SKI DE FOND – Pour briller au plus haut niveau mondial du ski de fond, la Bernoise Nathalie von Siebenthal, 24 ans, a besoin de se ressourcer régulièrement en travaillant à la ferme familiale.
« Le ski de fond, je l’ai toujours considéré comme un hobby. » Voilà des mots qui ne manqueront pas de surprendre, venant de celle qui a terminé au pied du podium du skiathlon des derniers championnats du monde de Lahti (Finlande) et qui rêve de titiller la suprématie scandinave lors des prochains Jeux olympiques de PyeongChang. En vérité, ils nous éclairent sur la personnalité de Nathalie von Siebenthal.
La Suissesse de 24 ans est consciente qu’elle appartient à l’élite mondiale, mais elle n’est pas dévorée par l’ambition de réussir à tout prix. Surtout, elle n’a pas envie de s’éloigner de ses racines paysannes. La famille a toujours joué, et joue encore, un rôle important dans sa vie. C’est avec son père qu’elle a découvert les plaisirs de la glisse. « Il a couru à un niveau régional, puis il est devenu entraîneur des OJ [moins de 16 ans, ndlr.] de la région de Saanen-Gstaad, explique-t-elle. Comme deux de mes sœurs, j’ai commencé le ski de fond et c’est lui qui s’est occupé de moi jusqu’à ce que j’entre dans les cadres de Swiss-Ski. »
Le parcours de la jeune femme a quelque chose d’atypique. Sur le plan sportif déjà, Nathalie von Siebenthal donne l’impression d’être parvenue à son niveau actuel presque sans le vouloir vraiment, sans plan de carrière en tout cas. « Quand j’ai commencé, je n’imaginais pas que j’arriverai si haut car je n’ai jamais eu pour but d’être tout devant », fait-elle remarquer. « On a vu assez rapidement qu’elle avait des capacités, mais sans savoir évidemment jusqu’où cette facilité la mènerait, relève son père, Christian. Si on projette tout de suite d’arriver tout en haut, on n’a que peu de chance d’y parvenir. » Et sa fille de reprendre : « J’ai choisi ce sport d’abord pour le plaisir qu’il me procurait et je suis toujours dans cet état d’esprit aujourd’hui, même si je suis parvenue dans l’élite mondiale. C’est un parfait complément à ma vie à la ferme. »
L’appel de la nature
Quand la Bernoise évoque le sujet, ses yeux brillent au moins autant qu’en parlant de sa discipline nordique. « Je n’aimerais pas être dans cette situation, mais si je me retrouvais contrainte de devoir trancher entre la paysannerie et le ski de fond, ce n’est pas le sport que je choisirais, lâche-t-elle. Je ne me vois pas faire du sport à 100 %. » Depuis l’enfance, elle n’a jamais eu d’autres envies que de devenir agricultrice. « J’adore être tout le temps dans la nature et la relation qui se noue avec les animaux, précise-t-elle. Quand on leur fait du bien, ils se montrent reconnaissants. »
À 16 ans, Nathalie von Siebenthal a donc tout naturellement entamé un apprentissage dans cette profession. La première année dans une ferme de sa région, puis la deuxième dans les Montagnes neuchâteloises, tout près de La Brévine. « J’avais déjà rencontré Nathalie dans des courses de ski de fond et, un jour, elle est venue me demander si elle pouvait venir travailler avec moi, explique Philippe Jacot, agriculteur à La Brévine et ancien skieur. Sur le moment, j’avoue que j’ai hésité parce que c’était une fille, mais je dois maintenant dire que sur les treize apprentis que j’ai eus, elle a été l’une des meilleurs. Je craignais qu’elle se retrouve empruntée avec nos grosses machines car, chez son père, elle travaille surtout dans des alpages. Or, elle n’a eu aucun problème. Et elle a un feeling incroyable avec le bétail. Elle est douée dans tout ce qu’elle touche. C’est vraiment une fille forte dans sa tête. »
Ce n’est donc pas du hasard si Nathalie von Siebenthal a grimpé également dans la hiérarchie mondiale du ski de fond. Mais ce n’est qu’à partir de l’âge de vingt ans qu’elle a vraiment commencé à se faire remarquer. « Entre 2009 et 2012, j’étais en apprentissage, donc je me suis moins entraînée », dit-elle. C’est son titre mondial de skiathlon dans la catégorie U23, début 2015, à Almaty, au Kazakhstan, qui l’a vraiment révélée. Et depuis, elle n’a fait que progresser.
Consciente de ses limites
« Nathalie a de grosses capacités d’endurance et est très solide mentalement, relève Peter von Allmen, l’entraîneur de l’équipe féminine. Avec ces atouts, dans le ski de fond féminin, on peut déjà aller loin. » Bien sûr, par rapport aux grosses pointures, à commencer par la Norvégienne Marit Bjoergen, elle manque de puissance et sa technique est loin d’être parfaite. Elle a donc encore une marge de progression. « Je suis consciente des limites qui sont les miennes sur le plan technique, en particulier en style classique, souligne-t-elle. Je travaille pour m’améliorer, mais j’ai un petit problème au niveau des genoux qui sont un peu en X. Au niveau de la force, je m’entraîne sans pour autant aller très haut dans les intensités. Je ne serai jamais hyper-musclée comme certaines. »
Pour le coach, il est important de tenir compte des qualités spécifiques de l’athlète. « Sous prétexte de la faire progresser techniquement, on ne va pas lui faire changer fondamentalement sa manière de skier. C’est dans le soin des détails qu’on peut corriger certaines choses. Il faut qu’elle sente par elle-même que ce qu’on lui propose va lui être bénéfique, le but étant qu’elle élimine le plus possible ces petits mouvements parasites qui coûtent inutilement de l’énergie. »
Pour Christian von Siebenthal, son père, « si on compare le nombre d’heures d’entraînement de Nathalie par rapport à celui de ses rivales, elle a presque trop de succès. » Mais de s’interroger si, en se préparant davantage, sa fille aurait des meilleurs résultats : « Ce n’est pas du tout certain, sachant que le travail à la ferme est très important pour son équilibre. »
Ce besoin d’être en contact avec la nature est décidément vital pour Nathalie von Siebenthal. « Quand je m’entraîne, je n’ai jamais d’écouteurs dans les oreilles car la musique me coupe de ma relation avec la nature. Et si je veux aller faire les foins plutôt qu’un entraînement, je n’hésite pas. »
Pour autant, l’idée de bousculer les grandes favorites lors des prochains Jeux olympiques de PyeongChang lui trotte dans la tête. Depuis février dernier et son quatrième rang du skiathlon des championnats du monde de Lahti (Finlande), elle a pris conscience que c’était possible. « J’avoue que cette quatrième place m’a ouvert les yeux, déclare-t-elle. Je me suis dit tout d’un coup qu’une médaille pourrait être possible. Aux prochains JO, je pense surtout au 10 kilomètres, qui se courra en skating, et au skiathlon. En espérant que le parcours sera aussi difficile qu’à Lahti, car c’est ce que j’aime. »
Portrait publié dans Nordic Magazine #24
Photos : Nordic Magazine.