Jason Lamy Chappuis règne sur le combiné nordique depuis trois ans. Pourtant, on connaît mal son lien avec les Etats-Unis où il est né. De Missoula au Club Med de Copper Mountain, portrait franco-américain d’un champion à double culture.
Jason Lamy Chappuis à Kuusamo (© Alain Grosclaude/Agence Zoom)
« Do the best you can ». Jason Lamy Chappuis a grandi avec ce leitmotiv maternel à l’esprit. Chaque jour, lorsqu’il quittait le domicile familial de Bois d’Amont pour rejoindre l’école du village, ce conseil d’Annette, sa maman américaine, lui a insufflé dès son plus jeune âge la mentalité positive à la sauce US.
Depuis, le jeune écolier est devenu le fer de lance du nordique français. Champion olympique, champion du monde, deux fois vainqueur du classement général de la coupe du monde de combiné nordique, le brun aux yeux couleur noisette fascine et séduit. Y compris dans les rangs de l’équipe américaine de combiné qui aurait bien voulu le recruter juste avant les Jeux olympiques de Turin de 2006, où le Jurassien de 19 ans signait une quatrième place. Prometteur. Déjà…
Le Bois d’Amonier charismatique est désormais l’homme à battre sur le circuit mondial. Les Américains font partie de ses sérieux adversaires.
Un modèle pour les jeunes
(© Alain Grosclaude/Agence Zoom)
Malgré tout et faisant la part des choses, Jason Lamy Chappuis a su lier des amitiés avec les Demong, Lodwick ou Spillane… « On s’échange quelques mails pendant l’été, mais on ne se fait pas de cadeaux sur les pistes… Nous les recevons traditionnellement un soir de la coupe du monde de Chaux-Neuve à la maison pour leur faire découvrir la richesse gastronomique de la région », glisse Jason Lamy Chappuis… L’attention semble plaire. Tout comme l’homme d’ailleurs : la preuve avec cette remarque de Todd Lodwick, double champion du monde en 2009 et médaille d’argent à Vancouver, parue dans les colonnes du quotidien sportif L’Équipe après le sacre olympique du tricolore : « Jason est 100 % français, 100 % américain et 200 % un bon gars ».
C’est justement, au-delà de ses performances sportives, le caractère du numéro un mondial depuis deux saisons qui fait l’unanimité. Et qui, quelque part, aiguille aussi les plus jeunes, y compris outre-Atlantique.
« Je décrirais Jason comme quelqu’un de très sociable qui reste d’un abord facile, aussi bien pendant qu’en dehors des compétitions de combiné nordique, note Nick Hendrickson, jeune combiné américain. Il semble très sûr de lui dans le sens où il sait comment se mettre en condition pour gagner tous les jours, mais pas au point de s’en vanter. »
Science de la course
La décontraction à l’américaine d’un côté, la modestie jurassienne de l’autre : Jason Lamy Chappuis s’appuie en permanence sur sa double culture. C’est sa force.
« Jason est un concurrent intelligent. Il utilise son énergie lorsqu’il en a besoin, mais reste calme et concentré à chaque challenge. Il a beaucoup d’expérience et réussit durant les concours de saut à répéter la performance de haut niveau, malgré la pression. Avec un tel mode opérationnel, il arrive souvent premier à l’issue d’une course », salue Bryan Fletcher, l’un des combinés originaires de Stemboat springs, le Bois d’Amont de l’État du Colorado. Pour lui, l’ascension du frenchy doit servir « de modèle » à la relève, aux États-Unis. Mais pas seulement : « Jason vient de loin ; il n’y encore pas si longtemps, c’était encore un junior plein de promesses sur le circuit coupe du monde B. »
Mais depuis, « il semble qu’il soit monté au sommet du combiné nordique mondial et n’a jamais lâché sa place depuis deux ans », constate lucidement Nick Hendrickson, qui ne se pose pas trente-six questions pour savoir comment battre le Jurassien volant cet hiver : « Il faudra sauter plus loin et skier plus vite que lui, c’est tout », lâche-t-il, dans un éclat de rires.
