JEUX OLYMPIQUES – Nouveau : durant la quinzaine olympique de Pyeongchang, Nordic Magazine vous propose un rendez-vous quotidien, Vu de Norge spécial JO. Ou quand les Jeux sont vus et décryptés par les médias norvégiens.
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Retour sur… un record de médailles
Les médias norvégiens en parlaient avant les Jeux et encore plus pendant : la Norvège s’est peu à peu rapprochée des records de médailles obtenues en une édition olympique avant de tous (ou presque) les battre.
Plus grand nombre de médailles et de titres jamais obtenus par la Norvège mais aussi plus grand nombre de médailles jamais obtenu par une seule nation aux Jeux olympiques d’hiver précédemment détenu par les Etats-Unis (à 37 breloques et désormais à 39).
Le seul record que les Scandinaves n’ont pas battu est celui du Canada à Vancouver en 2010 où ils avaient obtenus un maximum de 14 titres, record égalé aujourd’hui grâce à Marit Bjørgen mais pas dépassé.
Pour un si petit pays à l’échelle mondiale (5 millions d’habitants), le record est impressionnant et fait parler, surtout les Américains à l’instar du New York Times. « Alors que les médailles s’empilent, la Norvège s’inquiète de trop gagner », titre le journal. Comme le note le journaliste américain, pas de grande effusion de joie du côté des Norvégiens : « la modestie fait partie de notre culture », explique le commentateur NRK Fredrik Aukland.
« Les athlètes ne s’attendent pas à une parade pour les accueillir à leur retour malgré les 39 médailles, continue le journal américain. Ils ont trop peur que leur domination de certains sports d’hiver tue ces mêmes sports. »
Justyna Kowalczyk, la fondeuse polonaise, appuie cet avis : « oui, c’est génial qu’ils aient un gros budget, une nation qui aime le fond mais ça rend la pratique de cette discipline beaucoup plus difficile pour des pays comme la Pologne. »
« L’exemple le plus flagrant, ce sont les championnats du monde à Lahti l’an dernier, la Norvège a pris 15 médailles en ski de fond, la deuxième nation seulement quatre », continuent les Américains.
Norway has delivered the greatest performance in the history of the Winter Olympics. They’re worried about that. https://t.co/x9Wieucct1
— The New York Times (@nytimes) 25 février 2018
Pour les Norvégiens, le plus important est pourtant d’internationaliser leur sport national. « Mais pour cela, il faut que des pays comme l’Allemagne se mettent à gagner, dit le New York Times. Le problème c’est bien le dilemme inhérent à la situation norvégienne : ils veulent que leurs athlètes remportent tout mais ils veulent aussi que leur sport survive et pour ça, il faut que d’autres pays l’emportent. »
Cette situation inextricable est comparable à leur utilisation énergétique pour le New York Times : la fortune des scandinaves est battie sur la vente d’énergie fossile mais de leur côté, ils revendiquent l’utilisation d’une énergie la plus écologique possible.
« C’est si étrange, parfois, on nous hurle dessus parce qu’on gagne trop, confie Knut Nystad, chef des farteurs du ski de fond norvégien. D’autres pays dominent d’autres disciplines et on ne leur dit rien à eux… » La Norvège a donc décidé de s’engager dans le sport international en proposant par exemple quelques camps d’entraînement où des athlètes étrangers peuvent venir voir comment leurs adversaires scandinaves se préparent pour l’hiver.
« On veut être ouvert, partager ce qu’on sait », explique Erik Røste, président de la fédération de ski norvégienne.
« Mais une semaine ne suffit pas, ajoute le New York Times. Le ski est au cœur de la culture là-bas, à tel point que c’est même un trait de caractère national, même pour le Roi. » En effet, quand la Norvège est devenue indépendante de la Suède en 1905 et qu’un prince du Danemark a été choisi comme nouveau Roi, Fridtjof Nansen, aventurier norvégien, a expliqué au Roi Haakon VII que la seule chose à faire pour gagner le cœur de ses nouveaux compatriotes était de se mettre au ski.
Pour le New Tork Times, la relation des Norvégiens à la nature joue aussi un rôle prépondérant. « En 2011, la NRK a placé une caméra sur un bateau pour observer la nature qui passe, la diffusion a duré 134 heures et la moitié du pays a regardé », rappelle le journal américain.
Cet amour de la nature et du ski, ancré dans les racines scandinaves, participe à la grande popularité du ski de fond en Norvège et cette popularité elle-même est la raison pour laquelle le pays domine autant ce sport d’hiver.
« Aucune autre nation ne peut égaler ce mélange de tradition, de possibilités d’entraînement et c’est pour cela qu’à Pyeongchang, les Norvégiens ont autant gagné mais en même temps, semblaient heureux lorsque les autres athlètes l’emportaient », conclut le journal.
Il suffit de voir l’exemple de Marit Bjørgen qui, en remportant le bronze sur le team sprint, a insisté sur le fait qu’une médaille d’or américaine était extrêmement importante pour la survie du ski de fond.
