COMBINÉ NORDIQUE – Jason Lamy Chappuis ayant décidé de raccrocher les skis, François Braud est devenu le leader légitime de l’équipe de France de combiné nordique au printemps 2015. « C’est une saison charnière pour lui », résume le jeune retraité. Le Haut-Savoyard a les atouts pour relever le défi.
François Braud en digne successeur
Et si François Braud était né en Suède, le jeudi 26 février 2015 ? Après le passage sur le grand tremplin de Falun, le combiné chamoniard s’élance en troisième position sur la piste de ski de fond, derrière l’Autrichien Bernhard Gruber et son coéquipier, le triomphant Jason Lamy Chappuis. Et, dès le début de la course, « Foué » [le surnom de François Braud] impose son rythme. « Il a clairement pris les choses en main et, dans le dernier tour, fait exploser le groupe, car il voyait Magnus Moan revenir. Avant, il n’aurait pas pris ce risque. Je l’ai vu changer sur cette course », se souvient le champion olympique de Vancouver.
« J’ai pris mes responsabilités, je n’ai pas attendu que les choses se passent. Les années d’avant, je serais resté derrière et je ne pense pas que j’aurais gagné cette médaille », confirme le principal intéressé. Jusqu’à la dernière bosse, François Braud est à la lutte pour le titre et décroche finalement sa première médaille mondiale en individuel, la troisième après l’or par équipes en 2013 et le bronze en 2015, à chaque fois sur le petit tremplin.
Le lendemain, une photographie de François Braud, radieux, aux côtés de son amie Elena Runggaldier, membre de l’équipe nationale italienne de saut, est publiée dans un grand quotidien sportif. Le titre du portrait, « Braud a trouvé le chemin », résume l’état d’esprit de l’athlète. Dans l’entretien publié, il parle d’« un départ. » Si tout commence dans le val de Mouthe (donc, non loin de Chaux-Neuve), du côté de Sarrageois, d’où est originaire sa famille, c’est en Haute-Savoie que François Braud découvre le saut à ski.
« À Mouthe, il y a de la neige, donc on m’a tout de suite mis les skis aux pieds. J’ai attaqué le saut à six ans, quand nous sommes venus habiter à Passy. Et j’ai tout de suite accroché. » James Yerly, son premier entraîneur au ski-club des Houches, se souvient très bien de lui : « Je l’ai vu arriver en ski alpin avec sa maman un jour à Belleville. Il a commencé directement le saut et a tout de suite été bon. C’était un gamin calme qui ne loupait jamais un entraînement, hiver comme été, alors que Passy était à 20 kilomètres du tremplin. Le fond, il l’a appris avec ses parents et son frère [Guillaume Braud, ndlr.]. »
« J’ai vraiment pris la voie du combiné nordique à partir de 13 ans. Ce qui m’a plu, c’est l’alliance de deux disciplines complètement opposées mais qui se complètent. J’avais besoin d’un sport à sensation dans lequel je me fais plaisir, ce que je trouve dans le saut, et aussi d’un sport d’endurance, où il faut se faire mal, ce que je retrouve dans le ski de fond. »
En quatrième, l’adolescent rejoint le collège aux Rousses, section sports études, puis le Pôle France de Prémanon, jusqu’au bac, et enfin l’Institut universitaire de technologie (IUT) d’Annecy. Au fil des années, les amitiés se tissent et un groupe mythique se construit. Ainsi François Braud rencontre Jason Lamy Chappuis et Sébastien Lacroix au cours de ses années jurassiennes, puis Maxime Laheurte lorsqu’il devient étudiant. « Notre génération, avec Jason, Seb et Maxime, a même été tout de suite intégrée à la Fédération. » Une équipe solide, qui n’a pas fini de faire parler d’elle, est née. À Schonach (Allemagne), en 2002, François Braud et ses coéquipiers deviennent vice-champions du monde juniors.
« En 2005, je participe à ma première coupe du monde en novembre, suis champion du monde junior individuel à Kranj, en Slovénie, en 2006, et découvre mes premiers Jeux olympiques. C’est vraiment à partir de là que tout s’est accéléré. » Depuis, François Braud a pris le départ de plus de 160 coupes du monde et n’a manqué aucun championnat international.
