BIATHLON – Six mois après sa maternité, la biathlète des 7 Laux Marie Dorin-Habert se hisse au sommet mondial de son sport. Gros plan sur un retour gagnant.
Retour gagnant de Marie Dorin-Habert
Décrocher deux titres mondiaux en deux jours, peu de sportives françaises ont réalisé un tel exploit. C’est pourtant la performance de haut vol de la biathlète Marie Dorin-Habert à Kontiolahti (Finlande) le week-end des 7 et 8 mars derniers, en sprint et poursuite. Et ce, six mois à peine après avoir donné naissance à une petite fille.
Le dimanche, l’image de la dernière ligne droite de la jeune maman de 28 ans, radieuse, le drapeau tricolore à la main, a marqué les esprits. Deux mois après avoir repris la compétition, elle confirmait sa place de leader du biathlon tricolore. « C’est même l’une des meilleures biathlètes du monde, corrige Julien Robert, l’entraîneur du groupe national. Elle est naturellement la locomotive de l’équipe de France féminine de biathlon, comme Martin Fourcade l’est chez les garçons. »
Ce résultat, auquel il faut ajouter deux médailles d’argent glanées en relais, n’a pourtant pas vraiment surpris ses proches. « Je ne suis pas étonnée de la voir gagner. C’est une bosseuse et elle a aujourd’hui la maturité qui lui était nécessaire », explique Sandrine Bailly, son aînée avec laquelle elle a partagé sa chambre lors des Jeux olympiques de Vancouver. « C’était dans la logique des choses. Elle ne se prend pas au sérieux, tout en faisant le travail sérieusement », note pour sa part Justine Braisaz, sa cadette et colocataire aux Mondiaux de Kontiolahti. « Elle est perfectionniste, presque à l’extrême », souligne encore Julien Robert.
« Je n’ai pas l’impression d’avoir un métier »
Quand elle aborde l’exercice de l’interview, Marie Dorin-Habert est telle que l’on peut l’imaginer : nature ! Un dimanche après-midi pluvieux de mai, à Lans-en-Vercors (Isère), son mari Loïs et sa fille Adèle à côté d’elle, elle est directe, drôle, franche. Elle partage ses projets avec une vivacité d’esprit peu commune. « Je n’ai pas l’impression d’avoir un métier, lâche-t-elle. Enfin, des fois si ! Comme en ce moment quand il pleut. Mais, à la base, le biathlon, c’est quand même une passion. »
La jeune femme n’est dupe de rien : « La grossesse, l’enfant, le retour : c’est une belle histoire pour les journalistes, je peux comprendre. Mais, à la base, nous ne pratiquons pas le biathlon pour la gloire. Et même si je fais un peu le buzz, cela reste du sport. » Des propos que conforte Sandrine Bailly : « Sa motivation, ce n’est pas du tout la gloire. Elle cherche la reconnaissance de son travail. »
Redoutable compétitrice, travailleuse acharnée, Marie Dorin-Habert puise aujourd’hui l’essentiel de sa force dans sa famille. « Mon mari [Loïs Habert, ex-biathlète, ndlr.] n’est pas mon entraîneur, mais je lui dois beaucoup, parce qu’il m’aide au quotidien et me soutient. Il a l’expérience de l’athlète et du coach. »
Depuis septembre 2014, Marie et Loïs sont donc devenus parents : « C’est super ! » Elle dit avoir appris « avec beaucoup d’étonnement » que le monde ne tournait plus autour d’elle. « Depuis qu’Adèle est née, je suis plus consciente de ce que signifie aller m’entraîner ou partir à l’étranger. Ce n’est plus comme avant. Du coup, je ne quitte pas la maison pour rien. Si je continue, c’est parce que j’obtiens des résultats. Quand je ferai une saison moyenne, j’arrêterai parce que le biathlon demande trop de sacrifices. » Elle nourrit dès lors encore plus d’envie. D’autant que d’autres ont ouvert la voie : « J’avais beaucoup discuté avec Liv Grete [biathlète norvégienne, ex-épouse de Raphaël Poirée, trois médailles olympiques, huit titres de championne du monde et un globe de cristal à son actif, ndlr.] qui a eu un retour de grossesse éclatant en 2004. Elle a tout remporté cette année-là. »
Son équilibre, Marie le trouve également dans les différents projets qu’elle arrive à mener de front. « Elle fait beaucoup de choses à côté du biathlon. Elle ne fait pas comme certains champions qui sont sur un nuage, elle a une notion claire de l’après », souligne Sandrine Bailly. « Quoi qu’elle fasse, c’est à fond. Elle est à 100 % pour sa fille, 100 % pour le biathlon et 100 % pour les études. Cela peut être dangereux, mais elle sait toujours rebondir vite », résume Julien Robert. « C’est vrai que j’ai tendance à accumuler, reconnaît l’intéressée. Normalement, il me reste six mois de stage pour valider mon Master. » Et après ? « Nous habitons dans le Vercors, c’est un endroit que j’aime, auquel je suis bien attachée. Trouver un métier ici plus tard dans l’environnement, c’est un peu le challenge. »
Une nouvelle ambition
En attendant, Marie Dorin-Habert a repris le chemin de l’entraînement, elle est déjà tournée vers le prochain hiver. « J’ai énormément progressé la saison de préparation des Jeux olympiques de Sotchi. Je pense que j’ai réussi à augmenter beaucoup de mes paramètres physiques. J’ai aussi amélioré mon tir. Et la grossesse m’a finalement permis de me reposer et faire fructifier ces acquis », analyse-t-elle. L’objectif en 2016, ce seront bien sûr les Mondiaux d’Oslo.
En une année, la Dauphinoise a changé : « Elle a grandi, elle a mûri », indique Sandrine Bailly. Elle assume son statut et affiche ses objectifs. Pour Loïs Habert, « elle est bien consciente qu’elle est potentiellement la troisième ou quatrième mondiale ». Ce que confirme, en d’autres termes, Julien Robert : « Maintenant, elle sait qu’elle peut être ambitieuse. Elle n’ira pas sur les coupes du monde pour faire dixième. C’est un discours qu’elle n’avait pas avant. »
Marie Dorin-Habert aborde donc la saison avec un nouveau statut. « La grosse nouveauté, ce sont ses titres de championne du monde qui font qu’elle est extrêmement attendue », souligne Loïs Habert. « Je suis la plus vieille de l’équipe de France, je suis maman, et, en plus, j’ai obtenu de très bons résultats l’an dernier. Donc oui, maintenant on peut dire que je suis la leader chez les filles. » « Elle fait du bien au groupe, elle amène de l’énergie, quelque chose de positif, souligne Julien Robert. Elle montre qu’une Française peut aller chercher des médailles. »
De dix ans sa cadette, c’est peut-être Justine Braisaz qui résume le mieux Marie Dorin-Habert et son rôle actuel. « Elle est la leader du groupe, de fait. Mais je n’aime pas trop établir une hiérarchie. Je préfère dire qu’Anaïs et Marie sont un peu nos parents ! Elles sont différentes, ont toutes les deux un bon caractère, sont déterminées et amies dans la vie. Marie m’apporte beaucoup humainement, elle est profonde et sensible. Au-delà de ses résultats, c’est motivant. Être dans l’équipe avec elle, c’est plus qu’une chance, c’est un privilège. »
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Portrait publié dans Nordic Magazine #15 en juin 2015
Photos : Nordic Focus, Agence Zoom, Nordic Magazine.