont illuminé la première semaine olympique du sport tricolore. Un phare et des étoiles qui espèrent bien continuer à briller pendant les jours à venir.
Photos – Agence Zoom