Ce week-end, deux athlètes de Bois d’Amont sont montés sur le podium lors de l’étape finlandaise de la coupe du monde de combiné nordique. Ils s’appellent Jason Lamy Chappuis et Sébastien Lacroix. Dès lors, une question s’impose : quel est le secret du village jurassien situé dans la Station des Rousses pour avoir autant de champions dans sa population ? Enquête.
Sébastien Lacroix et Jason Lamy Chappuis, hier à Kuusamo (© Alain Grosclaude/Agence Zoom)
Une telle concentration de champions dans un seul village tiendrait-elle du miracle ? C’est bien peu probable. Même si Bois d’Amont conserve, dans son Musée de la boissellerie, la fameuse relique du ski norvégien utilisée par Félix Péclet en 1900, qui serait à l’origine du développement du ski dans la région. De Léonce Cretin (en 1932 à Lake Placid) à Cyril Miranda (en 2010 à Vancouver), le ski-club de Bois d’Amont compte huit sélectionnés olympiques et, parmi eux, Léo Lacroix, Gérard Vandel et Jason Lamy Chappuis sont revenus avec des médailles.
Pour expliquer le phénomène, chacun à son idée. « Cela vient peut-être du climat, très rude et de la position du village, un peu isolé, comme une enclave dans la Suisse ». Comme l’évoque Léo Lacroix, Bois d’Amont c’est d’abord une configuration géographique unique. Un village-rue qui s’étend de part et d’autre de l’Orbe.
« Par rapport aux Alpes, où il y a tout de suite du dénivelé, nous avons ici des parcours plus vallonnés. Ici, on est tout de suite dans la nature, c’est idéal pour partir s’entraîner », confirme Sébastien Lacroix, Bois d’amonier et actuellement membre de l’équipe de France de combiné nordique. Dans ce village situé au cœur du massif jurassien, l’altitude – 1 100 mètres – et le climat rendent impossible la pratique de l’agriculture toute l’année. Au fil des siècles, ses habitants se sont donc tournés vers la forêt (épicéa, hêtre et sapin), pour fabriquer des planches, des boîtes puis, à partir de 1925, des skis. Et ce n’est que récemment que la neige et le tourisme sont devenus un facteur important de l’économie locale.
Un lien social”
Si le village compte tant de champions, « cela doit venir des gènes ! », plaisante Patrice Roydor. « Je crois que c’est surtout une passion bien transmise par les familles et des entraîneurs passionnés qui encadrent les jeunes », poursuit le président du ski-club de Bois d’Amont. Un « club incroyablement formateur avec des gars dévoués au ski à 300 % », un club fondé en 1927 qui compte aujourd’hui 140 adhérents et neuf entraîneurs bénévoles, fédérés autour de Jean-Paul Vandel, ancien champion et « référence du club », dixit encore Sébastien Lacroix.
« Chez nous, le ski reste avant tout un lien social », rappelle Loïc Vandel, fabricant de skis à Bois d’Amont. « Pourquoi ça marche ? Grâce à un système associatif très fort, c’est quelque chose d’extraordinaire », résume Jean-Pierre Lacroix, directeur général de Lacroix Emballages. En effet, le club de ski générateur de champions s’enracine dans une tradition associative forte. « C’est ce qui m’a le plus surpris en arrivant à Bois d’Amont en 1992, raconte Annette Lamy Chappuis. Cette ouverture aux autres, cette faculté de donner de son temps, je n’avais jamais vu autant de bénévolat avant. La salle polyvalente est toujours réservée ! ».
Le foot et le ski”
Et l’une des spécificités locales semble être l’étroite alliance entre le foot le ski, ce que ne démentent pas Cyril Miranda aujourd’hui, et Léo Lacroix hier – « au début de ma carrière, c’était priorité foot ». Pierre Cretin, ancien président du club, explique une telle association entre sport collectif et individuel ainsi : « il y a toujours eu deux sociétés à Bois d’Amont : le foot et le ski. Les skieurs font beaucoup de foot pour avoir du physique ».
Actuellement, avec Jason Lamy Chappuis et Sébastien Lacroix en combiné, Ronan Lamy Chappuis en saut, Cyril Miranda et Roxane Lacroix en fond, Bois d’Amont compte cinq champions en équipe de France. « Depuis trois ans, pas mal de jeunes du village ont trouvé une belle idole avec Jason. Ils ont 10, 12 ans aujourd’hui, nous avons plein de jeunes prometteurs », note Patrice Roydor. « Il y a l’émulation d’une génération à l’autre, on espère que cela durera, il faut que les nouvelles générations suivent », souligne Pierrot Cretin. L’histoire n’est pas finie.
Cet article est paru dans Nordic Magazine n°3 (juin 2012)