SKI DE FOND – L’Engadine, épreuve grisonne, devenue mythique, va vivre sa 50e édition le deuxième dimanche de mars.
Quand on évoque le marathon de l’Engadine, c’est d’abord une image qui s’impose devant les yeux : cette véritable marée humaine de plus de 10 000 skieurs et skieuses, partie de Maloja, qui envahit les lacs gelés et enneigés de Sils, puis de Silvaplana, dans le décor de rêve incomparable de la Haute-Engadine. Depuis sa création, en 1969, cette course populaire s’est élevée au rang de mythe parmi les épreuves de ski de fond et la beauté des paysages à plus de 1 800 m d’altitude n’y est pas étrangère.
1000 concurrents au premier Engadine
Au cours de l’année 1968, les quelques passionnés qui décidèrent de créer le marathon de l’Engadine ne s’imaginaient pas que leur manifestation connaîtrait immédiatement un aussi beau succès. Ils se doutaient bien que le ski de fond, encore peu connu et peu pratiqué en Suisse malgré les médailles olympiques de Sepp Haas et Alois Kälin aux JO de Grenoble en 1968 [lire Nordic Magazine n° 25], était promis à un bel avenir, en particulier en ce lieu idéal qu’est l’Engadine. Mais quelle n’a pas été leur surprise de constater que près de 1 000 concurrents étaient au départ le 16 mars 1969.
Le coup d’essai avait été une réussite et la suite des événements allait conforter les organisateurs dans leur idée que leur compétition était promise à un bel avenir.
Pour la deuxième édition, en mars 1970, ce sont plus de 2 000 concurrents qui sont accourus. En 1971, le nombre avait encore doublé : plus de 4 000. Et cinq ans plus tard, en 1976, le cap des 10 000 coureurs était franchi. Plus jamais il n’est redescendu en dessous. Il faut dire que le rendez-vous a rapidement pris une dimension internationale. Depuis quelques années, on compte plus de 13 000 participants, venus d’une soixantaine de pays. C’est la course populaire la plus importante de Suisse et la deuxième au niveau mondial.
Pour les fondeurs suisses, qui représentent entre 75 et 80 % du peloton, le marathon de l’Engadine, c’est une épreuve qui compte beaucoup. À commencer par le plus célèbre d’entre eux, Dario Cologna. Au milieu de ses médailles olympiques et mondiales et de ses globes de cristal, l’épreuve engadinoise, qu’il a remportée à trois reprises, occupe une place de choix. « C’est le premier grand succès de ma carrière, rappelle le skieur du Val Müstair qui, au dernier Tour de Ski, a connu la joie de remporter deux triomphes à domicile. Je l’oublie d’autant moins que c’était le 11 mars 2007, le jour de mes 21 ans. » Et d’ajouter : « C’est toujours un plaisir de venir courir le Marathon. Malheureusement, je ne pourrai pas être présent cette année car il y a la coupe du monde à Oslo en même temps. »
Ce 11 mars 2007 est aussi à marquer d’une pierre blanche dans la carrière de Laurence Rochat, marraine de Nordic Magazine, puisqu’elle a remporté le Marathon féminin ce jour-là. « C’est une de mes plus belles victoires, dit-elle. J’ai chaque fois eu un sentiment particulier en disputant cette course car l’ambiance y est si magnifique, en particulier au départ. Et j’ai toujours obtenu des bons résultats. Mais pour nous Suisses, il y a une certaine pression quand on joue la gagne. On ne veut surtout pas se rater. »
Faivre-Picon… après Balland
Coureur de coupe du monde dans les années quatre-vingt, Daniel Sandoz a également une relation très forte, non seulement avec le marathon qu’il a remporté en 1987 et en 1992, mais aussi avec l’Engadine puisqu’il s’est installé dans la région il y a une vingtaine d’années. « Même quand je courais en coupe du monde, j’ai toujours eu un faible pour le marathon, souligne le Neuchâtelois. Maintenant, j’en suis à trente participations. Et plus de dix fois, j’ai terminé dans les dix premiers. »
Mais point n’est besoin d’être Suisse pour ressentir une attache particulière pour cette épreuve. Anouk Faivre-Picon est là pour le confirmer. Avec trois victoires en 2012, 2015 et 2016, elle est la skieuse étrangère qui s’est le plus souvent imposée. « Le marathon, je l’adore, lâche la skieuse de Pontarlier. C’est une course qui me faisait rêver depuis longtemps car mon papy est allé souvent skier en Engadine. En plus, elle se déroule dans un paysage majestueux. » Et d’expliquer comment elle s’est retrouvée au départ : « Comme je n’étais pas sélectionnée en coupe du monde, je me suis inscrite… et j’ai gagné. Cette victoire, je la dois beaucoup à Emmanuel Jonnier qui était venu avec moi. Sa bonne humeur, son expérience, ses qualités de farteur m’ont si bien aidée que j’ai voulu lui donner mon trophée, mais il ne l’a pas voulu. Alors, la deuxième fois, quand je me suis retrouvée au sprint avec Seraina Boner, j’ai pensé très fort à Manu en me disant que cette fois, je lui donnerai le trophée et on en aurait ainsi chacun un. Avant ma troisième victoire, j’ai dit à Hervé Balland, qui a gagné trois fois dans les années quatre-vingt-dix, que je voulais l’égaler. Et j’y suis parvenue. »
> Cet article est paru dans Nordic Magazine n°26.
Photos : Swiss Images