Comment expliquer une telle longévité au plus haut niveau ? « Avec une bonne ambiance, même si les résultats ne sont pas là, on se sent bien et on a envie de rester. Après, nous avons aussi eu la chance d’avoir Jason à nos côtés. Et ce qui m’a fait tenir le coup aussi, c’est qu’à l’entraînement, j’étais aussi fort que lui, parfois même meilleur. Si j’arrêtais, je savais que j’allais partir avec des regrets. Il me fallait trouver ce petit truc pour être aussi bon en compétition qu’à l’entraînement. »
La force tranquille
Et, pour atteindre cet objectif, François Braud n’a jamais ménagé sa peine. « Méticuleux », « sérieux », « travailleur », ces mots reviennent souvent dans le portrait de François Braud que dessinent ses amis. « François, c’est une force tranquille, quelqu’un de simple et surtout de très travailleur. Son défaut ? Il est peut-être un petit peu trop robot, mais c’est plutôt une qualité pour moi. Niveau rigueur, c’est un modèle, et il arrive toujours avec le sourire », note le jeune combiné rousseland Hugo Buffard.
« C’est quelqu’un de très calme, le plus consciencieux de tout le groupe », se souvient Jason Lamy Chappuis. « Il a la réputation d’être quelqu’un de timide, mais c’est quand tu ne le connais pas. François est quelqu’un de très pointilleux et de très fin. Quand les compétitions s’enchaînent, c’est là qu’il est le meilleur » résume Jérôme Laheurte, l’entraîneur de l’équipe de France de combiné nordique.
Surtout depuis le déclic qui s’est produit en février 2014, sur la deuxième épreuve individuelle des Jeux de Sotchi. « J’ai fait le cinquième temps en ski de fond et je me suis rendu compte que j’étais capable de faire des choses pour être devant. Jason et Seb étaient même moins bien physiquement. Je me sentais la responsabilité de tenir la baraque, comme on dit. »
Impression confirmée par Jason Lamy Chappuis : « Il se disait »si je peux battre Jason, c’est que je peux battre les meilleurs mondiaux ». Et il a réussi à se libérer en fin de saison ». Le 8 mars 2014, « Foué » monte sur son premier podium en coupe du monde à Oslo (Norvège). Toutes ces qualités peuvent néanmoins se retourner contre lui. « Ce qui peut être positif quand tout est en ordre peut le perturber quand il y a un grain de sable. Comme sur le tremplin de Ramsau (Autriche), en décembre dernier, les conditions de vent compliquées l’ont fait sortir de son environnement naturel », explique son coach.
Depuis le départ de Jason Lamy Chappuis, François Braud est le leader de l’équipe de France de combiné nordique. « C’est clair que maintenant, je le suis à 100 % ». Une transition idéale. « Après Falun, il a forcément changé. Quand tu as une médaille mondiale individuelle autour du cou, tu sais forcément que tu peux le refaire », explique Jérôme Laheurte. « Je sens qu’il y a plus d’attente sur moi, mais cela me renforce. Cela me met plutôt une pression positive. »
Ce changement de statut pour François Braud s’accompagne d’une évolution de structure pour l’équipe. Jérôme Laheurte a remplacé Étienne Gouy au poste d’entraîneur, et le fondeur Cyril Michaud-Fidey a rejoint le staff. Ses coéquipiers ont aussi changé de visage. « Je suis le leader et toujours avec Maxime dans l’équipe, qui a beaucoup progressé et a toutes les capacités pour réussir cette saison. Il y a aussi cette nouvelle génération qui arrive. Elle vient nous poser des questions, nous sentons que nous pouvons lui apporter des choses. Et puis on se marre bien. Tom Balland, Laurent Muhlethaler, Hugo Buffard… ce sont des artistes. »
« Avec le recul, je me dis que le timing est parfait pour Foué. Le plus difficile maintenant, c’est de confirmer ce qu’il a montré en fin de saison dernière », analyse Jason Lamy Chappuis. Pour cela, François Braud travaille son point faible : son finish en ski de fond. « Cet été, avec Cyril, j’ai mis l’accent sur les sprints et la manière de répondre aux accélérations. Il faut que j’apprenne à casser mon rythme et accélérer. »
« Il faut toujours se remettre en question, surtout dans notre sport ». Aujourd’hui, François Braud inscrit ses compétitions dans un projet de trois années, qui le conduira jusqu’à PyeongChang, en Corée du Sud. Une démarche que ne peut qu’encourager Jérôme Laheurte : « S’il continue, c’est qu’il peut encore monter son niveau. Il y a encore des points sur lesquels il peut progresser. C’est la raison pour laquelle nous y croyons et l’accompagnons dans son projet vers les JO de 2018. »
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Portrait publié dans Nordic Magazine #18
Photos : Nordic Focus et Agence Zoom.