COMBINE NORDIQUE – Maxime Laheurte et François Braud ont mis un terme à leur carrière internationale à Schonach, lors de la dernière coupe du monde. Pour Nordic Magazine, ils portent un regard croisé sur leur carrière.
Ils ont été, depuis près d’une décennie de toutes les campagnes de l’équipe de France de combiné nordique. Le Vosgien Maxime Laheurte et le Chamoniard François Braud raccrochent les skis après avoir fait partie de la génération dorée, championne du monde par équipes en 2013… Pour Nordic Magazine, ils se confient dans un entretien sincère.
- François Braud, Maxime Laheurte, vous avez disputé à Schonach la dernière épreuve internationale de votre longue carrière. Au delà de la course, comment avez-vous vécu cette dernière journée de coupe du monde ?
Maxime Laheurte : Je n’avais plus les armes pour lutter pour un résultat ce week-end là. Alors l’idée c’était d’emmagasiner un max de souvenirs, de profiter de chaque instant sans pression. Prendre une douche de champagne au milieu de la course restera un sacré souvenir !
François Braud : Mouillé et un peu frustré de ne pas avoir pu sauter car trop de vent. Sinon je me suis donné à fond jusqu’à la ligne d’arrivée, mais le matin en me levant je me disais cette fois c’est le dernier stress, c’est le dernier échauffement… J’ai savouré chacun de mes faits et gestes.
- Cette saison fut délicate autant sportivement qu’humainement avec des changements dans le staff tricolore. Rêviez-vous d’un scénario pour votre dernière année ?
François Braud : C’est sur que je rêvais d’une autre saison en termes de résultats et d’ambiance. J’aurais aimé montrer mon meilleur niveau sur certaines coupes du monde. Mais je n’ai retrouvé cela que sur la fin de saison, donc je pars quant même sur des notes positives et sur l’ambiance de groupe retrouvée.
Maxime Laheurte : Bien sûr qu’une fin de carrière en apothéose doit avoir une autre saveur. Malgré tout je n’ai aucun regret, je me suis battu à chaque instant. Rien n’a fonctionné en début de saison, il a fallu réagir en vue des mondiaux mais on ne rattrape pas le temps si facilement.
- La question est compliquée mais quels meilleurs et pires souvenirs garderez-vous de cette dizaine d’années en équipe de France de combiné nordique ?
Maxime Laheurte : Mon souvenir le plus douloureux est sans doute notre quatrième place à Vancouver en 2010. Je n’étais pas préparé à vivre ça et j’ai très mal géré la situation émotionnelle. Mon meilleur souvenir est aussi collectif avec le titre en 2013…pas besoin d’être préparé à ça !
François Braud : Mon pire souvenir, c’est mon saut de 36 m réalisé a Chaux neuve en 2015, comme dans un cauchemar, où je n’ai pas pu me déplier au bout du tremplin et le pire devant mes supporters, je ne savais plus ou me cacher.
Mon meilleur restera ma, notre première médaille mondial, le titre par équipe à Val di Fiemme en 2013, une émotion qui me met encore les frissons
- Vous avez connu la joie du titre mondial par équipes en 2013 (+ 2015 pour François associé à Jason Lamy Chappuis), mais les Jeux olympiques se sont toujours refusés au collectif français. Comment, avec le recul, analysez-vous cet « échec » ?
Maxime Laheurte : Je ne sais pas. Je pense que souvent nous n’avons pas su nous libérer de l’enjeu. Je parle pour les athlètes mais aussi pour l’encadrement. C’est vraiment spécial à gérer.
François Braud : Oui les JO nous ont toujours échappé, collectivement et individuellement, mise a part Jez en 2010. Il y a eu je pense quelques erreurs sur la préparation, des fois sur le matériel, combinaison de saut, fartage… mais sinon c’est juste que les JO ne voulaient pas de nous 😉
La vie de sportif de haut niveau est pleine de surprises
- Au-delà de vos palmarès respectifs, quelles valeurs humaines garderez-vous de votre vie de sportif de haut-niveau ?
Maxime Laheurte : C’est sûr que le palmarès compte à la fin d’une carrière mais ce qu’il en ressort avant tout c’est la manière dont on a évolué en tant que personne. La vie de sportif de haut niveau est pleine de surprises, de rencontres, de succès et surtout d’échecs. Il faut se servir de tout ça pour grandir chaque jour. Il faut être audacieux mais surtout très humble car rien n’est jamais acquis.
François Braud : Je n’en garderai que des moments incroyables, ce sport m’a tout appris, m’a fait grandir, depuis tout petit nous partons dans le monde entier, et ce que nous partageons avec l’équipe crée des liens tellement forts que nous apprenons énormément en partageant entre nous. C’est un petit sport, et les valeurs telles que le respect, la cohésion, le partage, sont indispensables.
- Qu’avez-vous le sentiment de laisser à la génération des Antoine Gérard, Laurent Muhlethaler ou Edgar Vallet qui composeront, dès la saison prochaine, le noyau de l’équipe de France ?
François Braud : des places en coupe du mondes ! Non je rigole… Malgré le fait que nous soyons une petite nation, nous avons prouvé qu’on a pu être les meilleurs du monde. On a réussi de très belles choses et démontré qu’il ne faut pas se fixer de limites.
Maxime Laheurte : J’ai essayé ces derniers mois de transmettre un peu plus mon expérience, d’être rigoureux et de me battre dans les moments difficiles. J’ai essayé de leur montrer qu’il faut être impliqué chaque jour à 100% pour que cela fonctionne.
Les personnes qui travaillent pour le combiné en France sont ultra motivées
- Comment imaginez-vous le combiné nordique de ces prochaines années et en particulier en France ?
Maxime Laheurte : Je ne fais pas trop de soucis car je pense que cela peut aller très vite. On sait qu’à 20 ans on peut être déjà très performant en coupe du monde. Nous avons des Mael Tyrode, Matéo Baud, Lilian Vaxelaire, Edgar Vallet, Théo Rochat et d’autres qui peuvent exposer à tout moment. Maintenant il faut vraiment y croire et je pense que Jérome, Etienne et les autres entraineurs ont cette ambition.
François Braud : C’est sûr qu’avant d’avoir une équipe qui jouera des médailles il faudra attendre quelques temps, mais que ce soit Antoine Gérard, Laurent Muhlethaler ou même Edgar Vallet, ils peuvent dès la saison prochaine faire de très belles choses en coupe du monde. Les personnes qui travaillent pour le combiné en France sont ultra motivées, coachs, techniciens, athlètes. Donc je ne me fait pas de souci, c’est pas parce que nous arrêtons que c’est fini, bien au contraire et je fais confiance aux jeunes, ils vont assurer.
- Enfin, avez-vous déjà une piste pour votre reconversion ?
Maxime Laheurte : Pour le moment j’ai une vision à court terme avec l’arrivée de notre deuxième enfant, rester un peu plus à la maison. Ensuite j’ai des pistes, des projets mais je me laisse quelques mois.
François Braud : Oui, je vais continuer au sein de l’armée de terre, à qui je dois énormément. Ce sera à Chamonix à l’EMHM.
Photo : Nordic Focus / Agence Zoom / Romina Eggert pour FIS combined / Maxime Laheurte