Le grand portrait de Loïc Page
[Portrait publié dans le numéro 37 de Nordic Magazine datant de février 2022]
Dans un environnement qu’il maîtrise, Loïc Page ne manque pas de qualités pour réussir dans ce nouveau défi. Il est l’homme-orchestre de la coupe de France de biathon, les fameux Biathlon Summer Tour. Depuis l’automne, le Franc-Comtois occupe le poste de Christian Dumont, décédé brutalement dans l’été.
Comme pour beaucoup d’enfants du massif jurassien, tout a commencé à l’école du village pour le nouveau responsable des circuits nationaux. À Labergement-Sainte-Marie (Doubs), le papa instituteur emmène sa classe découvrir le ski de fond au travers du ski-club local, l’Olympic Métabief (connu aujourd’hui sous le nom d’Olympic Mont d’Or).
Il partage notamment les séances avec Alexandre Rousselet, l’actuel entraîneur du groupe distance de l’équipe de France. Le but n’est pas encore de former des compétiteurs, mais de donner le goût du sport aux enfants. Le tir, Loïc Page le découvre notamment sous la houlette du club de Pontarlier cher à Maurice Racca, tireur sportif sélectionné aux Jeux olympiques de Rome en 1960 et à ceux de Tokyo quatre ans plus tard.
Il intègre ensuite la section sportive de Mouthe. Bon tireur, le lycéen répète ses gammes et finit par rejoindre le comité régional. La rencontre avec le coach Laurent Monnier va alors s’avérer décisive, comme l’atteste le nouveau coordinateur des circuits nationaux : « C’est quelqu’un qui m’a inculqué de belles valeurs de rigueur et de respect. »
Bon en tir, moins sur les skis
À l’été 1996, à tout juste dix-huit ans, il fait partie du groupe juniors de l’équipe de France. C’est à ce moment-là qu’il fait la connaissance de Christophe Vassallo, avec lequel il partage aujourd’hui la gestion des courses nationales. C’est l’époque des premiers stages et de l’initiation aux courses à l’étranger.
La carrière internationale de Loïc Page est marquée par une sélection aux championnats du monde juniors italiens de Forni Avoltri, en février 1997. Des Mondiaux mitigés pour le Jurassien, qui seront suivis par plusieurs étapes de coupe d’Europe, où il signe une belle septième place sur l’individuel de Champex (Suisse).
Mais sans la vitesse sur la piste de ses coéquipiers Ferréol Cannard, Gaël Poirée ou encore Lionel Grebot, il ne se fait guère d’illusions sur la suite : « Je n’étais pas très fort en ski et, surtout, je n’avais pas progressé autant que les autres. J’assurais au tir, mais, à un moment donné, cela ne suffit plus. » La marche des années seniors sera trop haute pour l’étudiant en STAPS qui retombe dans le groupe comité et persévère au contact du coach d’alors, un certain Stéphane Bouthiaux. L’actuel patron du biathlon se souvient d’un athlète « très facile à gérer. Il était très à l’écoute. C’était un super tireur aussi ! »
Durant deux saisons, avec quelques nouveaux dossards sur la coupe d’Europe, le Franc-Comtois insiste. Mais le vent a tourné. La motivation un peu écornée, il jette l’éponge aux prémices de la saison 2002/2003.
Coach d’Anaïs Bescond et de Quentin Fillon-Maillet
Après une année off, Loïc Page met un premier pied dans l’entraînement en profitant de l’appel de Stéphane Bouthiaux, qui lui propose de venir l’épauler pour encadrer la relève jurassienne. Il jongle avec la gestion de l’entraînement et la préparation du concours de professorat de sport. Un diplôme qu’il obtiendra finalement en juin 2005. Après un an et demi passé en Haute-Saône, il effectue un come-back dans sa montagne. Il y est nommé conseiller technique régional (CTR) pour le biathlon.
