Le 3 février, le Marathon des neiges soufflera ses 40 bougies. L’une des plus anciennes courses jurassienne fêtera son anniversaire en l’absence de son créateur, Gérard Perrier, décédé à l’automne.
Le Marathon des neiges est né en Suède. Il est également né d’un homme, Gérard Perrier, vingt-six Vasaloppet au compteur, qui, un jour, s’est surpris à rêver : « Pourquoi pas chez nous ? » Chez nous, c’est la combe de Prénovel-Les Piards, 920 mètres d’altitude et un enneigement aléatoire, bien avant qu’on ne parle de réchauffement climatique. La première édition est d’ailleurs reportée, puis, finalement, se déroule au Pré Poncet, à Chapelle-des-Bois, où le manteau blanc tacheté de mottes de terre et de pierres a le mieux résisté. Gérard Perrier, « dont les ans, s’ils ont buriné ses traits, ne semblent avoir aucune emprise sur ses jambes » est le plus applaudi par la foule. Un « exemple aux jeunes », écrivait encore le quotiden Le Progrès, partenaire de la première heure. L’aventure est lancée.
Les têtes d’affiche s’appellent alors Jeannerod, Vandel, Salvi ou Faivre. La course attire six cent quarante skieurs, des champions et des anonymes à une époque où, se rappelle Jean-Louis Girod, bénévole historique du foyer rural de Prénovel-Les Piards, organisateur de l’épreuve, « il y avait peu de pratiquants. » Le pas alternatif régnait en maître. Le skating n’était pas né.
En 1975, le Marathon des neiges est tracé sur le plateau des Molunes, que Gérard Perrier connaît bien pour en être originaire, avec son épouse, Simone. Cette dernière est une cheville-ouvrière, une femme-fourmi, besogneuse et énergique, efficace et tenace.
Fidélité
En 1976, la troisième édition emprunte enfin le tracé imaginé dans la tête des organisateurs. C’est-à-dire que la piste est tracée pour la première fois à Prénovel-les-Piards. « C’est un soulagement », déclare Clément Vincent, président du Foyer rural à ce moment-là. La boucle traverse les Piards et Prénovel bien sûr, mais aussi Chaux-du-Dombief, Saint-Pierre et Grande-Rivière. Le Grandvaux a des allures de plaine enneigée de Falun.
Aujourd’hui, l’ancien directeur du Centre d’accueil et d’initiation au ski de fond, devenu le Centre Duchet, a en mémoire l’image d’une « équipe de bénévoles enthousiastes » . Les éditions exilées, les annulations même, n’altéreront pas leur fidélité au Marathon des neiges.
Les sportifs, eux aussi, témoignent de leur attachement : le 9 février 1992, Hervé Balland est présent sur la ligne de départ, alors même qu’il est sélectionné aux Jeux olympiques qui viennent de s’ouvrir à Albertville (il sera battu par le coureur des Longevilles, Lionel Ferreux, et finira cinquième du 50 km aux JO). René Jacquemet, lui, assure, avec constance, l’animation. Sa voix de speaker a même guidé les skieurs par temps de brouillard. Son souvenir reste très présent. Depuis Jo Vallet a pris la relève au micro.
En quarante ans, que de pages écrites par le Marathon des neiges ! Pour Simone Perrier, le pire souvenir remonte à 2005. « Une seule course a été annulée dans le Jura : la nôtre ! Un déluge a lavé toutes nos préparations. De l’eau partout. » « On a appelé tous les fondeurs le samedi après-midi », ajoute Clément Vincent. Mais, le lundi matin, les habitants de la combe se réveillaient avec trente-cinq centimètres de neige devant leurs portes. Rageant. Coup du sort !
« Le Marathon, ce sont des angoisses, des incertitudes, des joies, des espoirs, des instants magiques. Une multitude de sentiments, de sensations, de bruits, d’odeurs et de visions », résume Ida Perrier, la fille de Gérard et Simone. À cette palette de sentiments, il faut ajouter le malheur quand, en 1984, Philippe Lecoultre décède au quinzième kilomètre, victime d’un accident cardiaque. Il n’avait pas encore 24 ans.
Des Américains…
1984, année record de participation : 2 000 inscrits. « Ils venaient de toute la France. Ils logeaient chez l’habitant », raconte Clément Vincent. Les étrangers entrent dans la danse, des Américains, trois Australiens… « Tout à la voix et au crayon, souligne Jean-Louis Girod. Il n’y avait pas d’ordinateur. » Les courses populaires sont à leur apogée. La radio nationale France Inter s’intéresse au phénomène.
La baisse de la fréquentation qui va marquer les décennies suivantes, beaucoup l’attribuent ici à l’arrivée du pas de patineur, une technique jugée moins démocratique.
Le 5 février 2011, ils sont encore 303 à prendre le départ, une semaine avant sa grande sœur La Transjurassienne. Parmi eux, quatre passionnés, deux hommes et deux femmes, ont fait tous les Marathons : Michel Clément, Ginette Guy, Josette Mathieu et Pierre Perrin.
Pour le 40e anniversaire, le 3 février prochain, un homme sera absent. En octobre, Gérard Perrier s’en est allé. Beaucoup garderont en mémoire son style bien à lui en classique et son pas très haut. Tous se rappelleront, en prenant le départ aux Piards, que, s’ils sont là, c’est parce qu’un jour, en Scandinavie, une idée a germé dans la tête d’un homme.
Photo : Eric Prost
Cet article est paru dans Nordic Magazine n°5.