La pomme près de l’arbre
(© Alain Grosclaude/Agence Zoom)
La reconnaissance envers le talent et surtout la personnalité de Jason Lamy Chappuis est de toutes les conversations avec les combinés américains : « La première fois que je l’ai rencontré, c’était en 2009 lors de la coupe du monde de Chaux-Neuve : les applaudissements nourris du public totalement fan resteront un moment à part pour moi, n’hésite pas à confier Clifford Antonio Field. À l’époque, je n’étais pas conscient de son héritage du Montana. Plus tard, lors d’une épreuve de saut spécial où il suivait son cousin Ronan, il a pris le temps de regarder tous les sauteurs en étant très enthousiaste. J’ai vraiment une haute opinion de lui et sa famille. Et quand je vois l’enthousiasme de ses parents, je me dis que la pomme n’est pas tombée très loin de l’arbre… », ajoute-t-il en saluant, comme d’autres compétiteurs, fans du futur pilote de ligne, « sa science de la course. »
Le finish de son 10 km du 14 février 2010 comptant pour l’épreuve olympique de Vancouver restera dans la légende du sport. À 25 ans, Jason Lamy Chappuis entre dans ses meilleures années de compétiteur de haut niveau. S’il réussit à préserver l’envie, le plaisir, le sérieux et l’intelligence de course qui l’anime, ses concurrents pourraient ronger leur frein encore quelques hivers. Et, honnêtement, on ne va pas s’en plaindre !
DAVE JARRETT :
« Jason est le finisseur le plus rapide du circuit »
Nordic magazine. Vous êtes l’entraîneur de l’équipe américaine de combiné nordique. Comment décrivez-vous Jason Lamy Chappuis ?
Dave Jarett. En fait, j’ai rencontré Jason pour la première fois en 2003 lors des championnats du monde juniors de Solleftea en Suède. Il est un fabuleux compétiteur, mais c’est surtout un mec vraiment bien. Ça a été plaisant de voir sa progression ces dernières années qui l’a mené parmi les meilleurs combinés du monde actuels. Il continue de progresser chaque saison et contraint les autres coureurs à travailler toujours plus pour pouvoir le battre.
Justement, comment analysez-vous sa progression des quatre ou cinq derniers hivers ?
Pour être un bon champion de combiné nordique aujourd’hui, vous devez briller aussi bien en ski qu’en saut. Jason a toujours été un excellent sauteur mais son sk
i de fond n’était pas à la hauteur. Du coup, il a travaillé ces dix dernières années pour devenir un athlète très complet.
Quel genre de concurrent est-il ?
C’est vraiment un excellent compétiteur. Il est très fort sur le tremplin de saut à ski et sa vitesse de déplacement sur les pistes de ski de fond a constamment évolué à la hausse. Il est maintenant un combiné complet. Il n’a plus besoin de gagner le saut systématiquement pour bien figurer à l’issue d’une compétition de combiné nordique. Il se place toujours intelligemment dans le peloton de la course et semble toujours prêt à se battre pour la victoire finale.
Quels sont ses défauts ?
Je ne suis pas certain d’en connaître car il s’est tellement amélioré en ski que maintenant c’est vraiment un compétiteur formidable.
Quelle est la recette pour le battre sur une compétition de combiné nordique ?
Top secret. Non, je rigole ! Pour battre Jason, il faut sauter aussi bien que lui et ensuite skier un peu plus vite que lui ! Mais probablement, la chose la plus importante à faire est d’avoir un œil sur lui dans les 500 derniers mètres d’une course car c’est le finisseur le plus rapide du circuit.
Que lui apporte sa double nationalité franco-américaine, vous qui voyagez beaucoup ?
En premier lieu, s’il veut jouer de sa “moitié américaine” pour rejoindre l’équipe américaine, il serait toujours le bienvenu. Il serait un nouveau venu apprécié dans nos rangs d’autant qu’il s’entendrait bien avec tout le reste de l’équipe qu’il connaît bien. Au sujet de sa double nationalité, cela peut lui offrir des opportunités qui ne sont accessibles pour tout le monde.
Cet article est paru dans Nordic Magazine n°1
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