BIATHLON – Depuis 2011, Nordic Magazine publie, dans chacun de ses numéros, un long portrait consacré à un athlète. C’est à chaque fois l’occasion de mieux connaître celle ou celui dont on admire les exploits. Retrouvez ici l’article qui a été consacré, en décembre 2016, à Justine Braisaz.
Arçon (Doubs), deuxième étape du Samse Biathlon Summer Tour. Rendez-vous est pris avec Justine Braisaz. Après dix jours de stage dans le tunnel réfrigéré d’Oberhof, en Allemagne, elle veut profiter de l’extérieur, ne pas s’enfermer dans une pièce pour l’entretien, qui commence donc au milieu des champs, à deux pas du stade Florence Baverel, où elle vient de terminer son sprint. Le plein air est son décor quotidien, son terrain de jeu. La jeune femme vit en mode panoramique, sans filtre et sans retenue.
Un lien très fort avec ses sœurs
Les débuts de la compétitrice Justine Braisaz s’enracinent au club des sports des Saisies (Savoie). Son club, son massif, où ses parents, discrets comme cette terre sait les façonner, tiennent une exploitation agricole. Dans cette famille où le papa porte la tenue rouge de l’ESF, on vit au rythme des saisons et des trois filles aux yeux azur que le ski fait vibrer. Sarah, l’aînée, a été une slalomeuse talentueuse, empilant les titres de championne de France et les victoires dans les catégories minime et cadette. Avant de prendre une autre voie. Quand on évoque Léonie, la petite sœur (elle aussi biathlète, en première année de la catégorie U19), les yeux de la cadette s’illuminent. Entre elles, le lien est fort, entier : « Léonie m’apporte beaucoup, elle est pleine de fraîcheur. J’aime passer du temps avec elle. Elle travaille consciencieusement, sans se prendre au sérieux et c’est une qualité que j’aime bien ! ». Victoire, la maman, confirme ce lien sororal très fort : « Toutes les trois, elles sont très complices. Sarah était dans le ski de compétition, elle a arrêté et sait les sacrifices qu’elle n’a pas voulu faire. Avec Léonie, évidemment, il est beaucoup question de biathlon. Justine et elle se comprennent très bien ».
Fille de producteurs de Beaufort, la double vice-championne du monde de relais est attentive à ses origines savoyardes. Dès qu’elle le peut, elle aide d’ailleurs ses parents à la ferme. Un retour aux sources vital pour celle qui, à son niveau, aime à prendre soin de la nature.
Très nature
C’est l’une des composantes de sa vie. Elle est attentive aux « petits gestes qu’on fait au quotidien », aux réflexes bénéfiques : « Ramasser les papiers par terre quand je suis en montagne, c’est normal, c’est simple et ça me fait du bien. » Sa maman confie : « Elle tient ça de son papa. » Dans l’équipe de France, elle a trouvé une oreille attentive auprès de Marie Dorin-Habert, les deux femmes échangeant souvent sur le sujet. Elle ne culpabilise pas pour autant à passer son hiver entre avions, hôtels et fart fluorés, « parce que j’aime tellement le biathlon ».
Après une première année à étudier la langue russe, la jeune femme s’est tournée vers des études de biologie à Grenoble, pour comprendre le monde qui l’entoure. Elle n’en oublie pas pour autant celles et ceux qui peuplent la planète. Bien au contraire. La Hautelucienne est d’ailleurs revenue changée de son expérience humanitaire au Népal ce printemps. Dix jours pour revenir un peu à l’essentiel, pour se recentrer sur de vraies valeurs. « Elle a dû se débrouiller un peu toute seule, je crois que ça lui a fait du bien de se retrouver en autonomie, de prendre ses décisions, ses responsabilités », constate sa mère. Dix jours au cours desquels elle a eu le sentiment d’avoir beaucoup plus appris que donné. Justine Braisaz est comme ça, à s’excuser souvent.
Julien Bouchet, son entraîneur du Comité de Savoie, observe qu’elle « émet beaucoup de réserve sur ses capacités, c’est une façon de se protéger. Elle est attentive à ne pas écraser les autres et ne cherche pas le leadership. Ce n’est pas sa façon de fonctionner. » Au contraire, elle a besoin des autres pour avancer et « elle réfléchit beaucoup, elle a besoin de comprendre, au contraire de certains athlètes qui se contentent d’une bonne recette ». Bérangère, l’une de ses amies les plus proches, le confirme : « Justine aime se sentir utile, savoir qu’elle apporte quelque chose au monde, et elle a le cœur sur la main ».
