Ce dimanche sur La Transjurassienne qu’il disputera sous les couleurs de la Sapaudia, Sylvain Guillaume aura peut-être une pensée pour un événement qui s’est déroulé voici déjà 25 ans. Le 12 février 1992, le Jurassien de Foncine-le-Haut décrochait la médaille d’argent olympique dans le concours de combiné nordique d’Albertville. Mais l’histoire fut d’autant plus belle que Fabrice Guy, son voisin de Mouthe décrocha l’or olympique sur cette même course. Un doublé olympique historique pour le combiné nordique français.
Retrouvez nos deux portraits diffusés dans Nordic magazine concernant les deux champions :
L’enfant de Mouthe
Le village du froid a bercé la jeunesse du champion olympique Fabrice Guy où ses attaches sont encore très fortes.
C’est un Meuthiard pur sucre. Comme ses parents, ses grands-parents et arrières grands-parents, Fabrice Guy a grandi à Mouthe, dans le haut-Doubs à deux pas de la Suisse. Ses origines lui valurent d’ailleurs le surnom médiatique affectif de “l’enfant de Mouthe” après son exploit sur les pistes olympiques de 1992 à Courchevel. Minot, Fabrice Guy passait beaucoup de temps avec son grand-père maquignon dans la ferme du Champ Vent sur les hauteurs verdoyantes du village. « Tout gosse, j’arpentais les rues de Mouthe en tracteur. Je participais au foin, j’allais faucher, endainer, presser… Le matin, on détachait les génisses, on barrait les clôtures, on allait au bois ou encore aux champignons. Quand j’avais 10 ans, c’était toute ma vie », raconte le combiné vainqueur de la coupe du monde en 1992.
Des sauts au tremplin de Mouthe
Son équilibre dépend alors de cette dose de nature quotidienne si bien qu’il pense un temps reprendre la ferme familial. Mais le sport va vite s’inviter dans sa vie, jusqu’à devenir indispensable. Avec une maman, Marie-Thérèse monitrice de ski et un papa, Alain, champion de France du 50 km, le gamin blondinet affiche déjà un sérieux potentiel génétique. Et surtout une énergie hors normes : « J’ai appris à marcher en faisant du ski, se souvient Fabrice. Ensuite, avec les copains, on se rendait au téléski de Mouthe en stop pour y faire de l’alpin et en même temps, quelques sauts sur le tremplin.» « Sur le tremplin de Mouthe, il exécutait trois sauts pendant que les autres n’avaient le temps d’en effectuer qu’un. Il n’attendait pas son tour ; il fonçait tête baissée. Il ne craignait pas les disputes et encore moins les punitions ; dans le quart d’heure qui suivait [une bêtise], il recommençait comme si de rien n’était », relate le journaliste Philippe Cheviet, auteur de la biographie du champion (1).
Village refuge
C’est grâce à cette envie et une volonté à déplacer des montagnes que le gamin de Mouthe décroche le Graal olympique. Avec toutes les turbulences que cela impliquent : « A ce moment-là, ça a beaucoup brassé autour de moi : les gens étaient fiers de leur champion et de leur village. Ça n’a pas été forcément facile à gérer. Pendant toute ma carrière, Mouthe est resté l’endroit où je pouvais me ressourcer auprès des gens qui ne m’ont jamais jugé et avec qui je pouvais partager quelques discussions sur le combiné ou d’autres sujets autour d’un café. C’est un lieu où je me suis toujours senti bien. » Et depuis qu’il a raccroché ses longs skis de saut au clou, Fabrice Guy y passe quasiment tous les jours pour se rendre sur son lieu de travail à Prémanon où il forme… la relève de demain. Tout un symbole.
(1) : “Fabrice Guy, l’empreinte d’un leader”, de Philippe Cheviet, Editions L’Alchimie, 196 p, 28 euros.
Sylvain Guillaume, l’enfant de Foncine
Sylvain Guillaume a grandi à Foncine-le-Haut et vient d’y épouser sa voisine d’enfance. Le vice-champion olympique de combiné nordique ouvre son album-souvenirs.
« Gamins, on était tout le temps dehors. Et avec le recul, je me rends compte de la chance que j’ai eu ! » Né à Champagnole le 6 juillet 1968, Sylvain Guillaume a grandi dans le village de Foncine-le-Haut : il garde un souvenir ému et heureux de son enfance. « A Foncine, c’était foot à sept durant l’été avec notre équipe championne du Jura en cadets et c’était ski l’hiver », résume cet ancien gardien de but !
A 8 ans, le jeune Jurassien découvre le saut sur le tremplin du village. « On faisait partie de grandes familles et nos parents nous laissaient faire des tas de choses, comme rejoindre le Creusot en vélo à 14 ans ! », se souvient-il.
Préférant « l’école par temps de pluie », Sylvain Guillaume passe son temps avec son regretté frère Bernard et les frangins Bohard. Il trace sa voie vers l’équipe de France de saut spécial où il côtoie Nicolas Jean-Prost. Jusqu’à intégrer la toute nouvelle équipe fédérale de combiné nordique à force de longs entraînements en ski de fond dans le secteur de Chapelle-des-Bois -une superbe piste porte aujourd’hui son nom. « On essuyait un peu les plâtres en fait : on faisait en gros 1000 heures d’entraînement par an, c’était considérable. »
Tourbillon puis solitude
Mais le Jurassien ne rechigne pas devant l’effort et en digne successeur de Jean-Paul Bohard -aligné aux Jeux olympiques de Calgary en 1988-, Sylvain Guillaume décroche son sésame pour Albertville… et la médaille d’argent du concours individuel derrière son copain Fabrice Guy, plongeant ainsi le massif jurassien dans une liesse populaire incroyable : « Les habitants de Foncine-le-Haut sont comme redevables à Sylvain de l’immense émotion qu’il leur a apporté pendant et après les Jeux olympiques », analyse son beau-père William Trachsel, par ailleurs coordonnateur de La Transjurassienne.
« Je me suis retrouvé dans un tourbillon pendant plusieurs mois après l’arrivée. Je garde des souvenirs très forts de la fête du 2 mai 1992 à Foncine-le-Haut », confirme l’intéressé. « C’était un moment très fort, exceptionnel même pour la population qui a vécu à 100% ce moment d’histoire, complète le maire Gilbert Blondeau. Avec Fabrice, ce sont les deux compétiteurs nordiques qui ont ouvert la voie des médaillés olympiques et inspiré la génération Sébastien Lacroix et Jason Lamy Chappuis ».
Après 18 ans en équipe tricolore et une nouvelle breloque olympique, le blondinet aux cheveux longs déchante : « Quand j’ai arrêté ma carrière, je me suis retrouvé tout seul, sans reconversion ni aide de la fédération, souffle-t-il. Beaucoup de choses se sont écroulées autour de moi, les jeunes doivent vraiment prendre garde à ça et garder les pieds sur terre. »
Parti à Annemasse où il est aujourd’hui douanier motard après avoir « démarré une nouvelle vie à partir de zéro », Sylvain Guillaume reste très attaché à son village. La preuve, il a épousé en juin dernier sa voisine d’enfance !
Photos : Agence Zoom et Nordic magazine –