Durant les sept années suivantes, il s’occupe du groupe Comité au contact de plusieurs coachs, dont Jean-Yves Andréani, Élia Girard et, bien sûr, Frédéric Guyon, avec lequel il tisse une véritable amitié : « Loïc était proche de ses athlètes, c’est un gentil », abonde « Titi ». Devant sa lunette, il voit passer de nombreux athlètes, dont Quentin Fillon-Maillet, l’actuel leader du classement général de la coupe du monde, ou Anaïs Bescond. Avec toujours le souci du tir efficace hérité de ses jeunes années auprès du club pontissalien.
2014 marquera un nouveau tournant dans sa carrière de coach. Il veut endosser d’autres missions au sein du comité régional. Cette envie coïncide avec la volonté de « Fred » Guyon de « revenir aux fondamentaux » auprès du groupe régional, après plusieurs saisons en tant que technicien sur la coupe du monde. La collaboration entre les deux hommes s’inscrit dans une nouvelle dynamique, Loïc prenant en charge la communication, la recherche de partenaires ou assurant la logistique au sein de l’organisme.
Il reste néanmoins en soutien de son binôme sur certains stages ou séances. Oscar Lombardot n’a pas oublié ce que le jeune papa de deux enfants lui a appris : « Il m’a apporté des petits détails sur mon tir et sur l’approche psychologique. Il essayait sans cesse de nous transmettre de nouvelles choses. » Des séances où la bonne humeur est toujours présente, comme se rappelle le biathlète de l’ES Saugette : « Oui, on se marrait bien avec lui. Je me souviens d’une sortie à La Fouly (Suisse). On était montés manger une raclette en haut des pistes de ski alpin. La descente à la lampe frontale, je crois que tout le monde s’en souvient encore ! »
Moins sur le coaching, plus sur la gestion globale du comité : le costume va bien à Loïc Page, comme le confirme son ami Frédéric Guyon : « Il est à l’aise à l’écrit et il parle bien. Il aime mener un projet dans sa globalité. Il a beaucoup de cordes à son arc ».
Successeur de Christian Dumont
Lors de la saison 2020/2021, la crise sanitaire oblige la fédération à organiser des courses à huis clos. Sans club organisateur pour les gérer, la fédération se repose alors sur un petit groupe de bonnes volontés. Loïc Page en est, comme une évidence.
En 2021, suite au décès brutal de Christian Dumont, la fédération s’est mise en recherche d’un successeur pour assurer la continuité des circuits nationaux. Christophe Vassallo se souvient du choix : « Il nous fallait quelqu’un qui ait une bonne connaissance du circuit et de tous les aspects qui le caractérise, quelqu’un aussi de fédérateur. Le biathlon français est une petite famille très soudée, il nous fallait aussi quelqu’un de convivial pour conserver cette notion chère à nos yeux ».
Succéder à Christian Dumont, l’une des figures du biathlon tricolore, n’est pas chose aisée mais l’homme ne manque pas de qualités. « Loïc est quelqu’un d’intelligent, il a l’esprit d’analyse. Il prend les problèmes à la base. Avec son poste, des problèmes il en aura forcément, mais il saura les résoudre avec sang-froid. Il n’est jamais dans l’excès, c’est un calme », énumère « Titi » Guyon.
Et puis il a l’expérience dans la tenue d’épreuves nationales. Chaque hiver, le comité jurassien prend à sa charge l’organisation d’au moins une étape du calendrier de la coupe de France. Loïc Page est forcément aux manettes. Stéphane Bouthiaux confirme : « Je l’ai vu à l’œuvre ! C’est quelqu’un d’organisé et c’est vraiment quelque chose qui lui plaît. Il voulait prendre du recul sur l’entraînement et j’ai pensé que c’était dommage pour le biathlon français de se passer de ses compétences. »
Si le principal intéressé a pris un (petit) temps de réflexion, l’ancien entraîneur de Martin Fourcade n’avait aucun doute : « J’étais sûr que ça le ferait avec lui, c’était la personne idéale. »
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