SKI – Alors que la saison des sports blancs débute dans moins d’un mois pour le biathlon notamment, le directeur technique national Fabien Saguez évoque les enjeux d’une année sans mondiaux ni Jeux olympiques pour les disciplines nordiques (ski, combiné et saut).
Après deux saisons marquées par les Jeux olympiques de Sochi puis les mondiaux en Suède, fondeurs, combinés et sauteurs spéciaux n’auront cette année aucun grand rendez-vous international. Comment se projette-t-on aussi bien du point de vue des athlètes que du staff de l’équipe de France sur ce genre de saison ?
En effet, il n’y a pas de grosses échéances mais des objectifs précis sur la coupe du monde. Et surtout sur les étapes françaises que j’assimile à un grand événement. Très souvent, il est dur de gagner chez soi. Ensuite, c’est une saison qui laisse envisager des prises de risque plus importants dans la stratégie pour se construire dans la perspective de ces grands événements : on ira à Lathi en 2017, on sera à Oslo cette année pour les biathlètes.
Malgré l’ensemble du nordique qui n’est pas sur le même programme, il y a des objectifs importants. L’objectif majeur pour François Braud et Max Laheurte est de gagner chez nous à Chaux-Neuve.
Pour les fondeurs, on va pouvoir se concentrer sur des stratégies de développement de nos potentiels. On a beaucoup parlé du sprint classique l’an passé sur lequel on pêchait avec la jeune équipe de sprint. On a beaucoup travaillé ce style pour compléter ce qu’ont fait bien en sprint skate.
Retour en vidéo sur les exceptionnels mondiaux de Falun :
Ce genre “d’année creuse” est-elle l’occasion de mener des chantiers importants ? De tester de nouvelles choses ? De laisser le temps aux nouveaux cadres de prendre leur marque avec les équipes ?
Ce sont des saisons qui nous permettent de parfaire des choses en vue des grands événements.
Exactement. L’arrivée de Cyril Michaud-Fidey sur la partie fond et physiologique au sein de l’équipe de combiné en est l’illustration. Il y a une super ambiance, les résultats en grands prix internationaux sont enthousiasmants, c’est l’occasion pour lui de prendre ses marques, de prendre la dimension de la nouvelle équipe avec Jérôme Laheurte…
Du côté des fondeurs, les deux grands temps forts de la coupe du monde seront le Tour de ski mais également la tournée de fin de saison au Canada avec un mini-tour qui pourrait être décisif pour le gros globe. Ces nouveautés au calendrier sont-elles nécessaires pour susciter toujours plus d’intérêt et pourquoi ?
Le Tour de ski se vend bien. Il est le produit phare de la planète ski de fond en termes d’audience, de droits TV, ça surpasse toutes les autres courses de fond. C’est aussi une compétition à l’image des Quatre tremplins en saut, événement phare de l’année. Ces Tours font la Preuve par quatre d’un skieur complet qui est capable d’élever son niveau sur un format qui n’est pas le sien, de terminer en apothéose sur l’Alpe Cermis, de donner rendez-vous aux téléspectateurs avec des acteurs et des leaders auxquels on s’identifie, on les voit tous les jours. Ce sera un objectif particulier pour cette saison. Il y a trois ou quatre ans, j’avais émis l’idée à la FIS où des années sans mondiaux on ait un mini-Tour qui fasse une sorte de mini-championnats du monde par étapes. Ça n’a pas pris mais je suis persuadé qu’on mettant sur pied un Tour sur quelques jours en Scandinavie, ça prendrait super bien. On est sur le modèle du Tour de France, celui des courses cyclistes qui se portent bien d’un point de vue audience, marketing… Il faut que les formats soient compréhensibles.
Côté biathlon, les mondiaux ont lieu tous les ans, notamment à Oslo au printemps prochain dans une ambiance qu’on imagine très populaire. Comment la préparation des biathlètes qui ont un calendrier très chargé est-elle organisée en fonction de ce rendez-vous ponctuel ?
La coupe du monde de biathlon a ses grandes classiques sur le circuit de la coupe du monde qui sont plus fortes que les grandes classiques en fond hormis le Tour de ski et éventuellement le 50 km d’Oslo. Ce sont des dates clés dans le calendrier : je pense à Oberhof, Ruhpolding et Antholz où il y a beaucoup de monde, de public, des fans incroyables. Ce coeur du mois de janvier est commun à d’autres calendriers comme l’alpin avec AdenBoden, Wengen, Schlamding, kitzbhüel…
Après, on identifie très bien d’autres rendez-vous comme Ostersünd en début et Oslo en fin de saison, qui plus est avec des mondiaux qui seront énormes cette année.
C’est la différence entre les deux disciplines aujourd’hui : le biathlon est un produit marketing, le fond est un sport. Il y a une énorme différence dans l’approche et c’est là que le biathlon a été très bon. On a une approche très visuelle, avec des boucles de ski compactes, des passages sur le pas de tir, un produit clair à voir, attention particulière avec le tir qui remet en cause les positions…
A contrario, les mondiaux comptent pour la coupe du monde et je ne pense pas que ce soit très bien. Pour moi, les mondiaux sont, par définition, une compétition isolée. Par moments les intérêt du classement général de la coupe du monde peuvent primer sur une médaille ou un titre international au niveau de la prise de risques. Je pense que c’est une erreur : l’IBU devrait isoler ces mondiaux hors calendrier coupe du monde pour ouvrir à plus d’engagement et de prises de risques des athlètes. Cela rendrait les courses encore plus intéressantes.
L’année prochaine sera saison pré-olympique avec PeyongChang 2018. Avec une approche différente au sein du staff ?
On part d’un objectif clair : celui de faire 20 médailles à PeyongChang pour l’ensemble de la fédération. On a fait 15 à Sochi en vendangeant des médailles notamment sur la deuxième semaine du biathlon qui a été catastrophique. C’est quelque chose dont on doit être conscient : quand on se présente sur un événement comme les Jeux olympiques, on doit faire une première et une deuxième semaine pleines. On a toujours des ratés. Mais se louper comme ça, ce n’est pas possible ni pas normal de ne pas faire de médailles dans les relais.
Pour viser cet objectif, on tire les enseignements de Sochi où on s’est mal adapté aux conditions météo notamment. On est déjà en train de travailler pour PeyongChang car je ne crois pas à la préparation au dernier moment. Le travail doit être mûri bien en amont dans les équipes. L’objectif est déjà en train de maturer : c’est déjà un fil rouge qui doit être ancré au quotidien chez les sportifs comme dans l’encadrement, absolument vital dans la quête de performance. C’est mon job de manager d’emmener tout le monde vers cet objectif prioritaire. Tout le monde doit l’avoir dans le viseur. Il est petit au début et au fur et à mesure, les pièces du puzzle se mettent en place. On doit aussi s’inspirer des moments difficiles sur une olympiade pour progresser et prendre des chemins parfois un peu différents mais toujours en direction de l’objectif.
Photos : Agence Zoom –
