« C’est pour nous légitime de nous impliquer dans le nordique. » Christophe Beau, qui dirige avec son frère Christophe, l’entreprise Julbo fondée à Morez et désormais installée à Longchaumois, près de Saint-Claude, pourrait laisser croire que le lunetier jurassien s’est engagé très tôt dans cette disicipline, poussé par un environnement entièrement dédié au ski et ses dé. Il n’en est rien. L’histoire est récente, remonte à deux années quand la PME va célébrer son 125 anniversaire l’an prochain.
Une histoire à raconter”
Chez Julbo, où l’on cultive l’esprit d’« indépendance », de l’aveu même de son dirigeant, on ne cède pas aux évidences trop évidentes, on ne s’engage pas sans une vraie réflexion. « Nous sommes une marque qui a des valeurs qui lui sont propres », confirme Benjamin Thaller, directeur marketing. Et d’ajouter : « Nous avons des choses à raconter ». Si ce n’est pas le cas, elle préfère se taire. Ou attendre d’avoir le bon scénario sur la table.
Alpinisme historiquement, voile avec une belle et longue fidélité (réciproque) avec Franck Cammas, trail running avec le mythique Dawa Sherpa, VTT avec les deux voisins que sont François Bailly-Maitre et Alexis Vuillermoz, freeride avec Enak Gavaggio … Tous ces sports, tous ces noms sont synonymes, selon lui, de « joie de vivre », d’« audace », de « partage et de rencontre ». « On essaie de travailler de manière étroite avec les athlètes », glisse-t-il.
Dans le nordique, où Julbo a rejoint le pool de la Fédération française de ski — « on en est très fiers », glisse au passage Lucie Lacroix, sponsoring manager —, les champions témoignent de cette écoute, de cette attention et de cette proximité. « On vient souvent ici », confie le combiné Sébastien Lacroix.
Conception avec les athlètes”
Ce ne sont pas (que) des visites de courtoisie ! « Nos produits sont validés par les athlètes », explique Benjamin Thaller. « Nous partons d’une feuille blanche pour dire ce que l’on attend techniquement d’une lunette », complète Alexandre Rousselet, vainqueur notamment de la Transjurassienne, qui laisse le design aux vrais professionnels. La suite est facilitée par une particularité avancée par Christophe Beau : « Nous avons la maîtrise du développement de l’idée au produit. » Julbo fabrique aussi ses outillages : « Cela nous permet de prendre des risques ». Tout comme d’étendre sa propre force commerciale (depuis le 1er janvier en Autrice et à partir du 1er juillet dans le Bénélux, en plus de la France, de la Suisse et de l’Allemagne). 75 % de la production sont réalisés en Europe, dont Oyonnax et le village haut-jurassien.
Sniper, l’arme absolue des biathlètes”
Ainsi est né le premier masque Julbo à écran photochromique Zébra ou encore Sniper, l’arme absolue du biathlète avec sa visière qui se relève totalement et facilement lors du tir. « J’ai participé à son élaboration », raconte Martin Fourcade, dont le palmarès n’est plus à énumérer tant il est prestigieux : « C’est essentiel d’aborder les compétitions avec les meilleurs produits ». En souriant, il résume : « avec Julbo, je suis passé de la 5e place mondiale à la première ». Simon, son grand frère, a, lui, constaté qu’il a réussi ses podiums avec Sniper. « Ils sont réceptifs », dit encore la fondeuse Aurore Jean en parlant des entrepreneurs et de leurs équipes qui ont généré un chiffre d’affaires de près de 20 millions d’euros, rien que sur la marque Julbo.
« Les frères Fourcade la font connaître dans le monde entier », constate non pas l’un des représentants de la société franc-comtoise, mais Sébastien Lacroix, membre de l’équipe de France A de combiné nordique. « Aujourd’hui, on travaille pour développer un nouveau produit », glisse au passage le sportif, qui n’a pas oublié le cadeau offert pour la coupe du monde à Chaux-Neuve (Doubs) l’hiver dernier : un masque bleu-blanc-rouge. Un geste qui a d’autant plus de valeur quand on se rappelle ses prouesses sur ses terres.
Une marque française
Preuve aussi que l’histoire n’est pas terminée, avec d’autres personnalités qui rejoignent la famille, à l’exemple de Jean-Guillaume Béatrix (biathlon) ou encore de la jeune génération (citons Ronan Lamy-Chappuis), et de la R&D en constante ébullition. « Ils ont dû souvent nous détester », plaisante le team dont les exigences sont technologiquement contraignantes et poussées.
La Pontissalienne Anouk Faivre-Picon engage enfin un discours plus patriotique : « Je suis bien contente d’être sponsorisée par une marque bien de chez nous. » « C’est important que ce soit une marque française », confirme Alexandre Rousselet. A cela, Christophe Beau n’a qu’une réponse : pour lui, insiste-t-il, c’est essentiel de soutenir des « gens authentiques ».
