JO | SKI DE FOND – Premiers enseignements de la quinzaine olympique avec Alban Gobert, le manager du Haute-Savoie Nordic Team dans lequel évoluent plusieurs skieurs ayant participé aux Jeux de Pyeongchang.
Dans les épreuves de ski de fond, les Français ont brillé lors de ces Jeux olympiques à Pyeongchang. Maurice Manificat, le chef de file des tricolores, a remporté deux médailles, le relais à renouveler l’exploit de Sochi et le sprint celui réalisé à Turin par Roddy Darragon (ne manquez pas son interview dans le nouveau Nordic Magazine). La moisson est belle.
Alban Gobert connaît bien ces athlètes qu’il croise au sein du Haute-Savoie Nordic Team qu’il manage.
Quelle analyse fait-il de cette quinzaine coréenne qui s’achève ce week-end ? Entretien.
- Maurice Manificat, Jean-Marc Gaillard, Clément Parisse… Vous les connaissez bien pour les côtoyer au sein du Haute-Savoie Nordic Team. Les savoir médaillés a dû combler le manager que vous êtes ?
Oui. C’est extraordinaire ! C’est une confirmation, après le premier exploit de Sochi. Cela montre tout le travail effectué dans le nordique depuis deux générations, aussi bien par le staff que par les fondeurs. A ce titre, Vittoz, Jonnier, Perrillat et Rousselet ont été l’avant-garde. Bien sûr, on pense notamment à Turin et Vancouver, où ils sont passés juste à côté. Mais c’était une étape déterminante dans leur ascension.
- Le ski de fond s’est retrouvé sous les projecteurs, à la une des journaux, dans les 20 heures des chaînes généralistes ? Comment l’empêcher de retourner dans l’ombre médiatique ?
Je ne sais pas. L’attention va forcément retomber. Pour qu’elle ne disparaisse pas complètement, il va falloir mener un travail de fond. Mais chacun semble avoir sa vision ce ce qu’il faut faire et ses priorités. Le biathlon, belle réussite en termes d’audience, a su trouver sa voie. Au fond de profiter de cette dynamique en jouant sa propre partition.
Un jour, les secondes basculent en ta faveur, un autre moins.
- La déception de Maurice Manificat après le 15 km a ému la France. Cette course restera dans la mémoire collective. Qu’a-t-il manqué au chef de file des tricolores pour monter sur le podium ?
Un peu de réussite. Il est fort, les conditions étaient réussies pour cela marche. Un jour, les secondes basculent en ta faveur, un autre moins. Je n’étais pas sur place, il y a peut-être des explications plus précises. Mais, ce qui est sûr, c’est que Maurice, avec toutes les places qu’il a décrochées (il a tout de même gagné deux médailles, ce qui ne s’était jamais fait en ski de fond), en équipe ou en individuel, fait définitivement partie des meilleurs au monde aujourd’hui. C’est cela qu’il faut retenir.
- L’or est-il inaccessible pour l’équipe de France ? Ou est-ce maintenant une question de temps ?
Si on remonte dans le temps, toutes les choses inaccessibles ont été réalisées, voire dépassées. Maintenant, l’avenir dépendra de l’évolution du nordique en France, des décisions qui seront prises par ses dirigeants. Au sein de HSNT, on ne s’est jamais mis de barrière. Au départ, les rêves sont peut-être éloignés, il nécessite de nombreuses étapes, mais ils sont réalisables. Nous avons souvent fait mieux que ce que nous imaginions au départ.
- La médaille de bronze du relais a été arrachée par deux générations de fondeurs. Cela a-t-il du sens pour l’avenir ?
Bien sûr. Ceux qui connaissent le fond en dehors des JO, savent qu’il y a une politique sportive qui fait que les jeunes tricolores sont performants à l’international, en juniors ou en U23. Je pense entre autres à Jules Lapierre qui a montré de belles choses aux Jeux. Tout cela est donc prometteur. Mais les bonnes dynamiques sont longues à mettre en place. Elles peuvent par contre rapidement être détruites.
- Les coéquipiers de Lucas Chanavat ont été déçus pour lui de sa non sélection pour le team sprint. Cette cohésion d’équipe a surpris le grand public. N’est-elle une évidence en ski de fond ?
Les journalistes ont en effet souligné cette solidarité et l’esprit d’équipe qui règne dans les disciplines nordiques. Mais les valeurs du ski de fond sont celles-ci. Ce sport est pratiqué à haut niveau par des gens simples qui vouent leurs jeunes années à la beauté d’un sport difficile. C’est toute cette âpreté, cette endurance à l’effort, cette acceptation de la souffrance et cette abnégation qui les soudent.
- Les décisions de l’encadrement ne sont pas toujours faciles à prendre… et à comprendre. Choisir un athlète plutôt qu’un autre est toujours compliqué, et humainement lourd de conséquences. Ne touche-t-on pas là à la complexité du rôle de coach ?
Le sport de haut niveau en général, le nordique en particulier, sont confrontés à cela au quotidien. Les incidences sont énormes, surtout quand il y a des médailles. L’athlète écarté se dit forcément que cela aurait pu être lui.
Le rôle de sélectionneur est donc compliqué. Cela l’est d’autant plus quand il est entraîneur, qu’il vit tout au long de l’année avec ses troupes. De facto, au moment de choisir qui va courir, il peut créer des tensions dans son groupe et entre lui et ses athlètes.
- Craignez-vous que Lucas Chanavat soit déstabilisé ou prouvera-t-il sur cette fin de saison qu’il a encore de la ressource et peut montrer de belles choses ?
Je pense que c’est dur pour lui aujourd’hui. Il est concrètement déçu de ne pas avoir pu courir. Au vu de ce qu’il a montré, je ne doute pas qu’il sera capable de claquer fort d’ici la fin de l’hiver, peut-être grâce à un esprit un peu revanchard.
- Après trois ans d’absence, les Françaises ont effectué un beau retour. Cela vous a-t-il surpris ?
Non. Quand elles ont disparu du paysage nordique français pour devenir mamans, elles étaient fortes. Ce sont des filles qui ont de grosses qualités. A partir du moment où elles ont mis les choses en place pour revenir à un haut niveau, il n’y avait pas de raison qu’elles ne réussissent pas. Le parcours n’a pas été un long fleuve tranquille et leurs résultats à Pyeongchang ne sont pas anodins compte tenu de leur palmarès.
Photo : HSNT