DOPAGE | RUSSIE – Grigory Rodchenkov, ancien directeur du laboratoire antidopage de Moscou, a écrit et publié un livre choc sur le dopage institutionnalisé en URSS puis en Russie, notamment lors des Jeux olympiques de Sochi 2014. Nos confrères du Magazine L’Équipe en ont publié les bonnes feuilles. Explosif.
Grigory Rodchenkov vient d’ouvrir la boîte de Pandore. En publiant The Rodchenkov Affair : How I Brought Down Putin’s Secret Doping Empire aux éditions Penguin Random House UK, l’ancien directeur du laboratoire antidopage de Moscou fait des révélations accablantes sur le système de dopage institutionnalisé mis en place par les autorités soviétiques puis russes. Parmi les indiscrétions rapportés par cet ancien spécialiste (dopé) du 5 000 mètres, les manipulations réalisées lors des Jeux olympiques de Sotchi 2014. Le Magazine L’Équipe en a publié les bonnes feuilles ces derniers jours. « Je ne cherche pas à minimiser mes agissements. Avant, je faisais ce que je devais faire ; aujourd’hui, je fais ce que je choisis de faire. Il y a un abîme entre les deux », écrit notamment Rodchenkov. Explosif.
Un cocktail dopant spécial Alexander Legkov
Au fil des pages, après avoir expliqué sa jeunesse, un test positif de Ben Johnson non signalé, la véritable raison du boycott par l’URSS des JO de Los Angeles 1984 ou son arrivée au sein du laboratoire antidopage de Moscou, Grigory Rodchenkov fait des révélations sur les produits dopants donnés aux athlètes russes lors des Jeux de Sotchi 2014. Il explique avoir mis au point une mixture composée, notamment, de trois stéroïdes mais aussi de vermouth : il est appelé cocktail « Duchesse ».
« Le cocktail de Sotchi avait été spécialement concocté pour aider des athlètes vétérans comme le fondeur Alexander Legkov, la biathlète Olga Zaïtseva, le pilote de bobsleigh Alexander Zubkov ou la star du skeleton Alexander Tretyakov [en 2017, ils ont tous été disqualifiés par le CIO, Legkov et Tretyakov se faisant ensuite blanchir par le TAS, ndlr.]. […] Legkov remporta l’or au 50 km libre avec un finish spectaculaire ; les années précédentes, sans mon cocktail, il avait régulièrement perdu dans les derniers mètres. » (Grigory Rodchenkov dans son livre The Rodchenkov Affair : How I Brought Down Putin’s Secret Doping Empire / Traduction : Cécile Hermelin pour Le Magazine L’Équipe)

Alexander Legkov, après sa victoire sur le 50 km des Jeux de Sotchi 2014 – Archives
Des flacons ouverts puis refermés
Pour duper les contrôles antidopages, les autorités, sous la supervision de Grigory Rodchenkov, et avec l’aide de Blokhin, un agent du FSB, les renseignements russes, avaient trouvé le moyen d’ouvrir les flacons de prélèvement BEREG-Kit B, réputés inviolables. « Cette avancée était comparable à la découverte de la fission nucléaire », s’enthousiasme Grigory Rodchenkov dans son ouvrage de 320 pages.
« Les ingénieurs du FSB les avaient ouverts proprement, et Blokhin, le visage animé d’un sourire complice, me tendit les capuchons intacts. Je fus sidéré : malgré mon inspection soigneuse, la surface du flacon de verre et l’intérieur du capuchon en plastique, bien que séparés, semblaient intacts. Blokhin m’informa que le processus de séparation s’était passé sans encombres, et qu’ensuite ils avaient effacé toutes les éraflures visibles. […] » (Grigory Rodchenkov dans son livre The Rodchenkov Affair : How I Brought Down Putin’s Secret Doping Empire / Traduction : Cécile Hermelin pour Le Magazine L’Équipe)

Maxim Vylegzhanin (RUS), Alexander Legkov (RUS), Ilia Chernousov (RUS) : le podium du 50 km des Jeux de Sotchi 2014 – Agence Zoom
Comment il est devenu lanceur d’alerte
Puis vint la révélation du système institutionnalisé de dopage en Russie. Face aux menaces, le président Vladimir Poutine « exigeait que les instigateurs de ce dopage organisé répondent « personnellement et totalement » de leurs actes », explique-t-il. Il décide donc de passer l’arme à gauche et de quitter, à jamais, la Russie, son pays. Et de tout dévoiler.
« Je me sentais en danger, et cette crainte semblait justifiée par la mort mystérieuse, à onze jours d’intervalle, de deux de mes ex-collègues : Viatcheslav Sinev, ancien directeur de la RUSADA, et son successeur Nikita Kamaïev. Ils étaient parfaitement au courant des falsifications d’échantillons lors des contrôles antidopage, remplacés par de l’urine “propre” décongelée. […] Durant mes cinq années d’exil, j’ai reçu des menaces de mort crédibles. […] » (Grigory Rodchenkov dans son livre The Rodchenkov Affair : How I Brought Down Putin’s Secret Doping Empire / Traduction : Cécile Hermelin pour Le Magazine L’Équipe)
Photos : Archives et Agence Zoom.
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