« Elle n’a jamais vraiment douté »
« J’ai un problème avec l’image que je renvoie, j’ai longtemps pensé que le biathlon n’était pas très utile, voire futile, mais je le fais parce que c’est ma passion ». En disant cela, la sportive de vingt ans cherche à ne pas prendre trop de lumière, trop de place, alors que son entrée dans le groupe A (l’élite du biathlon français) l’a amenée à s’affirmer face à des athlètes confirmées. Une prise de conscience et d’épaisseur qu’elle a vécue comme un déclencheur. Attention toutefois à ne pas s’étendre sur un palmarès qui comporte déjà de belles lignes. La douanière n’est pas une fille de statistiques, ni de record. Les chiffres ne l’intéressent pas, ce qui amuse encore Julien Bouchet : « Quand elle a passé son Bac S, je lui ai dit qu’elle s’était trompée de filière ! ».
Son arrivée dans le biathlon ne s’est pas faite par admiration pour des champions, elle y est venue à l’instinct, guidée par une attirance naturelle pour cette discipline. Richard Loosen, son entraîneur des Saisies, s’en souvient : « Elle n’a jamais vraiment douté. » De ses années comité, Julien Bouchet retient « qu’elle a été motrice dans le développement de notre méthode d’entraînement et que ça a profité à l’ensemble du groupe ». Un lien fort s’est depuis tissé entre eux, fait de valeurs communes. Un attachement gratifiant pour les deux entraîneurs savoyards.
De l’avis de ses proches, Justine Braisaz est quelqu’un d’exigeant avec elle-même, une vraie compétitrice que la défaite rebute. De son propre aveu, il n’y a pas assez d’heures dans une journée pour faire tout ce qu’elle voudrait. Elle aime que la vie bouge, elle a besoin d’énergie et de vitalité. Elle trouve cela dans la musique, dans la vibration de la folk, dans la frénésie de la musique irlandaise, dans la voix envoûtante de la chanteuse de Florence and the Machine. L’entraînement, la compétition, c’est sa vie, son rythme interne. Et elle s’excuse déjà de penser à l’après…
Impatiente mais pas pressée
On ne peut évoquer Justine Braisaz en passant sous silence son côté tête en l’air. Dans sa vie, comme dans les stades, l’étourderie est une caractéristique intrinsèque, comme en témoignent ses proches : « C’est ce qui fait son charme, on rigole toujours des péripéties qui lui arrivent. » Mais n’y voyez pas une quelconque forme d’immaturité ! Pour Bérangère, « Justine a toujours été très mûre, pas uniquement dans son comportement, mais aussi dans les conversations que l’on peut avoir avec elle, c’est toujours très constructif ».
Celle qui a grandi avec vue sur le Mont Blanc pose un regard lucide sur sa carrière, prenant bien conscience que c’est un apprentissage long : « En ce qui concerne la préparation, il y a eu des caps de passés. Le travail paye, rarement à la semaine ou dans le mois qui vient, ça peut prendre des années ». Construire une biathlète de très haut niveau mondial prend du temps, mais Julien Bouchet en est persuadé, Justine Braisaz « est capable d’être très forte derrière la carabine. Son tir debout est un tir d’instinct qui fonctionne plutôt bien, peut-être qu’elle gamberge encore un peu trop sur le tir couché. » Et c’est de sa propre bouche que l’on tire peut-être la meilleure conclusion sur elle : « Je suis impatiente, mais pas pressée… »
Cet article est paru dans Nordic Magazine #21 (décembre 2016)
Photos : Nordic Focus
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1 Commentaire(s)
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dierick
03/02/2018 à 16 h 19 min
je trouve que c’est une grande personne ,intelligente et elle sait ou elle va , elle dit les choses telles qu’elles sont , c’est beau de voir que c’est quelqu’un qui est trés proche de sa famille et prête a l’aider des qu’elle peu , ça seras une grande athléte confirmée, bravo pour tout