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Une médaille d’or qui les vaut toutes
Huit médailles d’or, 15 breloques olympiques. Marit Bjørgen est désormais l’athlète, hommes et femmes confondus, la plus titrée des Jeux d’hiver après sa victoire sur le 30km, dernière compétition des JO de Pyeongchang. « C’est difficile à intégrer, il va me falloir du temps pour réaliser, avoue la fondeuse à l’arrivée. J’ai eu une carrière fantastique avec cinq olympiades et je ne pouvais pas imaginer mieux pour dire adieu aux Jeux. »
Ses coéquipières aussi sont ravies : « Marit est une grande athlète mais c’est surtout quelqu’un de bien », affirme Raghnild Haga. Ingvild Flugstad Østberg ajoute : « c’est mon modèle, elle est incroyable. Et puis je lui ai dit que plus vite elle rejoindrait l’arrivée, plus vite elle verrait son fils », explique-t-elle en riant. « C’est difficile d’expliquer tout ce qu’elle a fait pour le ski et le sport norvégien, dit quant à lui Erik Røste. Même dans les moments difficiles, elle a guidé l’équipe, c’est l’une de nos plus grandes athlètes. »
De son côté, Ole Einar Bjørndalen, désormais surpassé au nombre de médailles olympiques par sa compatriote, est lui aussi fasciné : « c’est une personne et une skieuse fantastique, je suis fier d’être Norvégien aujourd’hui grâce à elle », déclare-t-il à la NRK.
En plus de saluer l’athlète qu’elle est, les experts vantent la très belle course du jour de la fondeuse : « elle a très très bien skié », affirme Fredrik Aukland. « Oui, cette année c’est la meilleure en classique et elle est dans une forme olympique, c’était logique », dit quant à lui Roar Hjelmeset, l’entraîneur norvégien.
Mais si Marit Bjørgen est ravie d’avoir enfin atteint son objectif de ramener une médaille d’or individuelle de Pyeongchang, ses coéquipières ont été moins chanceuses aujourd’hui. Ingvild Flugstad Østberg, par exemple, passe à côté du podium pour quelques secondes, sur le sprint final. « Je savais pourquoi je me battais, au moins. Apparemment, Stina pensait qu’on s’affrontait pour la 4e place… Mais ça ne change rien », déclare Østberg.
Heidi Weng, 8e aujourd’hui, s’est surtout attardée sur les déboires de l’Autrichienne Stadlober qui, 2e, s’est trompée de piste et a skié autour d’un anneau, disant adieu au podium. « Je sais ce que ça fait, ça m’est arrivé il y a deux ans, rappelle la Norvégienne. Mais je comprends aussi parce que moi aussi, j’ai eu parfois du mal à m’y retrouver sur les pistes coréennes, c’était parfois un peu flou. »
Ragnhild Haga, quelque peu déçue de sa course après avoir fini 12e, préfère se concentrer sur la joie de toute son équipe que sur ses propres déboires sur le 30km. « Nous avons fait des Jeux fantastiques, c’est tout ce qui importe maintenant », affirme-t-elle.
Désormais, les fondeuses norvégiennes vont retourner à la maison avant de reprendre le chemin de la Coupe du Monde. Tant mieux, la Reine Marit n’a qu’une hâte : retrouver son petit Marius. Elle aime si peu le quitter qu’elle n’a pas encore décidé si elle irait aux mondiaux de Seefeld l’an prochain.
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Et ailleurs ?
En patinage de vitesse, hier sur la mass start olympique masculine, Sverre Lunde Pedersen n’est pas allé chercher une autre médaille. Quant à cette dernière journée, aucun Norvégien n’était engagé ni en bobsleigh ni en finale de curling ou de hockey sur glace.
Sur le total des 39 médailles ramenées par la nation scandinave, le non-nordique ramène 13 breloques : 4 en patinage de vitesse dont deux titres, 7 en ski alpin dont une en or (celle de Svindal), une en or aussi en ski freestyle et enfin une en bronze en curling double mixte.
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Hors piste
Elle avait refusé l’honneur d’être la porte-drapeau norvégienne, rappelant que le skiathlon féminin ouvrait les compétitions olympiques dès le lendemain de la cérémonie d’ouverture. Emil Hegle Svendsen avait alors hérité de l’honorable charge. Mais pour la cérémonie de clôture, hors de question de manquer l’occasion. Marit Bjørgen a donc accepté d’être cette fois-ci la porte-drapeau après être devenue l’athlète la plus médaillée des Jeux d’hiver et d’avoir pris l’or sur la dernière course olympique de sa carrière. Elle a d’ailleurs reçu sa médaille lors de la cérémonie de clôture, devant le monde entier et tous les athlètes restés pour célébrer la fin des Jeux.
Marit Bjoergen (NOR) – Modica/NordicFocus.
On notera aussi lors de cette cérémonie de clôture le Tonguien Pita Taufatofua qui refait parler de lui, torse-nu (mais avec des gants) lors de cette nouvelle cérémonie olympique. Il participera d’ailleurs peut-être de nouveau aux cérémonies de Tokyo 2020 puisque son but est de participer à 3 olympiades.
Manzoni/NordicFocus.