BIATHLON – Au lendemain de sa dernière course en coupe du monde à Oslo, Marie Dorin-Habert est l’invitée exceptionnelle de Nordic Magazine. La Dauphinoise tourne la page sereine et apaisée. Entretien.
- Marie Dorin-Habert, quels sentiments vous sont passés en tête sur cette poursuite d’Oslo, la dernière course de votre carrière ?
Je suis restée concentrée et me suis battue jusqu’au bout. Malgré une année particulière et une forme sur le skis en deça des autres saisons, j’ai pris cette course très à coeur. C’était très bien mais en fait, la décision d’arrêter fut prise depuis tellement longtemps, que je n’ai pas eu tant d’émotions que ça avant et pendant la course.
Je suis très contente et très en phase avec moi-même de terminer sur un site que j’adore, avec mes proches près de moi. Je suis une grande chanceuse d’avoir eu cette carrière.
- La dernière arrivée, les derniers tirs, le dernier passage devant les médias en zone mixte, les dernières embrassades sur la ligne d’arrivée dont vous avez beaucoup profitez… Vous réalisez désormais que la fin de votre vie d’athlète est arrivée ?
J’ai réalisé longtemps à l’avance que c’était fini. Dimanche, j’ai juste profiter au maximum mais dans ma tête, le vrai adieu, c’était après le relais dames de Pyeongchang. C’est une course que j’avais cochée de longue date, qui n’était pas gagnée d’avance et sur laquelle on a glané une belle médaille.
Du coup, depuis deux semaines, ce n’est que du plaisir. Je suis bien consciente de la chance que j’ai eu de vivre tous ces moments, de faire toutes ces rencontres avec des personnes qui nous entourent et nous permettent d’aller au plus haut-niveau. Je remercie vraiment tout le monde pour ce parcours…
Le vrai adieu, c’était après le relais dames de Pyeongchang
- Terminer à Oslo, un site que vous adorez, avec une victoire sur le relais dames, ressemble à une sortie rêvée… Imaginiez-vous ce genre de fin de carrière en compagnie de votre famille venue sur place ?
Je savais que ma famille allait venir, c’est aussi une des raisons qui fait que j’arrête à Oslo, plutôt qu’à Tyumen. C’était vraiment une belle journée, avec le beau temps : j’ai rarement vu Oslo dans de si belles conditions météo. Le relais a été fabuleux et c’est avec beaucoup de plaisir que j’ai partagé ces émotions et cette victoire avec les filles. Je suis très heureuse, très sereine mais très contente d’arrêter.
- Cette saison, vous avez connu un concentré de ce qu’est finalement le biathlon : des très hauts avec la médaille d’or olympique du relais mixte, des très bas avec vos doutes en décembre et janvier. Quel regard portez-vous sur cette dernière saison ?
Cette saison s’est faite dans la douleur avec des premiers mois compliqués. Il y a eu aussi cette sélection olympique à gagner, alors que je n’imaginais même pas avoir à la disputer au vu des hivers précédents. Mais on a une belle équipe de France avec des personnalités très fortes…
De fait, le combat a été compliqué surtout que depuis l’hiver passé, je suis très fatiguée. J’ai du mal à me remettre des entraînements, des courses, et rien que pour ça, je fais bien d’arrêter car je me sens bien incapable de continuer une année de plus.
Se donner à fond pour quelque chose qu’on aime
- Au delà d’un palmarès incroyable, quelles valeurs retiendrez-vous de cette décennie passée au plus haut-niveau sportif ?
Le sport de haut-niveau nous apprend énormément de choses : comment gérer l’échec, aller toujours plus loin dans l’effort, chercher les détails pour progresser, partager le tout avec son entourage, vivre ensemble…
En fait, c’est un ensemble de choses que je suis très contente d’avoir pu connaître. La plus belle valeur, c’est de se donner à fond pour quelque chose qu’on aime. Même parfois dans la douleur de l’effort, pour aller chercher de beaux résultats…
- Vous semblez sereine d’autant que vous avez parfaitement préparé votre après-carrière après le projet hôtelier que vous partagerez avec votre mari Loïs et Robin Duvillard. Cette « assurance » a-t-elle pesé au moment de prendre votre décision ?
Non pas vraiment dans le sens où Zecamp était lancé avant. Je prends cette décision car je n’en peux plus de partir. C’est devenu très compliqué vis à vis de ma fille… A chaque fois, j’ai l’impression de trahir la confiance qu’elle a en moi, l’impression que la famille attend de moi. J’ai le sentiment de ne plus arriver à gérer les deux : le sport et la famille. J’ai envie de pouvoir leur accorder plus de temps parce que ma famille m’en a donné beaucoup durant ma carrière. C’est un juste retour des choses.
Concernant notre projet, on a vraiment à coeur de le porter ensemble, avec mon mari et Robin. D’apporter notre petite touche. Ce sera un nouveau départ compliqué mais plein d’émotions pour nous trois. On va essayer de s’épanouir là dedans comme on a pu s’épanouir durant nos carrières.
- Marie Dorin-Habert, on vous voit bien sûr aux championnats de France pour fêter votre fin de carrière avec la grande famille du nordique ?
Oui bien sûr, je serai à Prémanon. Pour courir avec le comité, avec les jeunes, pour tous les gens qui nous supportent depuis longtemps. Ce sera différent de ce week-end en coupe du monde, mais ce sera aussi une jolie fête ! Juste avant Prémanon, je participerai à mon dernier tournoi des Douanes.
Photo : NordicFocus